Les femmes congolaises sont de plus en plus nombreuses à se mettre sur le devant de la scène pour faire comprendre qu'elles ont des choses à dire, que l'écriture n'est pas une spécialité masculine. Nouvelles, romans, contes, théâtre, poésie, essais, elles s'illustrent désormais dans chacun de ces genres. Alima Madina, professeure de philosophie vient de publier le recueil de poésie « Splendeur cachée », aux Editions L'Harmattan Congo. |
Alima Madina, malgré la désaffection du public pour la poésie, vous faites votre entrée en littérature par un recueil de poèmes: ne craignez-vous pas de vous éloigner du grand public qui préfère les textes narratifs?
Je sais qu'il y a une désaffection du public pour la poésie, mais le désir a été plus fort que cette réalité. J'ai tissé une idylle avec l'écriture par le biais de la poésie. Dans l'épreuve, la poésie est venue à moi, me donnant la force de résister; la poésie, c'est la vie. Elle explore les voies authentiques de l'existence, elle est belle et sincère, elle m'emporte, m'emballe, m'enivre.
Le titre de votre recueil, Splendeur cachée, est-ce une manière d'inviter les lecteurs à ne pas rester à l'écart, à découvrir toute la splendeur contenue dans la poésie en général et dans votre recueil en particulier?
Oui, on pourrait dire ça.
Vous abordez plusieurs thèmes. Parmi eux, le recueillement religieux tient une place importante au vu du vocabulaire religieux qui abonde dans votre recueil. Quel est le rôle du sacré dans votre vie?
Le sacré, plus précisément, le sacré coranique ou islamique conformément à la tradition (Sunna) occupe une place fondamentale pour moi. Je suis musulmane de par mes parents, et pratiquante. C'est si beau, si magnifique d'admettre qu'il n'y a qu'un seul Dieu créateur et de se définir comme soumise à la volonté du Très haut.
L'amour est également un thème privilégié, pour ne pas dire le thème principal, mais il y a aussi d'autres sujets: la pauvreté, la guerre, la nature... Quelle est, pour vous, l'essence de votre recueil? Que voulez-vous que les lecteurs retiennent après vous avoir lue?
L'amour, c'est cette force qui guide la vie. Mon écriture peut s'appréhender comme une quête d'amour, denrée rare que tous les descendants d'Adam et Eve ont perdue. Tous les maux qui minent notre vie viennent de là. Je sais que la tâche n'est pas facile, mais je suis certaine d'avoir ouvert une voie qui sera suivie par les jeunes filles musulmanes de mon pays en particulier et par la femme en général.
Vous rendez hommage à plusieurs personnalités, en particulier à des poètes, comme Tchicaya U Tam'si et Marie-Léontine Tsibinda, deux voix essentielles de la poésie au Congo. Peut on dire qu'ils sont vos modèles? Les poèmes que vous leur dédiez sont-ils une manière de tisser une filiation avec eux?
Marie-Léontine Tsibinda m'a réveillée de mon sommeil dogmatique. Pour moi, elle est la véritable reine de la poésie chez nous. Quant à Tchicaya U Tam'si, cette « petite feuille qui ne cessera de chanter pour son pays », j'ai trouvé dans ses notes biographiques un petit point commun avec les miennes: la solitude. Outre ce point, sa poésie, comme celle des grands poètes de mon terroir, m'interpelle.
Quel regard portez-vous sur la vie littéraire et culturelle au Congo aujourd'hui?
La vie littéraire au Congo se porte bien, elle ne cesse de prendre de l'ampleur. À l'école militaire préparatoire Général Leclerc où j'évolue comme professeur de philosophie, dans ma classe de terminale, un de mes élèves vient de publier La succession du trône, n'est ce pas merveilleux? Un autre est en attente de publication. De ce côté là, Dieu a comblé le pays.
Vous avez participé au premier salon du livre de Brazzaville, qui s'est tenu en décembre dernier, quel souvenir gardez-vous de cet événement? Pourquoi y a-til eu si peu de femmes présentes à ce salon selon vous? Les femmes congolaises ne s'intéressent elles pas à la chose littéraire?
J'ai gardé de bons souvenirs de cet événement, dans les prochaines années, celui ci prendra de l'ampleur. Il y a eu peu de femmes présentes à ce salon parce que celles des grandes villes comme Pointe Noire, Dolisie, n'étaient pas bien sensibilisées. La femme congolaise est formidable, forte et téméraire. Dans tous les domaines de la créativité artistique, elle est présente du côté de l'écriture, le grand problème qui apparaît comme un obstacle, c'est l'édition. Ayons foi en l'avenir.
Vous êtes professeur de philosophie dans un lycée de Brazzaville, la poésie, est-ce une autre manière de faire de la philosophie?
En partie, mais la poésie se différencie de la philosophie. Ce qui est vrai, c'est qu'elle apporte une touche particulière à ma vision du quotidien.
Quels sont vos futurs projets littéraires?
Si Dieu le veut, dans un ou deux mois, mon recueil de nouvelles va paraître. S'en suivra, après, le roman.
Votre nom de plume est-il aussi votre nom de naissance ou est-ce un nom choisi exprès pour signer vos livres? On voit en effet que votre nom « Alima » est l'homonyme de l'Alima, rivière du nord du Congo, dont la photo illustre la couverture?
À côté d'Alima, qui est un prénom que je porte dans la vie de tous les jours, j'ai opté pour devenir Madina, par désir de m'identifier à Médine, la ville sainte de ceux de ma foi. Pour éclairer votre lanterne, Alima est le diminutif de Alimatou, prénom musulman. Pour ce qui est de la rivière Alima du nord Congo, qui illustre la couverture, j'ai succombé devant la splendeur des méandres de cette rivière, méconnue de certains compatriotes.
Propos recueillis
par Liss Khihindou