Kesso, vous avez publié récemment aux Editions Seghers "Kesso, Princesse Peuhle". Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le comportement peuhl: est-il une éthique, une philosophie, un art ou un artifice de vie. Enfin, que vous reste-t-il de Peuhle?
Je n'ai pas tellement envie d'en parler, parce que tout d'abord, je ne m'assimile pas à une peuhle. Je me sens avant tout une africaine, et une guinéenne. Celles qui sont peuhles ne devraient pas se reconnaître en moi, parce que les gens de cette ethnie sont censés être discrèts, pudiques, effacés même...
Vous avez pourtant intitulé votre livre "Princesse Peuhle"
Je ne pouvais pas faire autrement: l'intituler princesse africaine ne correspondrait pas à la réalité.
Quelle est la motivation derrière ce livre: un message à transmettre, le désir d'être célèbre...?
Je n'ai pas de message à transmettre. J'ai seulement voulu me souvenir de mon enfance, une époque qui correspond à une partie de l'histoire de mon pays, et qui est en voie de disparition. Je voulais que mes enfants sachent qu'une féodalité a existé dans le Fouta, et qu'elle fait partie de notre culture.
Avez-vous l'impression que ce message est perçu par vos enfants?
Vous savez dans l'éducation des enfants, il est rare qu'ils perçoivent immédiatement ce qu'on a envie de leur inculquer. Pour ma part, j'ignore s'ils s'en serviront un jour, l'important est que cette culture demeure ancrée dans un coin de leur mémoire.
Vous vous êtes livrée a un véritable striptease: je pense à l'excision et à tous les détails que vous avez pu fournir... Que faites-vous donc de la pudeur des africaines?
Dans ce livre, j'ai entrepris de raconter ma vie. Ce n'est pas une histoire exotique, mais du vécu; donc je ne pouvais passer sous silence un événement aussi important de mon existence. Que celles qui se sentent concernées me pardonnent, mais dans ce domaine, elles n'ont pas le monopole; pour ma part, je n'ai dévoilé que ce qui m'est arrivé, et qui m'a perturbée quelque part.
Vous êtes une africaine qui n'avez pas peur du qu'en dira-t-on?
J'ai accepté de jouer le jeu de la confession, et d'être franche avec moi-même, le reste m'importe peu. J'avais l'habitue de consigner dans des cachiers tout ce qui m'arrivait. Mais je n'avais aucune intention de le publier un jour. C'est un ami qui en prenant connaissance de ces carnets intimes a fini par me décider, en me recommandant très fortement de ne supprimer aucun passage. Voilà comment ce livre est né.
D'aucuns trouvent que vous n'avez pas ménagé votre ex-mari?
Je n'ai pas attaqué mon ex-mari, contrairement à ce qu'on croit. Après tout, il a eu un comportement légitime conforme à notre éducation. Son seul tort est de n'avoir pas réalisé que je n'étais pas la femme classique traditionnelle.
A quel public est distiné votre livre?
J'ai fait ce que j'avais à faire, mais ce n'est pas à moi de choisir un public.
Comment vos enfants ont-ils accueilli votre livre?
Ma fille aînée semble l'avoir mal pris: elle pense que je n'aurais pas dû parler ainsi de son père. Et puis de façon générale, les enfants entourent leurs parents d'un certain mystère et n'aiment pas lorsque ces derniers se dévoilent.
Il me semble que tenir un journal exige une certaine discipline qui est tout-à-fait le contraire de l'héroïne que vous nous présentez?
Moi, j'écris par impulsion, sans aucune discipline... Je pouvais écrire un mois d'affilée et rester trois mois sans y toucher. Il faut dire que je passais le plus clair de mon temps à courir après mes cahiers disséminés, entre notre appartement de Paris, notre maison de campagne dans la banlieue parisienne, et notre domicile en Grèce.
Vous voulez dire que vous n'avez pas eu recours aux services d'un "neige" pour réécrire votre livre?
Je peux vous assurer que j'ai écris chaque mot de ce livre... Aprés mon passage à la télé, j'ai une fois surpris une conversation entre deux personnes qui se demandaient si j'étais vraiment l'auteur de mon livre; j'étais profondément vexée; Ecrire sa vie ne demande aucun talent particulier, seulement un peu de mémoire.
Votre livre est un cri de révolte. Il aurait pu s'intituler "la princesse rebelle". Pourquoi êtes-vous une incurable révoltée?
Je n'ai pas l'impression d'être une révoltée. J'ai toujours écrit selon mon instinct, tout en sachant que ma liberté s'arrêtait où commence celle des autres. Ma devise est de disposer librement de ma personne tant que je ne heurte pas les miens.
Vous semblez trés attachée à vos origines africaines est-ce par pure coquetterie? par sophistication exotique? ou autre chose de plus profond?
Je n'ai aucune prétention d'aucune profondeur. Je ne peux être autre chose qu'africaine, ce qui entre nous, n'est pas le résultat d'un choix, mais d'un état de fait que j'assume pleinement.
Pensez-vous que les femmes africaines ont un rôle à jouer dans la dénonciation de certains tabous ou insuffisances de nos sociétés, comme vous venez de le faire?
Je ne suis personne pour donner des leçons, et je suis loin de me poser en exemple. J'espère seulement que la femme africaine sera plus consciente de sa valeur, car l'homme n'existe pas sans la femme.
Au-delà de la théorie, que comptez-vous faire concrètement sur le terrain pour aider au changement?
Je ne suis ni militante, ni féministe, parce que les femmes n'ont pas besoin qu'on milite pour elles. Il faut seulement qu'elles prennent conscience de leur valeur comme je le disais. Mais je suis tout-à-fait disponible pour aider tous ceux qui pourraient avoir besoin de moi.
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