Ne vous fiez pas au visage poupin d'Aïda Mady Diallo, car l'intrigue de
son roman s'ouvre sur un meurtre doublé d'une immolation et se
développe ensuite selon une chronologie de vendetta programmée.
L'auteur en herbe n'a pas choisi la facilité pour pénétrer
la cour du monde littéraire... D'un simple trait de plume, Aïda Mady Diallo donne la liberté à la parole écrite, qui dans son enthousiasme tombe parfois dans la fougue et l'excès de clichés de certains premiers romans. "Kouty - mémoire de sang" sera une révélation troublante pour ceux qui aiment à s'aventurer dans la noirceur de la nature humaine. * * |
Comment est née votre histoire d'amour avec l'écriture ? Était-ce par la tenue d'un journal intime, par la rédaction dans le petit journal du collège ou du lycée ?
Ce n'est ni l'un, ni l'autre. L'idée de faire jour après jour la même chose à la même heure, me fait horreur. Je n'aime pas la monotonie et au bout du compte, le courage m'aurait manqué. Je n'ai jamais participé à aucun journal à l'école. Mon dada, c'était plutôt la bande dessinée. En effet, je réalisais des bandes et je reproduisais les dessins tout en modifiant les textes. Mon plaisir consistait à inventer des petites histoires et de les donner à lire à l'école. Ces récits intéressaient les copains. Puis au lycée, je me suis lassée de ne pas imaginer mes propres personnages, préférant troquer le dessin par des nouvelles, puis un roman. Un grand cahier de classe renfermait mes histoires. Je n'ai jamais terminé le roman commencé à cette époque. Après mon Bac, j'ai obtenu une bourse pour l'URSS. A mon retour, je n'ai plus retrouvé mon cahier.
Donc, "Kouty, mémoire de sang" est le premier roman achevé. Une fois la dernière ligne écrite, comment se sont déroulées les choses ? A qui avez- vous fait lire le manuscrit en premier?
A ma famille et je peux vous assurer que la critique est très sévère à la maison. Mon père, en particulier, est un lecteur averti. Je pense les avoir un peu étonnés. Ils ne s'attendaient pas à ce style d'ouvrage. Puis je suis restée deux ans avec le roman fini, sans oser le montrer hors du cocon familial. Grâce aux encouragements de mon père, j'ai confié mon manuscrit à une maison d'édition.
La "Série noire" de Gallimard?
Pas du tout, puisqu'à aucun moment de l'écriture de "Kouty", je n'ai eu le sentiment de faire un roman noir. Non, en réalité, j'ai déposé le manuscrit dans une maison d'édition malienne comme disait chaque mois que je serais publiée le mois suivant... Cette comédie s'est prolongée, le 1998 à 2001.
Pourquoi ne pas avoir envoyé votre manuscrit à d'autres éditeurs ?
Il y a tellement de préjugés, il y a tellement d'écrivains... Alors, envoyer son petit manuscrit du Mali, je n'avais pas confiance en moi. Je pensais que mon manuscrit - s'il ne finissait pas à la poubelle - ne serait pas lu parce que provenant du Mali. Certains a priori ne disparaissent pas du jour au lendemain... Je commets d'ailleurs un impair en oubliant le dépôt du manuscrit auprès d'une maison d'édition canadienne. Alors que cet éditeur était intéressé par mon roman, les pourparlers n'ont pas abouti parce que les subventions dont bénéficiait cette maison d'édition ne valaient pas pour les auteurs non-canadiens.
Bien. Alors, finalement, comment passez-vous de l'éditeur malien à la Série noire ?
La rencontre avec Patrick Raynal est assez drôle. Mon éditeur malien m'avait assuré que le livre serait publié pour le "Festival Étonnants Voyageurs" programmé à Bamako en février 2001. Nous étions deux dans ce cas-là. Hélas pour nous, rien n'était prêt. Patrick se trouvait dans la salle au moment de la lecture d'un passage de mon manuscrit. Cet extrait lui ayant plu, il a sollicité ma présence dans sa collection et voilà.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que "Kouty, mémoire de sang" ne manque pas d'hémoglobine. Qu'avez-vous voulu raconter ?
Tout simplement, une histoire. "Kouty, mémoire de sang" n'est ni un récit historique, ni un traité de morale. C'est une fiction. A propos de sang, j'aime écrire les scènes de meurtres comme d'autres aiment décrire des paysages. Il s'est trouvé qu'au moment où j'écrivais "Kouty, mémoire de sang", de graves atrocités non relayées par la presse avaient cours au Nord du pays. Nous n'étions informés que par les épouvantables récits émanant des voyageurs. Le contexte s'y prêtant, j'ai sauté sur l'occasion pour produire une pure fiction avec des événements réels en toile de fond.
Comment votre livre a-t-il été reçu au Mali ?
Je n'en sais rien, car très peu de Maliens l'ont lu du fait qu'il n'a pas été édité au Mali.
Est-ce à dire que "La Série noire" ne s'exporte pas jusqu'à Bamako ?
Bien sûr que les ouvrages nous parviennent, mais au compte-gouttes. En tout cas, au mois de février dernier, une seule librairie avait commandé mon roman et encore c'était dans le cadre de la préparation du "Festival Étonnants Voyageurs" de Bamako 2002. Les exemplaires présentés sur les stands ont été achetés. Mais bon, il n'y avait aucune publicité au Mali autour de ce livre...
Avez-vous un livre de chevet ?
Non, mais j'aime particulièrement "L'étrange destin de Wangrin" de Amadou Hampaté Bâ.
Quel a été votre dernier coup de coeur littéraire ?
Un livre écrit par Amélie Nothomb dont le titre m'échappe.
Quel ouvrage lisez-vous en ce moment ?
En ce moment, c'est "L'Anthologie des nouvelles voix d'Afrique". On me l'a donné le jour de mon arrivée à Saint-Malo. J'ai commencé par la nouvelle d'Amanda Devi.
Propos recueillis
par Carmen Babéla