"L'épopée de Ségou"
une page d'histoire écrite par Adame Konaré Ba
Professeur d'histoire à l'école normale supérieure de Bamako, Madame Adame Konaré Ba est l'unique femme écrivain au Mali.
Son livre "L''Épopée de Ségou":Da Monzon un pouvoir guerrier met en lumière une partie de la riche histoire de son pays natal. Avec une approche inédite. Nous l'avons recontrée pour évoquer son oeuvre éditée par la collection Centre Europe Tiers-Monde. |
Dans votre dernier ouvrage "L'Épopée de Ségou" vous rompez avec le style classique d'écrire l'histoire. Quelle est cette nouvelle écriture que vous expérimentez, et pourquoi cette nouvelle manière de faire?
En fait, je ne romps pas totalement avec le style classique. Dans mon livre, certains chapitres essayent de reconstituer à partir de mes sources, la trame de l'histoire. Mais ce n'est pas systématique. L'écriture est nouvelle en ce sens que cette histoire savante cohabite avec l'histoire populaire voire le roman: dans certains chapitres, je projette mes propres fantasmes, tout en baignant dans la culture "bamanan" et tout en restant dans une perspective historique.
Pourquoi cette nouvelle manière de faire?
Parce que d'une part, je suis héritière de l'historiographie coloniale et de l'historiographie malienne, d'autre part, je suis animée du désir de mettre l'histoire à la portée d'un plus large public. Ambition qui épouse la conception des griots solidaires des orientations culturelles du peuple. L'histoire est donc à ce niveau, un "construit conscient".
Le rôle joué par la femme dans l'histoire du royaume Bamanan de Ségou se limite-t-il, comme, il ressort de votre livre, à servir d'appât dans les cours des rois?
Oui, c'est ce qui se dégage de la tradition orale, et populaire, mais je pense que le rôle joué par les femmes dans l'histoire du Royaume Bamanan de Ségou, entre dans la théorie du pouvoir, et par conséquent n'a pas de fondement historique véritable.
On ne peut comprendre qu'une femme joue d'autre rôle auprès d'un homme que de le séduire. Tout comme un homme, aussi puissant soit-il, perd complètement ses moyens devant sa séductrice.
D'où la notion: la femme est le poison du pouvoir. A partir de ces différents postulats les traditionnalistes populaires repétrissent la "pâte historique". Or l'histoire épouse les orientations culturelles du peuple, et permet d'évaluer ces orientations.
Pouvez-vous comparer la vie de la femme dans la société bamanan de Ségou d'antant à celle de la citadine d'aujourd'hui?
Les choses de la femme ont évolué dans bien des domaines. La vie de la femme rurale d'aujourd'hui n'est guère différente de celle de sa soeur de la société bamanan d'antan. Elle continue à s'occuper presque exclusivement de son ménage dans des conditions matérielles pénibles, elle obéit toujours aux lois d'abnégation, de soumission, d'endurance, etc...qui déterminent son comportement dans la société.
En milieu urbain où la femme bénéficie des progrès réalisés dans les domaines de la santé, des rapports sociaux, de l'infrastructure domestique, elle a moins de contraintes que sa soeur villageoise, mais sa vie est loin d'être dorée, elle connaît même des problèmes d'un type nouveau, auxquels échappe certainement la femme rurale.
Que représente pour vous "L'épopée de Ségou Da Monzon un pouvoir guerrier"?
"L'Epopée de Ségou Da Monzon un pouvoir guerrier" est une page d'histoire africaine, mais surtout une nouvelle façon d'écrire et de sentir cette histoire. Un ouvrage qui permet de déceler l'orientation culturelle du peuple bamanan comme seule la tradition orale peut le faire, et de fixer les points historiques, là où il est nécessaire de le faire. Cet essai nous l'espérons, suscitera des débats dans le cercle des historiens africains modernes...