MONIQUE ILBOUDO AUTEUR DE
"LE MAL DE PEAU"
Madame Monique Ilboudo est la première romancière burkinabé. Elle vient de publier son premier livre intitulé: "Le Mal de Peau", un ouvrage qui a obtenu Le Grand Prix de l'Imprimerie Nationale du Meilleur Roman 1992. En tournée de promotion en Côte d'Ivoire elle a participé à des dédicaces. Elle a bien voulu répondre à nos questions. |
Pouvons-nous connaître votre formation et vos activités professionnelles dans votre pays?
Je suis juriste de formation. J'ai un doctorat en droit. A la prochaine rentrée scolaire je vais enseigner à l'Université. Pour le moment, je travaille dans un cabinet d'avocats en attendant de prêter serment comme avocate.
A quel moment de votre vie la littérature s'empare-t-elle de vous?
Depuis toujours. J'ai été toujours passionnée par la lecture et l'écriture depuis mon enfance. A l'école primaire j'écrivais déjà des poèmes. Et j'aimais recevoir, comme cadeaux de fin d'année, des livres.
Quel peut-être aujourd'hui l'apport de la littérature dans le processus de démocratisation de l'Afrique?
Chacun doit mettre ses dons au service d'une cause. En Afrique, les grands problèmes de développement, de démocratie doivent être des thèmes pour les écrivains. Pour ma part, je pense que le problème de la femme doit mériter l'engagement de toute femme écrivain.
Les femmes ont-elles des problèmes?
Evidemment. Elles subissent encore une certaine injustice. Au niveau de la scolarisation par exemple. Les parents n'ont pas assez de moyens. Ils préfèrent envoyer les garçons à l'école au lieu des filles. On ne se demande même pas si la fille est plus capable que le garçon. On pratique encore dans nos sociétés l'injustice basée sur le sexe. Les hommes ont trop de privilèges. Il faut les dénoncer, les combattre pour que les choses changent.
La femme africaine aime lire mais beaucoup plus les photos-romans que la «vraie» littérature. Comment l'expliquez-vous?
C'est un problème de fond. Si on prend les femmes, on constate que l'analphabétisme les frappe davantage. Elles ont souvent le niveau du CEPE. Vous ne pouvez donc pas leur demander de lire les grands philosophes. Ensuite, la sociéte a divisé artificiellement, les tâches. Le monde féminin est fait de coquetterie, de choses futiles, d'amour etc... La femme trouve naturel de lire les photos-romans surtout quand elle reste au foyer. L'homme, au dehors constamment, a l'occasion de recontrer du monde et de discuter des grands problèmes du monde. Tout cela découle de l'injustice sur le plan scolaire. Une prise de conscience, de la part des femmes, s'impose. Par la plume, par la parole, les femmes doivent s'élever contre leur dépendance, l'injustice et la ségrégation dont elles sont victimes dans une société dominée et dirigée par les hommes.
Le Burkina Faso compte combien de femmes dans la littérature?
Pour le moment la littérature féminine du Burkina est unijambiste. Je suis la seule à publier un roman. Les femmes ont publié jusqu'à ce jour un ou deux poèmes par ici et là dans les journaux et autres magazines. Que voulez-vous? Quand on marie une fille à l'âge de 16 ans et qu'elle est contrainte de passer toute sa vie dans les tâches ménagères, dans les activités de bonne, on ne peut pas lui demander d'écrire un livre. Beaucoup de talents, en Afrique, ont été ensevelis par des tâches ménagères, la maternité et j'en passe.
Le mal de peau?
C'est l'histoire de Cathy, une jeune métisse, dont la mère a été violée par un administrateur colonial. Cathy, après son baccalauréat, va se rendre en France pour rechercher son père. Dans ce pays elle va recontrer l'amour. Au-delà de ce résumé, c'est l'histoire des africains d'aujourd'hui, des africains qui sont à la recherche de leur identité culturelle. Entre la culture africaine et occidentale, ils cherchent encore leur voie.
Connaissez-vous l'Europe?
J'y ai vécu pendant dix ans. Et je pense que voyager forme la jeunesse. Il est bon de voir et d'apprendre l'expérience des autres et de s'en inspirer pour notre développement en Afrique.
Comment les femmes ont-elles apprécié votre livre?
Les femmes qui ont acheté ce livre l'ont dévoré d'un trait. On me dit que lorsqu'on commence ce livre il est difficile de s'arrêter. Très peu ont apprécié la fin triste et tragique. Pour moi, cette fin est volontaire pour mieux choquer le lecteur afin de l'amener à la prise de conscience.
Citez-nous un problème de la femme au Burkina Faso.
Un seul? Non, il y a trop de maux qui frappent la femme de mon pays. Je citerai deux drames: l'excision (certaines trouvent normal cette pratique) et la polygamie (qui me révolte).
Pourquoi la polygamie vous révolte?
Elle est la négation même de l'amour. Je trouve choquant qu'un homme ait trois, quatre ou plusieurs femmes. Peut-on partager l'amour avec toutes ces femmes? Je ne le pense pas. La polygamie dévalorise la femme. C'est une injustice. C'est pire que le mariage forcé. La polygamie c'est la négation de la personnalité de la femme.
Que pensez-vous du mariage mixte?
Pour tout mariage le seul critère demeure et sera l'amour. Quand il y a amour le couple peut transcender tous les problèmes.
Pour vous qu'est-ce que l'excision?
L'excision est un crime contre la féminité. Physiquement ou moralement c'est un crime. C'est un crime. C'est une mutilation morale et affective contre la femme.
Pour terminer, j'aimerais savoir si vous êtes une femme heureuse?
Je dirai que je suis une femme à la recherche de son équilibre moral et du bonheur (s'il existe).
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