Ses ancêtres sont congolais et bukinabés. Femme longue et majestueuse, toute emperlée de rire avec sa voix qui tinte comme une mélodie joyeuse aux tonalités variées, elle transporte les âmes avec humour et bienveillance au pays des merveilles. Son premier livre "Les jumeaux de la case carrée" vient d'être publié dans la collection l'Harmattan Jeunesse. Et les adultes comme les plus jeunes y trouveront matière a émotion et à réflexion. Son vœu le plus cher semble être de faire du bien au monde... et elle y réussit merveilleusement. |
D'où vous vient ce grand amour du métissage culturel que vous extériorisez, entre autres, dans votre livre ? et que signifie votre prénom ?
C'est en relation directe avec ce que j'ai vécu, avec le métier de Papa qui est du Congo Brazza et travaillait au Conseil de l'Entente. Il voyageait beaucoup. Aussi, ma mère et lui avaient-ils décidé de nous élever, mon frère, mes deux sœurs et moi entre Abidjan et Paris. Ils nous ont ainsi appris à vivre plusieurs cultures à la fois. Voilà comment, aussi loin que je me souvienne, j'ai baigné dans plusieurs cultures au point que je considère que j'ai plusieurs "mères", entre guillemets. L'une en particulier est une pure Lozérienne (la Lozère est une région de France, ndlr)! Ma famille maternelle, les Lamizana, habite entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. Kady, cela signifie "c'est bon, c'est doux, c'est bien" en Dioula. C'est ma mère qui m'a appelée ainsi. Je suis passionnée par tout ce qui raconte... tout ce qui peut communiquer des choses de l'intérieur. Et comme je ne suis pas du tout musicienne je chante affreusement mal j'ai commencé par écrire des textes; c'est mon premier livre publié, tout petit, qui se lit très vite. C'est écrit avec plus de cœur que d'encre.
Vous y évoquez les sentiments passionnés d'un jeune européen pour la terre africaine...
C'est l'histoire de deux enfants de deux. mondes complètement différents, nés dans la même case. Ils vont être séparés et se retrouver pour écrire leur histoire. On parle peu de tous ces petits occidentaux ou japonais qui ont grandi en Afrique, et qui y étaient très proches de la nounou et des boys, au contact de la culture traditionnelle africaine. Ils l'ont prises par tous les pores de leur peau. C'est donc aussi en pensant à eux que j'ai écrit ce conte. Quels que soient leur couleur et leur niveau social, c'était avant tout des Africains.
Quelles études avez-vous faites ?
J'ai commencé des études de médecine à Abidjan jusqu'en 4ème année... puis un moment de grande amertume, de remise en question personnelle, m'a amenée en France où j'ai fait une multitude de métiers qui m'ont permis de gagner ma vie et de m'enrichir en expériences : secrétaire bilingue mais aussi poissonnière, auxiliaire de vie, trieuse à la poste, télé-prospectrice, hotliner pour guider les gens sur leur ordinateur... Quelques études de kinésithérapie m'ont appris à masser les enfants. Et en Afrique, on les masse beaucoup. Mes grands-mères et grands-tantes massaient les bébés le soir en une cérémonie grandiose, et c'était impressionnant parce qu'on les manipulait de manière sportive. Après le bain et le massage, ils s'endormaient, fatigués et relaxés. J'ai vu ça dans la cour de la famille à Ouaga mais je suppose que cela se fait dans bien des pays d'Afrique. Est-ce que cela fait des enfants particulièrement calme, je ne sais pas. Mais enfin ça leur fait plaisir.
Avez-vous d'autres projets d'écriture ?
J'ai plusieurs manuscrits sous le coude et d'autres en projet. J'ai fait un scénario d'un roman que j'ai écrit il y a 10 ans sur un jeune homme qui renoue les ponts avec lui-même pour aller vers l'avenir. Car mes histoires, je les vois avec des sons, des images et des couleurs. Nous verrons ce que cela donnera si un cinéaste s'y intéresse !
D'où vous vient l'inspiration pour des personnages masculins ?
J'ai en effet trois filles : Laurette qui a 17 ans, Meryl, 14 ans et Ysaline, 11 ans, mais les personnages masculins me permettent de parler de sentiments profonds et intimes avec plus de distance. D'autre part, j'ai toujours observé les relations mère-fils avec intérêt..., peut-être parce que je n'ai pas de fils ! C'est un peu le thème du scénario pour lequel je cherche un réalisateur ou un producteur... Avis aux amateurs !
D'où vous viennent les histoires que vous contez ?
Je suis bavardeuse, raconteuse depuis toujours et officiellement depuis 4 ans. Mes histoire, je les puise de partout, mais après je les colorie, je les raconte à ma façon, dans une Afrique plus ou moins imaginaire ou ailleurs et en adaptant les personnages. A l'un, l'accent provençal, à l'autre celui d'un titi parisien ou encore d'un Abidjanais... Cela fait vivre le conte. On dit de moi : "c'est une conteuse africaine", et je revendique cela. Mais une histoire voyage partout comme le vent et selon le pays où il souffle, on lui donnera un nom différent : Harmattan, Sirocco, Mistral... mais c'est toujours le vent. Le conte est pareil. Prenez un conte japonais, il peut sonner africain ou français. Un autre très ancien peut sonner tout à fait moderne. Je me promène partout et j'aime les histoires qui peuvent faire sens pour moi afin de pouvoir les amener à faire sens pour les autres.
Devez-vous vous adapter à l'âge de votre public ?
Bien sûr, quand ce sont des bébés de crèches de 18 mois ou 2 ans. Mais on dit que dans un conte, il y a une parole pour chacun. Chacun entend son histoire. Donc, le problème d'âge n'est pas gênant. Le conte résonnera pour que chacun s'y retrouve.
Et les personnes âgées, combien elles aiment les histoires! C'est magnifique. Tant de sagesse, avec un humour et un accueil qui fait que vraiment on peut se faire plaisir avec un tel public. Et dans les maisons de retraite, j'ai constaté combien la parole appelle-la parole. C'est pourquoi le conte est un magnifique instrument de communication. On parle de "spectacle de conte" mais le terme est mal choisi. Cela devrait être un "échange de conte" ou une "conversation de conte" car derrière, les gens ont envie de raconter, de chanter, et tout s'enchaîne pour des retrouvailles de souvenirs et des découvertes d'amis.
Quelles sont vos lectures ?
J'étais une dévoreuse terrible de livres. Mais depuis que j'écris avec l'idée d'être publiée j'évite de lire car j'ai une peur atroce de faire un plagiat. Parce que lorsque je lis quelque chose que j'aime, cela devient une partie de moi. Je l'adopte vraiment et j'ai peur que cela ressorte. Alors je lis les livres que lisent mes filles pour partager avec elles. La seule chose que je n'aime pas, ce sont les histoires désespérées qui n'aboutissent à rien, ou bien celles où il y a de la méchanceté gratuite. On peut tout dire... mais c'est important d'ouvrir une porte.
Propos recueillis
par Laurence Husson
Contact : kady.fitini@wanadoofr
Website : https://www.kadydit.net/
"Les jumeaux de la case carrée' Collection Jeunesse L'Harmattan, 76 pages.