En 1977, alors que la Guinée traverse une crise économique,
politique et sociale sans précédent, Mariama Kesso Diallo fuit en
Côte-d'Ivoire. "La chance", son premier roman, raconte son parcours
courageux.
Consultante auprès de l'UNESCO et du Bureau International d'Éducation de Genève (BIE), cette sociologue de formation s'intéresse également aux questions du genre et d'intégration de la femme dans le processus du développement. De passage à Paris à l'occasion du dernier Salon du Livre, Mariama Kesso Diallo a bien voulu partager quelques moments de son parcours. Même si la littérature africaine féminine l'inspire depuis toujours, l'auteur n'a pas cherché à écrire une oeuvre littéraire. "La chance" est surtout le témoignage poignant d'un vécu partagé par de nombreux Guinéens. Un livre émouvant. A lire pour mieux comprendre une partie de l'histoire de la Guinée-Conakry.
|
Comment est né "La chance", votre premier roman ?
Depuis que j'ai quitté la République de Guinée, mon pays, j'ai toujours voulu écrire un livre pour raconter l'aventure que j'ai vécue avant d'arriver à Abidjan où ma famille et moi sommes restés dix ans, avant d'aller vivre en Suisse. Les premiers temps, je me tournais un peu les pouces. Alors, j'ai commencé à écrire pour raconter vraiment ce que les enfants et moi avions vécus. Il s'agit donc d'un roman autobiographique. J'ai voulu rendre hommage à toutes ces femmes qui ont eu le même parcours que moi. Qu'elles soient Guinéennes ou pas. Ce livre représente un symbole, car d'autres femmes pourront s'y retrouver. Aussi, j'ai voulu rendre hommage à mes parents qui ont été jetés en prison lorsque nous sommes sortis du pays.
Pourquoi le titre "La chance" ?
Parce que le fait de fuir la Guinée était osé et ce n'était pas donné à tout le monde. Quitter mon pays pour arriver en Côte-d'Ivoire était une chance. Je suis partie avec mes trois enfants dont l'aîné n'avait que 8 ans. J'ai rencontré de nombreuses difficultés avec les gendarmes et les militaires. Les contrôles étaient permanents. Cela était encore plus vrai à l'égard d'une femme seule avec des enfants. Mon mari étant parti deux semaines avant pour moins attirer l'attention. La chance a cependant toujours été de mon côté. Je suis arrivée à surmonter tous ces obstacles.
Comment viviez-vous en Guinée ?
Quand nous sommes partis, en 1977 une épée de Damoclès était suspendue en permanence sur nos têtes. D'un point de vue économique, nous arrivions à peine à manger correctement. C'était très difficile pour tout le monde. C'était également l'époque de la chasse aux Peuls. Ce contexte nous a poussés à partir, sans aucune garantie: c'était le chemin vers l'inconnu.
Quels souvenirs gardez-vous de vos années passées à Abidjan ?
Un excellent souvenir. J'ai trouvé les gens particulièrement sympathiques et charmants. J'enseignais la littérature française et africaine, ainsi que l'histoire et la géographie et je garde un souvenir émouvant de ce pays et de sa population. Par la suite, mon mari qui était ingénieur-météo s'est vu offrir un poste à Genève, à l'Organisation Mondiale de la Météorologie.
Arrivée en Suisse, vous avez poursuivi vos études de sociologie. Qu'est-ce que les "études femmes" (genre) ont changé dans votre vision du monde ?
Ces études m'ont en effet fait changer de mentalité. Plusieurs aspects sur les questions féminines m'échappaient. J'ai mieux compris en quoi la femme était le pilier de la famille et qu'il était crucial qu'elle soit bien formée pour être plus efficace. Car derrière un grand homme, il a forcément une grande dame.
L'éducation et l'alphabétisation sont donc très importantes. Ces études m'ont aussi donné envie de travailler avec les femmes rurales en particulier.
Quels sont vos projets ?
J'ai l'intention de réaliser une thèse sur la littérature africaine à la Sorbonne.
Vous n'en finirez donc jamais d'étudier ! D'où vous vient cette énergie ?
Je me dis que si on peut vieillir physiquement, il faut toujours rester jeune d'esprit. Et surtout, j'ai envie d'être toujours utile et de me surpasser. Mon tempérament m'incite à aller le plus loin possible.
En tant que jeune auteur, quelles étaient vos impressions en assistant au dernier Salon du Livre à Paris ?
C'était la première fois que j'avais le privilège d'assister à un Salon du Livre. C'était magnifique. J'ai rencontré de nombreux écrivains et j'ai noué de nombreux contacts. Le fait de voir tout ce monde réuni autour du "Livre", comme une religion, était une expérience particulière. Cela m'a donné encore plus d'énergie et de courage. Écrire, c'est ce qu'il y a de mieux.
Propos recueillis
par Renée Mendy-Ongoundou