Mme Charlotte Mbarga Kouma
auteur d'une pièce à succès "La Famille Africaine"
Mme Marie Charlotte Mbarga Kouma, née Ekorong à Perem, est l'auteur de "La Famille Africaine", pièce qui a connu le succès au concours théâtral de l'O.R.T.F. Marie Charlotte Mbarga est bien connue au Cameroun. Epouse de Godefroy Mbarga Kouma, Diplomate et Directeur-Adjoint de l'Administration Générale au Ministère des Affaires Etrangères Camerounais, elle est mère de six enfants (cinq filles et un garçon) et Commis du Travail et de la Prévoyance Sociale au Ministère de l'Emploi et de la Prévoyance Sociale. |
Madame, vous venez d'être lauréate au concours théâtral inter-africain 1973 organisé par l'O.R.T.F. et les stations de radio africaines.
Ma pièce avait été retenue parmi les vingt-cinq meilleures oeuvres envoyées à l'O.R.T.F. dans le cadre du concours théâtral inter-africain 1973. Ceci m'a donné droit à un prix de sélection et ma pièce a été programmée dans la série de "Première chance sur les ondes" des stations de radio-africaines.
Le titre de mon oeuvre est "La Famille Africaine". C'est un drame en trois actes.
M. et Mme Bala en sont les vedettes. Ils représentent un jeune couple africain moderne rentré d'Europe après de longues et brillantes études: Mme Bala est Professeur dans un Lycée et son mari, lui, vient d'être nommé Conseiller Technique à la Présidence de la République - A cet effet, Bala invite la famille pour fêter cette promotion...
Le lendemain, après les réjouissances, les parents exposent leurs multiples problèmes au jeune couple. Selon eux, Bala a tout ce qu'il faut pour les satisfaire tous, malgré leurs désirs toujours croissants.
Mme Bala qui s'est européanisée est la seule à garder les pieds sur terre malgré la faiblesse de caractère de son époux qui finira par commettre des erreurs graves telles que l'émission de chèques sans provision, la vente d'épreuves de concours etc... Il sera arrêté, traduit en justice, puis condamné à dix ans d'emprisonnement ferme.
Après ce coup fatal, les parents du jeune couple s'accusent les uns les autres; à la fin, au cours d'une dispute devant sa concession, un policier interviendra et conduira les parents de Bala au commissariat.
Etes-vous partie d'observations concrètes pour écrire votre pièce?
En effet, c'est en partant d'observations concrètes que, j'ai conçu ma pièce. Les problèmes que j'évoque dans "La Famille Africaine" sont d'actualité. On les rencontre dans la vie courante en Afrique.
Un jeune ménage africain, surtout quand il s'agit d'un couple moderne comme celui dont il est question ici, affronte tous les jours l'incompréhension de la part des siens. Un dialogue "de sourds" s'établit entre ses parents et eux. Ceux-ci devenant exigeants, parfois même intransigeants, refusent d'admettre que leurs enfants puissent manquer de quoi que ce soit. Pour eux, ils en ont fait "des savants" et de ce fait, leur devoir est de satisfaire leurs désirs même s'il faut aller voler.
Dans ce duel, certains jeunes ménages finissent par commettre des erreurs tel le cas de Bala et cela les conduit en prison. Ceci, parce qu'ils n'ont pas expliqué à leurs parents qu'il ne leur était pas toujours possible de satisfaire tous les désirs - Bref, parce que "le dialogue de sourds" n'est pas un dialogue.
Vous avez donné une certaine conclusion à votre pièce. Ne pouvait-on pas en imaginer une autre?
En effet, on pouvait imaginer la fin de ma pièce de mille autres manières. Mais j'ai voulu qu'elle se termine par l'arrestation et la condamnation de Bala pour attirer l'attention du public et de tous ceux qui me liront un jour. Car en Afrique, on s'imagine que les sanctions sont pour les gens de petite condition. On pense que seuls les "faibles et les pauvres types" doivent souffrir et subir les caprices des "forts et grands types". C'est surtout pour cette raison que j'ai terminé ma pièce de cette manière pour que chacun de nous comprenne que nul n'a le droit d'échapper à la loi lorsqu'il est en infraction - Car nous sommes tous égaux devant la loi.
Parlez-nous de votre conception du théâtre africain.
Pour ma part, le théâtre africain doit prendre sa source dans la vie courante de chez nous. Le fait pour nous, écrivains, d'évoquer les problèmes de la vie quotidienne, qui semblent ignorés par les uns et minimisés par les autres est d'une importance capitale. Que chacun de nous, après avoir lu ou assisté à une représentation d'une pièce de théâtre essaie de se faire un examen de conscience pour voir s'il ressemble de loin ou de près à l'un des personnages de la pièce.
Je préfère aller au théâtre que d'aller au concert, car après un spectacle théâtral je médite toujours sur ce que j'ai vu faire ou entendu dire par les acteurs et cela m'instruit. Alors qu'au concert, je m'endors parfois avant même l'entracte et je n'en tire aucun profit.
Quel est l'auteur dramatique (africain ou étranger) que vous admirez le plus?
J'avoue que votre question m'embarrasse un peu. Les écrivains en général sont innombrables en Afrique et dans le monde; mais, à ma connaissance, il y a peu de dramaturges proprement dits. De ce fait, je les admire tous, car chacun a ses talents littéraires, son style et son objectif dans le domaine dramatique.
Dans quelle mesure avez-vous été inspirée par quelqu'un dans votre pièce?
Aucun auteur dramatique ne m'a inspiré dans ma pièce. Comme je l'ai dit plus haut, je suis partie d'observations concrètes pour écrire mon oeuvre. D'aucuns pensent que je me suis inspirée de Guillaume Oyono, les autres de René Philombe dans "Les époux célibataires", or j'avais écrit "La Famille Africaine" en 1967 en Guinée Equatoriale où mon époux était Consul Général du Cameroun. Cette oeuvre avait été montée et jouée plusieurs fois par ma propre troupe que j'avais créée à Santa-Isabel et qui a existé de 67 à 69. A l'époque, je n'avais jamais lu, ni Guillaume Oyono, ni René Philombe.
Plus près de vous, quel effet ça vous a fait lorsque vous avez appris que votre pièce avait été retenue?
Lorsque j'ai été informée de mon succès, cela m'a fait un effet émotif que je ne saurais vous expliquer. Au départ, j'ai d'abord eu des battements de coeur; j'ai décidé d'aller m'allonger. Dans ma chambre, j'ai retrouvé mon calme et j'ai gardé près de mon oreiller, cette lettre de l'O.R.T.F. qui m'annonçait la bonne nouvelle. De temps en temps, je la relisais. Je l'ai ainsi gardée jusqu'au lendermain.
"La Famille Africaine" est-elle votre première pièce ou bien en avez-vous écrit d'autres?
"La Famille Africaine" n'est pas ma première pièce, mais la troisième. A présent, j'ai une collection de cinq oeuvres dramatiques montables et jouables. Le public de Youndé venait de faire connaissance d' "Une fille dans la Tourmente" qui est parmi les trois pièces que j'avais écrites en Guinée Equatoriale. En dehors de ces deux drames, il y a aussi "Le Charlatan", comédie en quatre actes; "Le Mariage de ma cousine" trois actes et "L'Enfant de l'autre", trois actes.
Quels sont vos projets d'avenir?
Parler de projets d'avenir est très fort. Cependant, je vous dirai que j'aimerais un jour me rendre en Europe pour un stage d'art dramatique. Je suis auteur dramatique, directrice artistique, metteur en scène de ma propre troupe dénommée "Les Etoiles de la Capitale". Tout ceci ne suffit pas. J'ai beaucoup d'ambitions en ce qui concerne le théâtre et j'aimerais avoir d'amples connaissances dans ce domaine. Nous faisons le théâtre purement amateur et j'aimerais faire du professionnel un jour en suivant une formation de metteur en scène.
Comme projet imminent, je vous dirai que j'ai l'intention de faire éditer "La Famille Africaine" en fin d'année 1974.
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