Mme Alimatou Koné vient de publier aux Éditions Edilis son
premier roman intitulé "Cri de souffrance". Vivant à
Bouaké, à plus de 450 km d'Abidjan, elle n'a pas
hésité à faire le déplacement sur Abidjan pour nous
rencontrer.
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Vous venez de publier aux Éditions Edilis un roman intitulé "Cri de souffrance". Pour les lectrices d'AMINA, présentez-nous votre livre...
Je remercie la rédaction d'AMINA qui me donne l'opportunité de présenter mon roman "Cri de souffrance". C'est un ouvrage de 144 pages, facile à lire. Il raconte l'histoire d'une famille à la quête de la santé. La course folle de Hadja, dont l'époux Adam est atteint du Sida, dans les hôpitaux, chez les guérisseurs, les tradi-praticiens, partout, en vain. Hadja soutient son mari jusqu'à son dernier soupir. Malade à son tour, Hadja est abandonnée par son entourage. Elle refuse d'avoir des rapports avec les autres, de peur de les contaminer. Ainsi, elle décline l'offre en mariage de son beau-frère. "Cri de souffrance" interpelle le lecteur et la société et les invile à accorder assistance et attention aux malades du Sida avant leur mort.
Vous êtes une femme d'affaires. Pourquoi avoir décidé d'écrire ce livre?
Parce que j'ai vécu le drame à travers l'attitude des gens. En tant que femme, j'ai cru bon d'apporter ma contribution, qui je l'espère n'est pas de trop dans la lutte contre la pandémie du siècle.
Votre livre est d'un réalisme poignant. L'auteur n'a-t-elle pas réellement vécu les faits?
Non, ce réalisme est le fait que j'ai eu à faire des recherches non pas à travers les livres, mais surtout en essayant d'approcher les malades, de comprendre leur état d'âme et leur environnement.
Pourquoi avoir choisi de rendre vain la course de Hadja et de Adam vers les guérisseurs...
La course de Hadja et d'Adam vers les guérisseurs est sans suite. C'est pour moi, une façon de faire ressortir dans un premier temps le fait que certains de nos guérisseurs se targuent de connaissances qu'ils n'ont pas en réalité. Jusqu'à ce jour le Sida reste une maladie incurable. Et de plus en plus, les milieux des guérisseurs sont devenus de véritables centres d'affaires et une source d'appauvrissement des malades.
Votre récit est triste. Ne craignez-vous pas de repousser le lecteur ou la lectrice? Comment justifiez-vous cette tristesse?
Mon récit est triste? La vie du sidéen ne l'est-elle pas? Il me semble que vivre avec l'idée qu'on est atteint d'une maladie incurable ne peut égayer personne. J'ai donc choisi la tristesse, pour assurer à mon récit le sérieux qu'il faut. Je ne souhaite pas repousser le lecteur, bien au contraire, je l'invite à découvrir avec moi l'univers du malade du Sida.
Face au Sida, la science moderne et traditionnelle a échoué, de même que les religions. A votre avis, d'où viendra la solution à ce mal?
Aujourd'hui nous avons assez d'informations sur le Sida pour pouvoir éviter la maladie. La seule solution est de se prémunir. Ainsi, il faut sensibiliser la population en Afrique. La gratuité des préservatifs, la sensibilisation dans la presse écrite, à la radio, à la télévision, ne serait ce qu'une minute après chaque émission, partout à travers tout le pays (maquis, chambres de passage dans les établissements...), pour expliquer les dangers du Sida et ses conséquences: l'exposition à toutes sortes de maladies, le désespoir, l'appauvrissement, la destruction physique, morale, sociale... Je préconise enfin que le monde entier, le monde religieux en particulier, décrète ne serait ce que dix minutes de prière en commun, pour bénéficier de la grâce divine, afin de trouver une solution.
Au fait, pourquoi avoir choisi de camper le récit dans la vie d'un couple pieux et rangé?
Le Sida ne doit pas être considéré comme une maladie honteuse liée aux abus sexuels. Il sévit de manière implacable dans tous les milieux. Nul n'est à l'abri de ce mal. Quel que soit le sérieux qu'on mène dans sa vie, on peut contracter le VIH. Il reste, à mon sens, des voies mystérieuses non sondées.
Le récit ne semble ne pas donner d'espoir aux sidéens quant à leur guérison. Que voulez-vous insinuer?
Bien au contraire, c'est un message d'espoir que je lance en toile de fond dans ce roman. La société, si elle prend conscience de son rôle d'encadreur, peut permettre aux sidéens de prolonger leur vie et de vivre avec la maladie plus longtemps. Dans bien des cas, le rejet par les parents, les médias et l'entourage, tue plus vite que la maladie elle-même.
Que peut faire le femme aujourd'hui pour se préserver du Sida?
Le risque de contamination de la femme est élevé par le fait des relations sexuelles et des accouchements. La femme doit être fidèle. Elle doit se protéger pendant les rapports sexuels douteux. Les tables d'accouchement doivent surtout être désinfectées, aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain.
Dans votre livre, vous semblez ne connaître qu'un seul mode de contamination du Sida: transfusion sanguine et outils non stérilisés des hôpitaux. N'y a-t-il pas d'autres causes?
Il existe bien entendu des voies de contamination autres que les outils non stérilisés des hôpitaux. C'est exprès que j'ai choisi de m'apesantir sur cet aspect. L'hôpital est le lieu par excellence où on donne la vie et où on la sauve. Il ne doit pas figurer sur le registre des endroits qui donnent la mort...
Dans votre présentation, il est dit que vous êtes conseillère auprès des femmes dont les époux sont atteints de maladies incurables. De quelles maladies s'agit-il?
En tant que femme, je suis plus sensible aux nombreuses préoccupations de la condition humaine. J'apporte mon aide quand je peux, quelle que soit la nature de la maladie, car toutes les maladies sont mortelles.
Comment aidez-vous ces femmes par vos conseils?
Prenons le cas, aujourd'hui en Afrique, d'une femme dont l'époux est atteint d'une maladie incurable. Elle est d'abord préoccupée par les problèmes de ménage, de sa famille, de la guérison de son époux, de la recherche et de l'admission des soins, de la pression sociale des beaux-parents et de l'entourage.
D'où tirez-vous la force d'aider ces femmes en pleine détresse? Avez-vous une puissance mystique ou spirituelle?
Je n'ai pas de pouvoir mystique. Je crois en Dieu. Je crois qu'il faut se mettre en toutes circonstances à la place de l'autre. Ce qui me permet d'apporter mon soutien à tout être humain que je sens en détresse. J'encourage toujours l'autre à surmonter les difficultés, car le vie elle-même demande beaucoup de courage.
Militante et animatrice de mouvements et associations de femmes, quelles sont vos activités à ces niveaux?
Pour l'instant, mes activités se limitent à la sensibilisation de
mon entourage : les femmes, les jeunes, les milieux scholaires, les milieux
ruraux et austres contre le Sida.
Pour cela j'anime des causeries-débats pour couronner toutes ces
actions. J'ai l'intention de créer une ONG pour réunir tous ceux
qui, comme moi, veulent consacrer un peu de leur temps à ses malades
délaissés.
Pour terminer, quels conseils aimeriez-vous donner à toutes les femmes lectrices d'AMINA?
Je leur conseille de se procurer "Cri de souffrance" qui interpelle le lecteur et la société sur le mal qu'est le Sida. Je les invite également à s'impliquer réellement dans la lutte contre cette maladie qui menace et défie le monde entier.
Contact : Mme Alimatou Koné - BP 2762 - Bouaké 01 - Tél. 31.77.24.62.
Propos recueillis
par Isaïe Biton Koulibaly