En publiant son premier roman, "Parole d'orpheline", en février 2007, Chloé Aïcha Boro est entrée dans le gotha des écrivains burkinabé de fort belle manière. Une des rares romancières du "pays des hommes intègres" explique à AMINA son art, ses attentes et jette un regard sur les femmes africaines. |
Présentez-vous à nos lectrices.
Je suis titulaire d'une licence en Lettres Modernes à l'université de Ouagadougou, où je suis d'ailleurs encore inscrite car je n'ai pas encore soutenu. Présentement j'anime le centre de ressources de l'ONG "Laboratoire Citoyennetés". Je présente aussi le magazine agricole TV Koodo (koodo signifie "agriculture" en langue locale mooré), une émission qui passe à la télévision nationale et qui a obtenu le prix Galian du meilleur télévisuel de l'année 2005 au Burkina.
Qu'est-ce qui vous a poussée à écrire ?
Quand j'étais gamine, je me sentais rejetée par mon entourage, surtout mes tutrices, et il m'arrivait aussi d'écoper de punitions pour des fautes que je n'avais pas forcément commises. J'avais besoin de parler, de me confier, pour diminuer ma peine. L'écriture est devenue une bonne confidente, un abri, un refuge.
Pourquoi avez-vous choisi le genre romanesque ?
A l'université, j'étudiais l'écriture romanesque, et plus j'avançais dans le programme du cours, plus je me rendais compte que les choses que j'avais griffonnées étant enfant n'étaient pas si éloignées de ce qu'écrivaient les romanciers. Le choix s'est donc posé de lui-même.
Pourquoi ce titre ?
Parce que je suis orpheline et qu'il me tenait à cœur de dire certaines choses dans ce roman.
C'est votre histoire personnelle ?
L'enfance difficile que je décris me concerne personnellement, mais on ne peut considérer cet ouvrage comme un témoignage de ma vie. "Paroles d'orpheline" est plus une fiction qu'une réalité. J'ai trois demi-frères et une demi-sœur, mais je ne les ai jamais rencontrés. Pourtant, dans le roman, je nous mets en scène tous les cinq vivant dans la même maison. On ne peut pas prétendre écrire sans se dévoiler un peu. Je parle des merveilles de mon village ou de choses que j'ai vues chez les autres; il y a donc forcément un peu de moi là-dedans.
Est-ce que ce roman est écrit pour "sensibiliser" les lecteurs ?
Ecrire pour sensibiliser ? Non, car sensibiliser c'est dire quoi faire, c'est montrer le chemin, alors que moi-même je ne suis pas sûre de le connaître, donc... Mais, je suis consciente qu'en tant qu'écrivain on est investi d'une mission malgré soi : il faut savoir vivre avec, et peut-être mourir avec.
Avez-vous rencontré des difficultés pour vous faire éditer ?
Non. J'ai participé à un appel à manuscrits lancé par le ministère de la Culture de mon pays. Mon manuscrit a été retenu. J'ai été chanceuse sur ce coup-là !
Au Burkina Faso, il n'y a pas beaucoup de femmes écrivains, pourquoi d'après vous ?
Peut-être parce qu'il y a beaucoup moins de filles qui vont à l'école.
Quels sont les écrivains africains qui vous ont inspirée ?
Je répondrai tout de suite Ahmadou Koné. Le premier roman qu'il m'a été donné de lire dans ma vie, c'est son livre "Les frasques d'Ebinto". J'apprécie aussi Cheickh Amidou Kane et Amadou Kourouma, même s'ils ne m'ont pas inspiré cette histoire.
A quand la prochaine couvre ?
Bien malin qui saura le dire !
Quel jugement portez-vous sur la situation des familles africaines aujourd'hui ?
Quand je regarde ma vie, le courage que j'ai eu de prendre ma destinée en main, sans attendre que quelqu'un le fasse à ma place; quand je vois toutes ces jeunes femmes de ma génération qui se battent avec la même détermination et même plus, je dis tout simplement que j'ai espoir et foi en nous.
Un dernier mot ?
Je l'adresse aux enfants orphelins qui connaissent aujourd'hui ce que moi, j'ai connu hier. Frères, nous sommes comme les autres, et même plus forts! S'il est vrai que nous devons batailler pour chaque miette, s'il est vrai que nous sommes toujours les premiers levés, les derniers couchés, nous avons notre place, et si nous avons le courage de la réclamer par notre travail, nous finirons par la prendre, cette place.
Propos recueillis
par Tiego Tiemtore