C'est avec beaucoup de talent et de sensibilité que cette jeune romancière met en scène une femme, qui à peine sortie de l'adolescence, sera marquée à tout jamais par les épreuves de la vie. AMINA vous propose de découvrir au cours de cet interview, l'écrivain et son oeuvre. |
Comment êtes-vous venue à la littérature? Votre mère est elle-même écrivain. Vous a-t-elle influencée?
J'ai grandi dans un milieu propice à la lecture et à la culture. Ma mère est effectivement écrivain et mon père cinéaste et écrivain. Par conséquent, j'ai toujours été proche des livres. J'écris des poèmes assez régulièrement. Et puis, un jour, j'ai eu envie d'écrire cette histoire. Mes proches m'ont encouragée dans ce projet, comme ils l'ont toujours fait. Cependant, pour moi, l'écriture est une démarche qui ne peut être que solitaire.
Pourriez-vous résumer, pour ceux qui ne l'ont pas lu, votre roman : "Une odeur aigre de lait rance"?
Ce livre relate l'intéraire d'une jeune femme à qui il arrive un certain nombre de mésaventures qui vont l'enfoncer dans une logique follement destructrice : viol, infanticide, prison...
L'infanticide est un problème réel en Afrique et au Sénégal en particulier. Votre livre est-il un cri d'alarme devant ce phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur?
S'il est cri d'alarme, c'est bien indépendamment de ma volonté. Certes Kougnou, le personnage principal tue son nourrisson. Mais pour moi, ce livre parle plus de rejet, de solitude et des actes désespérés qui peuvent en découler.
Avez-vous été inspirée par des faits réels ou des expériences vécues?
Non, mais je tenais à ce que les lieux que je décrivais soient vraisemblables. Je me suis donc inspirée d'endroits que je connaissais. J'ai vécu dans une chambre de bonne comme beaucoup d'étudiants. Je me suis documentée. J'ai même visité une prison de femmes au Sénégal, pays où réside ma mère.
Avez-vous écrit ce livre pour vous ou pour les lectrices toutes nationalités confondues? Quel message vouliez-vous faire passer?
Je pense que l'on écrit d'abord pour soi. Cela dit, j'espère que les lecteurs et lectrices seront très nombreux à découvrir l'histoire de Kougnou, jeune fille, qui pourrait aussi, bien être originaire d'Afrique que d'ailleurs.
Le cadre de ce livre est dur : les clivages sociaux, la prison, les quartiers sordides, la prostitution. Que voulez-vous prouver? Est-ce votre vision d'une certaine Afrique?
Je ne veux rien prouver. Les clivages sociaux, la prison existent dans le monde entier. Les grandes villes africaines n'échappent pas à ce schéma. Dans ce livre, je raconte une histoire qui pourrait se passer en Afrique ou ailleurs. Je n'ai délibérément pas situé ni les lieux, ni le temps, car cette histoire aurait pu se dérouler partout, hier, aujourd'hui. J'ai cependant fait un petit clin d' oeil aux lecteurs et lectrices sénégalaises par le choix des noms utilisés.
Ne pensez-vous pas que l'Afrique pauvre, avec des jeunes femmes victimes de la
pauvreté et de leur environnement familial, est déjà trop
présente dans les médias. Alors, pourquoi écrire ce
livre?
Mon livre n'est absolument pas le reflet d'une Afrique pauvre. Je ne décris pas la misère, la malnutrition, la mendicité. Mon propos n'est pas non plus de décrire des jeunes femmes victimes ni de la pauvreté ni de leur environnement familial. J'ai raconté une histoire, l'histoire d'une jeune fille issue d'un milieu social moyen, à qui il arrive un certain nombre de choses. A cause de toutes ces mésaventures, elle sera confrontée à des réalités très dures. Elle va rencontrer des personnes qu'elle n'aurait normalement jamais dû côtoyer. Cette jeune femme réagit face à ces événements en fonction de son caractère, de son éducation et de mon bon vouloir.
Vous êtes de mère antillaise et de père africain et vous résidez à Paris, Pourquoi?
Pour l'instant je m'y plais. J'y suis arrivée quand j'avais 17 ans pour effecteur mes études supérieures. Paris est une très belle ville. Il s'y passe d'un point de vue culturel beaucoup de choses. De plus, j'ai la chance grâce à mon travail, puisque je m'occupe de politique tarifaire dans une entreprise de transport aérien, de pouvoir voyager souvent, donc d'aller régulièrement tant aux Antilles qu'en Afrique.
Votre ouvrage comporte de très belles illustrations. Pourquoi
l'avez-vous illustré personnellement? Cachez-vous d'autres talents
artistiques?
Cela m'a amusée d'imaginer un produit fini, écriture, illustrations et couverture. Je suis attirée par de nombreuses activités artistiques. Je pratique en tant qu'amateur, en plus de l'écriture et de la peinture, le chant et le théâtre plus ou moins régulièrement.
Quel accueil la France a-t-elle réservé à votre livre?
Mes amis français ont très bien accueilli mon ouvrage. Les retours des lecteurs ou lectrices français que j'ai reçus sont positifs avec une résonance très différente des lecteurs ou lectrices originaires d'Afrique et des Antilles. C'est intéressant.
Quels sont vos projets après ce livre?
Mes projets sont multiples. Il me faut du temps pour les faire aboutir. Mon objectif est de trouver ce temps. Parmi l'un de mes projets qui se situe en bonne place figure l'écriture de la biographie de mon père, le réalisateur Paulin Soumanou Vieyra, travail de longue haleine que j'ai d'ores et déjà commencé.
Un dernier message...
Je souhaite aux lecteurs et lectrices d'AMINA une bonne lecture de "Une odeur aigre de lait rance".
Véronique Ahy