Rahmatou Seck Samb est sénégalaise et femme de diplomate. Après avoir passé plus de 20 ans en dehors de son pays, elle commence une carrière d'écrivain. Il y a quelques mois, elle a publié, aux Nouvelles Editions Ivoiriennes, un roman intitulé "A l'Ombre du Negus Rouge". L'histoire se situe en Ethiopie, un pays où elle a passé de nombreuses années. Invitée principale de la huitième édition de Arkadi du Bin Kadi So de Marie Josée Hourantier, Rahmatou Seck Samb a bien voulu discuter avec Mari-Constance Komara, écrivain ivoirien, dans les salons de l'Hôtel Ivoire d'Abidjan. |
Vous êtes juriste de formation. Quelle profession exercez-vous dans ce domaine ?
Je ne travaille pas. C'est un choix. C'est par plaisir que je suis mon mari dans ses différentes missions à travers le monde puisqu'il est diplomate. Cet état de femme au foyer me permet de mieux m'occuper de ma famille. Etant donné que je ne travaille pas à l'extérieur, mon occupation première est de prendre soin de mes enfants et de mon époux. Mon rôle de femme de diplomate vient en seconde position, d'autant plus que les activités que je mène dans ce domaine sont sporadiques.
Vos enfants occupent une place de choix dans votre vie. Ne sont-ils pas perturbés par vos nombreux changements de pays ?
Effectivement, cela aurait pu leur faire perdre leurs repères. Mais le rôle de la mère, c'est aussi d'inculquer à ses enfants le respect de leurs traditions et des valeurs morales pour qu'ils ne perdent pas leur identité. Mais quand celles-ci sont confrontées en permanence à celles d'autres peuples, d'autres nationalités, cela en fait des enfants particuliers qui s'adaptent à toutes les situations et qui manifestent une grande ouverture d'esprit. Ils deviennent très tôt matures, donc réceptifs à tout changement.
Maintenant que vous êtes de retour au Sénégal, comment vivez-vous votre sédentarité ?
Quand on rentre définitivement dans son pays après avoir parcouru le monde, on a envie de se reposer, de vivre pleinement tout en réalisant ses rêves. Mais, très vite, la vie sociale se signale. Il faut visiter et recevoir la famille et les amis, aller aux mariages, aux baptêmes. Mais tous comptes faits, je suis heureuse de me retrouver chez moi après 20 ans de tour du monde.
Vous avez vécu six ans en Ethiopie. Comment était la vie dans ce pays à cette époque ?
Je suis arrivée en Ethiopie après la chute de l'Empereur Haïlé Selassié remplacé par le président Ilailé Mariam, qui avait pour ambition de mettre en place une réforme agraire. Ce partage a permis aux femmes d'avoir des terres à cultiver pour améliorer leur quotidien. Mais ces terres étant ingrates, elles ont été obligées de s'organiser en associations pour en revendiquer de meilleures et le droit à l'accession au matériel agricole, aux pesticides... Cela a mis au jour le caractère de battante de la femme éthiopienne. Les effets de cette lutte émancipatrice se ressentent encore de nos jours car les femmes en Ethiopie sont bien considérées, au point qu'on leur confie de hautes responsabilités, à l'image de Mme Tadelech Haïlé Michaël, Ambassadeur de l'Ethiopie en Côte d'Ivoire.
Vous parlez de la femme éthiopienne avec beaucoup d'admiration, au point que cela vous a inspiré un roman ?
Quand je vivais en Ethiopie, j'admirais les femmes de ce pays. L'envie de partager cette admiration avec le monde entier s'est imposée à moi le jour où les guerriers de libération du Tigré ont découvert la tombe de l'Empereur Hailé Sélassié. Je me trouvais en Grèce et à la télévision j'ai vu que c'était des femmes qui se trouvaient aux premiers rangs, en train de veiller la dépouille de l'Empereur. Je me suis dit que le moment était venu pour le monde de connaître l'Ethiopie dans toute sa dimension et j'ai commencé mon roman. Dans celui-ci, Sablé, une jeune Ethiopienne née d'une union interdite entre un aristocrate et sa servante, parviendra, grâce à sa beauté, à son intelligence et à son courage, à occuper une place honorable dans la société après avoir lutté en assumant des choix de vie pas toujours bien vus dans cette société. Elle vivra plusieurs amours avant de rencontrer un étranger qui fera d'elle une femme respectable et heureuse qui oubliera l'humiliation de sa naissance.
En plus de son courage, vous exaltez la femme éthiopienne dans sa féminité. Quelles différences y a-t-il entre elle et la Sénégalaise qui est réputée la plus féminine de l'Afrique de l'Ouest ?
Je suis Sénégalaise. On nous dit les plus féminines de l'Afrique de l'Ouest. Mais je veux dire que les Ethiopiennes sont peut-être les femmes les plus sensuelles que j'ai jamais rencontrées. Mon jugement est sans doute guidé par le mythe de la reine de Saba qui séduisit le roi Salomon. Mais sachez que, physiquement, le teint des Ethiopiennes est une véritable palette de couleurs, qui va du noir ébène au miel doré. A cela s'ajoute une chevelure abondante que laisse entrevoir leur voile. En plus, l'Ethiopienne est une femme de rituel. Elle fait tout avec art. Ce qui m'a le plus captivée est le rituel du café. Quand une Ethiopienne prépare et sert le café, on a envie d'en consommer abondamment. On peut dire que c'est une véritable séductrice. Encore que la Sénégalaise ne manque pas d'atouts et de charme. Elles aussi ont un pouvoir qui leur est propre : indolence, perles, mille petits secrets sans oublier l'encens, rite qu'elles partagent avec les Ethiopiennes.
Quels sont vos projets littéraires ?
Après cet accueil favorable des lecteurs, je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin. Je compte poursuivre sur cette voie. A cet effet, j'ai un autre roman en préparation dans lequel je ferai découvrir une autre région de l'Afrique à mes lecteurs.
Propos recueillis
par Mari-Constance Komara
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