"La polygamie est une exploitation de la femme..."
Ababatou Traoré est étudiante en mathématiques
appliquées et en informatique à Paris X et VI. A 25 ans, elle
vient de signer son premier roman. La Sénégalaise y raconte les
méandres d'un foyer polygame. Avec comme toile de fond, un fléau
moderne. Le Sida. "Sidagamie" (Présence Africaine) est un livre original écrit dans un style limpide. Il nous exhorte à la prudence, dans un monde où le Sida est d'actualité. Rencontre. |
Quand on est matheuse, comment se met-on à écrire un livre comme "Sidagamie", qui est de surcroît édité par Présence Africaine?
Au lycée déjà, j'aimais bien le français. En rédaction, on me trouvait assez imaginative. Quand j'étais plus jeune, je m'exerçais à écrire des poèmes. En fait, écrire est un rêve de petite fille. Au départ, j'avais tout simplement envie d'écrire. Il s'est trouvé que c'était à une période où on parlait beaucoup du Sida. De même, la polygamie est un problème pour toutes les femmes originaires d'Afrique de l'Ouest. Je trouvais que cela pouvait faire un bon sujet pour un roman. Il y a deux ans, j'ai envoyé mon manuscrit à Présence Africaine qui a accepté de l'éditer.
Votre roman se déroule en majeure partie en Casamance, dans le Sud du Sénégal. Êtes-vous originaire de cette région?
Je suis née à Dakar, mais par la suite j'ai effectivement vécu en Casamance jusqu'à mon Bac.
Comment avez-vous écrit ce roman?
Je l'ai écrit le plus simplement possible, comme les mots venaient. Je n'ai pas cherché à avoir un style particulier. Je n'ai pas eu à retravailler le manuscrit. Mais il y a eu des corrections de fautes d'orthographes.
Est-ce que le thème principal vous est familier. Avez-vous vécu dans un foyer polygame?
Non, mais j'ai côtoyé beaucoup de familles polygames au Sénégal. Ce sont effectivement des problèmes que j'ai pu voir de près. C'est pour cela que j'ai eu envie d'écrire sur ce thème. Et sur la condition de la femme. C'est un roman avant tout : l'histoire est imaginaire, mais très réaliste.
Sans trop dévoiler le roman, j'aimerais que l'on parle des personnages principaux. Ressemblez-vous à la jeune fille Aïda? Est-elle proche de vous?
Je pense que oui. Je suis contre l'injustice et elle aussi. Elle est un peu rebelle. Elle s'érige contre toutes ces règles pré-établies que l'on nous demande de suivre parce qu'elles étaient-là avant nous. Mêmes si elles n'ont aucune justification. Je crois qu'Aïda est représentative de la jeunesse actuelle.
Il y a effectivement différentes générations qui s'opposent. Mais vous montrez aussi que des filles d'une même génération sont à des années-lumières l'une de l'autre...
C'est certain. Je crois que tout dépend de l'éducation. N'Deye Marème a été éduquée dans un village. Elle a donc reçu une éducation traditionnelle. Alors qu'Aïda a grandi en ville et est allée au lycée. Elle a plus d'ouverture d'esprit.
Qu'en est-il de Pauline?
C'est elle la femme trahie. Son histoire est classique. Il a fait des sacrifices pour un homme et après ça finit mal.
Avez-vous écrit en pensant à des personnes en particulier à qui vous vouliez faire passer un message?
Le message principal est la fidélité dans le couple. La polygamie n'est pas, à mon avis, une chose normale. C'est une exploitation de la femme. A l'aube du XXIe siècle, on devrait penser à faire disparaître ce genre de pratiques. J'ai écrit ce livre en espérant que cela puisse ouvrir les yeux et aider à prendre conscience des problèmes existants. Comme le Sida dans le couple, cela peut être une réalité, même lorsque l'on est marié, on n'est pas à l'abri. Et lorsque trois à quatre personnes sont concernées, c'est encore plus grave...
"Sidagamie" est un titre superbe. Il donne envie de lire le livre...
J'avais le titre dès le départ. C'est une contraction entre sida et polygamie. En fait je savais exactment ce que je voulais écrire. Le titre résume la morale: "Faites attention, le Sida est là".