Article AMINA Bugul


      Lucie Mba par Pascaline Mouango
      publié dans Amina en février 2003.

      L'auteur de "Patrimoine"

      L' univers littéraire gabonais vient de s'enrichir d'une nouvelle plume, celle de Lucie Mba. "Patrimoine" est un recueil d'une trentaine de poèmes subdivisé en trois parties : démence, brisure, égo éclaté.
      A travers une description balzacienne, Lucie Mba photographie la misère urbaine tout en portant un regard critique sur l'histoire, la politique, et la culture de son pays. Elle y inclut quelques textes de ses amis Jésus Mendez Bonet, un espagnol originaire de Valencia, et le poète français Guy Dejan, auteur de "Noir vitriol" et de "Vert acide".
      Lucie Mba, fille de Feu Président Léon Mba, est titulaire d'un doctorat en anglais, d'une licence d'espagnol de l'université Paul Valéry à Montpellier et d'un Master of Arts en didactique de la littérature.
      Actuellement assistante à l'Ecole normale supérieure (ENS) de Libreville et représentant personnel du chef de l'Etat El Hadj Omar Bongo, Lucie Mba nous parle de sa première œuvre littéraire, tout en nous donnant son point de vue sur certains aspects du quotidien gabonais à travers son œuvre tripartite.


      Mari Constance KomaraDémence
      C'est un hommage à ces êtres déchus, sans attache ni raison, un tableau noir de la démence humaine. Ici, la poétesse s'approprie les lieux publics de la capitale gabonaise. Dans une poésie réaliste, elle décrit ces fous errants qui sillonnent à longueur de journée, les artères de la capitale gabonaise. Le phénomène est devenu tellement coutumier, que plus personne ne s'en émeut, c'est presque l'indifférence qui se lit sur les visages. Comme pour interpeller ses concitoyens, elle termine ces quatorze poèmes sur un ton d'interrogation : A-t-on touché le fond ? En effet, les lecteurs de "Patrimoine" résidant à Libreville se reconnaîtront dans cette première partie car, sans pudeur ni détour, la poétesse décrit de façon poignante ces pauvres êtres déambulant à travers la ville. Pourquoi ce thème ? s'interroge le lecteur ému de compassion devant ce tableau sombre. Lucide, Lucie reconnaît que c'est choquée par cet état de fait qu'elle décidera de faire quelque chose. Mais que faire, lorsqu'on ne dispose pas du pouvoir d'accomplir quoi que ce soit de concret? L'écriture, a répondu la petite voix au fond de son cœur.

      "Oui, ce fut choquant lorsque, en voiture, un fou se déshabilla devant mes filles. Apeurée, elles se mirent à pleurer, tandis que d'autres passants riaient.
      C'est choquant de voir au bord de la route, deux fous s'accoupler sous le regard tantôt amusé, tantôt indifférent des passants.
      D'où l'interrogation: "A-t-on touché le fond ?" Ne pouvant pas ne pas réagir, il fallait que je m'exprime, que je dise quelque chose au sujet de ces fous qu'on laisse errer à travers la ville".

      Brisure
      Comme l'indique le titre, Brisure est une fois de plus une description sociologique du quotidien gabonais, un quotidien ponctué de contrastes et de contradictions. Un quotidien où se côtoient richesse et pauvreté, bidonvilles et immeubles sans pour autant se toucher... Bref Brisure stipule cette cassure sociale, cette rupture entre les nantis et les nécessiteux. Brisure, c'est aussi cette interpellation pour une prise de conscience et de solidarité. Brisure, c'est enfin un appel à l'humanisme, un soupir, un sanglot profond, émouvant et poignant pour éveiller la conscience de chacun. A travers six poèmes, l'auteur, mot après mot, touche notre sensibilité, notre fibre aussi bien nationaliste que ce qui nous reste d'humanisme. Tout en faisant parler les sans-voix, les SDF et autres déchus de la société, Lucie Mba telle une poétesse engagée, porte un regard critique sur l'histoire, la politique, la société et la culture de son pays. Comme elle a coutume de le dire :

      "Il fallait que j'en parle même si cela coûte ce que ça coûte ! C'est vrai que je suis la fille de Feu le Président Léon Mba, père de la nation gabonaise mais je suis aussi Lucie Mba, l'enseignante, l'écrivaine qui a le droit et le devoir de dire ce qu'elle pense. En effet pourquoi garder en soi, toutes ces choses qui bouillonnent en nous, quand on peut les partager avec ses concitoyens et peut-être même les sensibiliser sur certains maux ! Pour ma part j'ai choisi de m'exprimer à travers la poésie. C'est aussi une autre façon de participer à l'édification de la société gabonaise qui est notre patrimoine à tous !"

      Ego éclaté
      Composé de onze poèmes, cette dernière partie de Patrimoine parle de l'amour tout en célébrant la femme. Tantôt voluptueux, tantôt tendre, elle parle d'amour perdu, d'amour retrouvé, dans un style à la fois intimiste et réaliste. Peut-être une façon d'exhumer ses peurs, ses incertitudes dans ce domaine. En effet à près de cinquante ans, elle croit avoir vécu ses expériences, qui somme toute sont généralement enrichissantes. Désormais apaisée et plus encline à veiller sur ses merveilleuses filles, elle dit avoir le recul nécessaire pour en parler sans fard. Quant à la femme, elle la célèbre à travers : "Femme de rêve" et "Rêve de femme" dans un style simple et accessible à tous !

      A toutes les lectrices d'Amina : nous vous conseillons de vous procurer "Patrimoine" de Lucie Mba et d'en faire votre patrimoine. C'est tout simplement une œuvre exquise qui ne laissera personne indifférent.

      Propos recueillis
      par Pascaline Mouango


      Pascaline Mouango L'auteur de "Patrimoine" Amina 394 (février 2003), p.VI
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      Editor ([email protected])
      The University of Western Australia/French
      Created: 21 March 2003
      Archived: 12 October 2016
      https://aflit.arts.uwa.edu.au/AMINAMba.html