Paru aux Editions l'Harmattan en 2007 dans la collection "Ecrire l'Afrique" ce roman fait son petit bonhomme de chemin. "Pour l'amour de Mukala" de Thérèse Zossou Essémè est proche du conte. L'histoire dépeint les heurs et malheurs d'une jeunesse tiraillée entre le désir de réussite professionnelle et le souhait de retrouver ses racines. La difficile coexistence entre tradition et modernité, avec une dose de critiques des années Ahidjo au Cameroun.
Tout a commencé un lundi. Ce jour-là, Daniel Dika, originaire de Douala, en études en France, reçoit un coup de fil de son cousin lui annonçant une triste nouvelle : le décès subit de sa sœur Mouto, fauchée par une moto. Cette mort, il n'arrive pas à l'admettre. Mouto ! Elle si radieuse, si débordante de joie de vivre à 22 ans. Mais la réalité est là. Mouto est bel et bien morte. Le destin est parfois cruel, impitoyable. Que peut faire Daniel Dika sinon rentrer au pays pour assister au moins à l'enterrement et surtout compatir à la douleur de la famille éplorée.
Le voyage de Paris à Douala se passe dans une assez bonne ambiance malgré la douleur qui envahit Daniel Dika. Il est en compagnie d'Yvonne Konagué, une étudiante camerounaise à Paris qui, elle, rentre pour les vacances.
Au pays, dans la famille de Daniel Dika, les jours qui suivent se ressemblent les uns les autres: cris, lamentations, pleurs, animations de chorales, veillées de prières... La maison mortuaire ne reprend son train normal qu'après la levée de la neuvaine.
Un après-midi, Daniel Dika se repose dans sa chambre lorsque sa mère vient lui annoncer qu'une jeune fille le cherche. C'est Yvonne Konaguè. Une surprise agréable. A vrai dire, Daniel Dika est amoureux d'Yvonne.
Alors que Daniel et Yvonne étaient venus à Douala pour quelques mois, juste en vacances, Daniel y reste deux ans. Sa décision de ne pas retourner à Paris surprend tout le monde. Il reste dans sa ville natale et travaille comme enseignant en maths. Yvonne, elle, retourne en France après ses vacances pour poursuivre ses études.
Malgré son boulot, Daniel se morfond dans la solitude. En effet, il ne réussit ni à s'intégrer ni a être content de lui-même. La seule chose qui l'égaie de temps en temps, c'est les lettres de son ami Timba qui lui donne des nouvelles de Paris et l'exhorte chaque fois à reprendre ses études. En dehors de cela, Daniel est perpétuellement animé d'un sentiment d'insatisfaction et d'incertitude. La solution d'arrêter ses études pour commencer à travailler ne semble pas avoir entièrement résolu son problème. Non, ça ne peut plus continuer ainsi.
Et puis un midi, à son retour du travail, Timba vient le voir. Depuis son retour de Paris après ses études, il travaille dans une importante société d'exploitation pétrolière de Douala. Il a assurément quelque chose d'important à dire à Daniel. En effet, à son instigation, Daniel se rend à une rencontre avec le patron de la société où travaille Timba et après un bref entretien avec ce patron, la compagnie l'embauche. Et on lui octroie trois années de bourse en France pour une spécialisation en hydraulique et en forage. C'est plus que ne pouvait en espérer Daniel.
Et le voilà de nouveau à Paris, dans la cité d'Antony. Au hasard des circonstances, il rencontre Yvonne qu'il avait presque oubliée. Ils se prennent d'amitié et, par la force irrésistible de l'amour, se marient. Elle soutient brillamment sa thèse de médecine, et lui devient ingénieur. Une année après, le couple retourne à Douala, avec dans leurs bras une jolie fille du nom de Christelle.
Le couple vit alors des jours joyeux et agréables... Mais maintes épreuves les attendent après ces jours heureux. Christelle meurt dans un puits perdu. Yvonne est victime d'une mystérieuse piqûre d'insecte qui lui ôte la vue. Cruel destin auquel il faut se soumettre et attendre. Une attente dure à vivre, dure à supporter. Les jours et les nuits se succèdent avec toujours la même angoisse, la même peur, les mêmes douleurs. Les mois s'écoulent... Et un jour, l'inattendu arrive. Après une cérémonie de purification dans l'aire sacrée de son village natal, Yvonne, affectueusement appelée Mukala (la petite blanche) dès son jeune âge, recouvre la vue au grand étonnement de tout le monde. Le bonheur de cette guérison miraculeuse est immense et enchante surtout Daniel.
Ainsi, le couple Dika est soulagé de tous les maux, de toutes les souffrances qu'il a endurés douze mois durant. La délivrance. La consolation du couple est d'autant plus grande qu'il enregistre la naissance d'un nouveau bébé, Victoire. Quelle cerise sur le gâteau après l'épreuve ! La vie dans le foyer ne peut être qu'agréable à nouveau.
Au-delà de cette histoire contée avec art et maîtrise par Thérèse Zossou Essémè, "Pour l'amour de Mukala" révèle une romancière camerounaise au style alerte et captivant, au talent immense et à l'imagination fertile. Sa plume agite les sensibilités, réveille les consciences collectives dans le difficile parcours initiatique de la vie, avec son cortège de mutations, de formation, de transformation, d'habitudes, d'attitudes et d'aptitudes. C'est là tout l'intérêt du roman de Thérése Zossou Essémè.
Sita Tarbagbo