Lauréate de la poésie à treize ans à Libreville, cette doctorante d'économie appliquée vient de voir son rêve d'enfance se réaliser : publier son premier livre. Un recueil de nouvelles au titre évocateur sur la condition des jeunes filles africaines. |
Vous écrivez depuis l'âge de treize ans, pourquoi avoir attendu plus de quinze ans pour publier votre premier recueil de nouvelles ?
Ce n'était pas un parcours en continu. Au début de mon parcours scolaire, mon père veillait à ce que je fasse d'abord mes études. En Afrique, l'inexistence de structures pouvant permettre aux écrivains de s'initier véritablement à l'écriture a fait que ce n'est que lorsque je suis arrivée à Villeneuve d'Ascq pour ma thèse que j'ai consacré plus de temps à mon activité littéraire.
Comment se sont déroulés vos premiers contacts avec l'éditeur ?
Généralement, c'est un véritable parcours du combattant. Les maisons d'édition ne sont pas spécialement intéressées par la publication de nouvelles. En ce qui me concerne, j'ai envoyé mon manuscrit en février 2002, le recueil est sorti en mars 2003. Entre temps j'ai pu achever la rédaction de mon premier roman.
Votre recueil s'intitule "Le testament de mes pères", pourquoi ?
C'est pour souligner la dimension patriarcale chez les peuples Fangs d'Afrique centrale. Mais aussi parce que je me suis référée à la condition des femmes africaines à travers la vie de ma mère. Elle a eu dix enfants. Les enfants évoluent au départ dans l'innocence jusqu'au jour où ils découvrent à leurs dépens que les adultes parlent d'eux comme un testament. En grandissant il peut en effet arriver à une fille de se poser des questions: pourquoi sa mère a-t-elle eu un comportement qui peut paraître défavorable à sa progéniture ? C'est sa relation avec la tradition.
Lorsque le père d'Ada retire brutalement sa fille de l'école après son certificat d'études pour la donner en mariage à un homme fraîchement rentré d'Europe, sa mère est déçue, persuadée que les études étaient la meilleure chose qui soit arrivée aux femmes à travers la colonisation. Pourquoi malgré tout déclare-t-elle à sa fille : "Tu apprendras à aimer ton mari, comme toutes les femmes avant toi, tu verras"... Double langage ? hypocrisie ? résignation ?
C'est une mère passive et douce. Que dire à une jeune fille à qui l'on déclare: "Maintenant ta vie avec nous est terminée". Il faut bien la réconforter. On peut en effet s'habituer à un homme que l'on n'aime pas ; on apprend à le connaître et à l'aimer. Parfois les mariages de raison arrangés par les anciens marchent mieux que les mariages d'amour.
Oscar, son mari, l'inscrit néanmoins dans une école de formation de secrétaires afin qu'elle puisse apprendre un métier, pourtant elle apprend l'amour "dans un autre sens". Que signifie cette expression ?
Dans les mariages polygames, il y a toujours une épouse choyée et une mal aimée. Il s'agit souvent ce genre de situation. Ici, il s'agit de l'enfant de la femme non désirée. C'est le regard mère - société - enfant. Son père a tout fait pour que sa fiIle ne puisse jamais comprendre la réalité de la vie. La mère y a contribué en restant passive. Je me souviens d'une parole de ma grand-mère déclarant : "Les femmes actuelles ne peuvent imaginer la cruauté avec laquelle les hommes traitaient les femmes au début du siècle dernier."
Nadège Noëlle Ango Obiang
"Le testament de mes pères"
Société des écrivains
147/149, rue Saint Honoré
75001 Paris
01.39.08.05.38.
Propos recueillis par Florence Dini