Fatou Keita est une auteur de renommée internationale qu'on n'a plus besoin de présenter. Auteur de nombreux ouvrages pour la jeunesse, cette professeur d'anglais à l'université d'Abidjan présente "Et l'aube se leva", deuxième roman publié par Présence africaine, CEDA et NEI. |
Sur vos treize productions littéraires, onze sont consacrées aux enfants. Pourquoi ?
La littérature pour la jeunesse est vraiment mon domaine de prédilection et je m'y plonge réellement avec plaisir. J'aime le monde des enfants. C'est un monde merveilleux où tous les rêves sont possibles ! Je suis vraiment une amoureuse des tout-petits. Je crois que c'est cela qui me donne l'inspiration. Je sais ce qu'ils aiment, car l'enfant en moi est toujours présent.
Dans votre dernier livre pour les enfants, "Un arbre pour Lolly", qui traite du Sida, comment leur expliquez-vous le Sida ?
Ce livre sert à parler aux enfants de ce sujet difficile. J'ai voulu le faire parce ce que je me suis rendu compte qu'on ne s'adressait pas véritablement aux enfants en ce qui concerne le Sida. Ils en entendent parler à longueur de journée à la radio et à la télévision. Ils entendent parler de fidélité, d'abstinence, de préservatifs, bref, de choses qu'ils ne comprennent pas et qui ne les regardent pas. Dans ce livre, je leur parle de ce qui les concerne à travers une histoire qui les touche, dans laquelle ils se retrouvent et dont ils comprennent aisément le message : celui de la tolérance et de l'amour.
Votre premier roman, "Rebelles", est un véritable plaidoyer contre l'excision. Où en sommes-nous en Afrique concernant l'éradication des mutilations génitales féminines ?
Les choses bougent, mais trop lentement à mon avis. Nos gouvernements africains n'en ont pas véritablement fait leur cheval de bataille. Il faut une volonté au sommet pour que cela se concrétise de façon durable et rapide. Il faut arriver à impliquer les hommes qui, à la vérité, nous aiment entières !
Votre deuxième roman vient de paraître "Et l'aube se leva". De quoi parle-t-il ?
Je voudrais que mes lecteurs le découvrent ! Il s'agit de la rencontre entre une jeune femme de la haute bourgeoisie et un enfant de la rue. L'histoire se passe dans la Baie des Crocodiles, un pays qui ressemble à s'y tromper à la Côte d'Ivoire tourmentée par des soubresauts socio-politiques.
Vous y abordez plusieurs thèmes dont celui des enfants dans la rue...
Les enfants dans la rue et de la rue sont une triste réalité dans nos pays et il nous faut débattre de ce problème et l'exposer tel qu'il est, dans toute sa laideur. Pendant que certains déjeunent au champagne dans les luxueuses villas des quartiers riches, dans les bidonvilles, la lutte est terrible pour la survie.
Le personnage principal, Shina, s'attache à Eloé, un jeune orphelin, enfant de la rue. Elle lui offre une vie de rêve, mais les mauvaises habitudes qu'il a acquises dans la rue le rattrapent et sa vie s'achève tragiquement. Pourquoi avez-vous brisé le rêve d'Eloé ?
Ce ne sont pas les nouvelles habitudes d'Eloé qui détruisent ce rêve! Eloé a été victime d'un viol abominable par un des gros bonnets de la République ! C'est cela qui le rattrape et fait de lui un mauvais garçon qui va finir par se venger. C'est l'égoisme, la perversion et la cruauté de cet homme et de la société qui sont ici à blâmer en premier lieu !
Fatou Keita féminine ou féministe ? Auquel de ces personnages ressemble-t-elle ?
Féminine ou féministe ? Les deux mots n'ont pas le même sens mais ne s'excluent aucunement l'un l'autre ! Ils peuvent aller de pair. Le problème c'est simplement la connotation péjorative qui (souvent à dessein !) entoure le mot féministe. Une féministe, telle que je l'entends, c'est une femme qui défend la femme sans pour autant détester les hommes - qui l'aiment justement parce qu'elle reste féminine ! Je ne ressemble à aucun de mes personnages mais certains d'entre eux, bien entendu, partagent quelques-unes de mes convictions !
Quelle est votre vision d'une société idéale puisque dans votre livre vous peignez une société sombre ?
La société que j'ai peinte dans ce roman n'est pas fictive ! Sombre elle l'est, certes, mais je ne l'ai pas inventée. J'ai les pieds sur terre, donc je ne vais pas parler d'idéal mais tout simplement d'une société plus juste, dans laquelle le partage des richesses serait un peu plus équitable et dans laquelle les hommes naîtraient un peu plus égaux !
Fatou Keita a-t-elle une recette pour que l'aube se lève sur la Côte d'Ivoire pour qu'elle sorte enfin de cette nuit qui dure depuis quatre ans ?
Oui, mais je risquerais de me faire des ennemis en la mentionnant !...
Propos recueillis
par Isaïe Biton Koulibaly avec la collaboration de Mariam Constance Komara
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