Linguiste de formation, Kélinan Tesan est actuellement enseignante d'anglais en BTS, à Strasbourg. Elle quitte la Côte d'ivoire en 1985 et parcourt le monde, avant de s'installer en France, à la faveur de son mariage. "Ethnies et Racines" (Editions Cultures Croisées) est son premier roman. |
Pourquoi avoir choisi d'écrire un roman, alors que l'essai aurait peut-être été plus évident pour faire passer vos messages ?
C'est la question que tout le monde me pose. Mais j'avais dans l'idée d'écrire depuis la classe de 6e, à Yamoussokro (Côte d'Ivoire, ndlr). Je n'ai jamais pensé que j'avais un message à faire passer. Car, comme tout créateur, j'ai ressenti des choses que j'ai voulu exprimer. Il se trouve que j'ai abordé des thèmes qui sont d'actualité, mais mon désir d'écriture n'était pas orienté. Par la suite, l'actualité est venue agrémenter mon écriture.
Il est difficile de comprendre la psychologie de vos personnages. Qui sont Mami Atti, Batinga et Moyssia ?
Je dois reconnaître que j'ai un style qui déroute complètement le lecteur. Ce sont trois femmes, qui ne se retrouvent pas, sauf sur un terrain : la pureté. En effet, elles sont toutes à la recherche d'une certaine pureté. Seulement, les unes la vivent comme une exclusion et les autres comme une intégration.
Dès le début, il est difficile d'entrer dans le roman tant tout semble se chevaucher : les ères géographiques comme temporelles ?
C'est vrai ! Ceux qui ont acheté le livre me le disent. Je ne voulais pas que mon récit soit linéaire. Il faut me suivre, un peu comme écrivait Amadou Hampâté Ba. Il existe, en effet, plusieurs ères géographiques : je voulais évoquer le problème de la pureté avec son cortège d'inconvénients, mais aussi d'avantages. Parler du brassage des cultures. Et de l'incompréhension qui crée des problèmes en Afrique, justement. Il faut que le lecteur se rassure et soit patient : mes histoires se recoupent à la fin. Mais c'est vrai : il y a un narrateur principal, comme un griot, et plusieurs histoires qui se chevauchent. C'est comme s'il a parfois des trous de mémoire, puis on se souvient à nouveau, et cela redémarre : il faut suivre.
On a presque l'impression que l'histoire doit se lire à voix haute, plutôt que se lire...
Cela vient aussi du fait que j'ai étudié - pour mon Doctorat (sur le Mythe et la Fiction à l'Université Paris VIl) - des auteurs comme Tony Morrison. Cette forme d'écriture vient d'abord de chez nous, d'Afrique. J'ai voulu retranscrire cela. Même si on peut faire des reproches à ce genre littéraire qui peut être déstabilisant .
S'il fallait résumer votre livre en deux mots ?
Mon livre fait l'apologie de la tolérance, du brassage, du multiculturalisme, et de l'amour de son prochain.
"Ethnies et Racines" propose aussi une réflexion sur le problème des mutilations génitales féminines...
Je ne suis pas pour cette pratique, mais je pense qu'il ne faut pas vilipender nos traditions. Il faut éduquer nos populations à se défaire de ce qui apparaît par trop barbare. Dans ce domaine-là, encore, l'idée de la pureté revient. J'espère que le lecteur pourra percevoir mon œuvre de contemplation et avoir du plaisir à la lire.
Propos recueillis
par R.M.O.