Myriam Warner Vieyra
Un livre à succès:
«Le Quimboiseur l'avait dit...»,
Venant de sa Guadeloupe natale, Mme Vieyra ne s'est pas contentée de se marier à un africain très connu, un des «ancêtres» du cinéma africain: Paulin Soumanou Vieyra: Elle a voulu que l'Afrique connaisse certains aspects de la vie à la Guadeloupe. Elle nous fait entrer dès le début de son roman, édité par Présence Africaine, dans la vie, disons plutôt dans le drame, d'une jeune fille des îles: Suzette Destinville dite Zétou. A 16 ans elle se remémore sa courte vie alors qu'elle se trouve en France dans une clinique psychiatrique. Elle est née dans petit village de pêcheurs avec cocotiers et belles plages pour touristes. Sa mère n'est pas très noire et elle part en France avec Roger Milan, qui lui est un blanc (comme le comprennent les sud-africains). Elle a laissé ses quatre enfants, Zétou comprise. La couleur de la peau a suffi à créer un drame. Mais déjà sa grand-mère, jeune fille, avait eu une «bosse par devant» grâce à un fils de la maison où ele était bonne à tout faire. Une maison de blancs évidemment. Dans son village appelé «cocotier» elle veut étudier pour sortir de la condition qu'elle pressent. Sa mère revient demander le divorce et la ramène à Paris où commencent les déboires. Elle suit des cours par correspondance qui ne la mèneront nulle part. Et les malheurs commencent. -Elle est offerte comme fiancée à un vieux monsieur dont elle ne veut pas. -Elle est violée par Roger Milan, le mari blanc de sa mère. -Elle apprend que son petit ami de la Guadeloupe s'est fiancé à une autre. Ce qui la bouleversera et la fera chavirer dans la folie ce sera d'apprendre que sa mère est au courant de sa liaison avec son blanc de mari et qu'elle l'approuve. Et aussi d'apprendre par une lettre la mort accidentelle de son ami Charles, là-bas, à la Guadeloupe. L'auteur du livre «Le Quimboiseur l'avait dit...» vit à Dakar. Un second livre doit bientôt paraître dont le titre est «Juletane». Nous avons rencontré Mme Myriam W. Vieyra pour lui poser quelques questions. |
Peut-on dire que vous avez écrit votre premier livre pour mieux faire connaître la Guadeloupe aux Africains?
Je dois avouer qu'en écrivant « Le Quimboiseur l'avait dit...», je pensais d'abord et surtout au plaisir d'écrire, et tout à fait accessoirement à des lecteurs éventuels, ne sachant pas du reste, alors, si mon livre allait être publié.
Mais ceci dit, bien que résidant en Afrique, mon propos était de peindre un aspect pas très sympathique mais qui me tenait à coeur, le drame d'une adolescente prenant conscience du monde qui l'entoure, de sa différence. Montrer comment les complexes de couleur peuvent pousser une mère à des extrémités frisant le sadisme. Ce témoignage s'adresse d'abord aux Antillais. Si j'avais voulu écrire spécialement pour les africains, sans cacher certaines réalités, j'aurais pu parler d'une mère antillaise totalement différente, car la majorité des femmes antillaises sont de bonnes mères, de véritables «lionnes» pour leurs enfants, pour utiliser l'expression d'une de mes compatriotes qui a été choquée par l'image que je donne de la mère de Zétou.
Pensez-vous que, bien que bien qu'éloignées les unes des autres, les femmes africaines et Guadeloupéenes se rencontrent dans leur façon de vivre, dans leurs joies et dans leurs peines?
Oui, surtout quand il s'agit de la femme en milieu rural, dans les deux cas les activités sont les mêmes, aussi pénibles pour les unes que pour les autres. En ce qui concerne les joies et les peines, je pense quelles sont les mêmes bien souvent pour toutes les femmes dans le monde, leur vie étant dans la majorité des cas conditionnée par l'homme.
Qu'est-ce qui vous a le plus frappée quand vous êtes entrée en contact avec les Sénégalaises?
D'abord leur élégance, mais aussi, et peut être une des conséquences de cette élégance, leur propension à la dépense sans aucun souci de l'épargne.
On peut dire que votre héroïne, Zétou, a été élevée mais pas éduquée. Pouvez-vous esquisser ici les principes d'une bonne éducation pour lesfilles, telle que vous la concevez?
Il me semble qu'il y a autant de modes d'éducation que de sociétés et je ne crois pas qu'il existe un principe d'éducation modèle, valable pour tous. Je ne crois pas non plus détenir une méthode d'éducation de la fille. J'ai une fille âgée de dix huit ans, peut-être qu'elle pourrait dire ce qu'elle pense de l'éducation qu'elle a reçue. Pour ma part, je l'entoure d'affection, j'agis toujours selon mon coeur et ce qui me semble découler du bon sens plutôt que d'essayer d'appliquer un mode spécial d'éducation.
Vous êtes présidente d'un club féminin. On doit y parler d'égalité avec l'homme, de libération de la femme. Que pensez-vous de tout cela?
Je suis présidente du Zonta club de Dakar qui est l'un des mille sept cent clubs du Zonta international dans le monde. Le Zonta International a été créé en 1919 à Buffalo U.S.A. par un groupe de femmes professionnelles de haut niveau, dont le but était de s'unir pour faire respecter leurs droits face à la suprématie des hommes dans le monde des affaires. Les membres des clubs Zonta sont généralement des femmes ayant des résponsabilités professionnelles qui mettent leur talent et leur disponibilité au service de leurs soeurs plus démunies et au service de la communauté. Notre devise est d'ailleurs, «Partager avec les autres et servir avec amour». C'est dire que je suis très attentive aux problèmes de libération de la femme sur le plan économique et sur celui du bien-être social.
La critique africaine a très bien accueilli le premier livre de Mme Vieyra. En effet, elle a montré dans ce livre un don exceptionnel d'observation. Elle sait maintenir le lecteur dans un intérêt sans cesse grandissant. Et son style est plaisant. Aussi à la Guadeloupe et en Afrique on attend impatiemment le second livre de Mme Vieyra.
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