Une enfance et une adolescence à Tananarive, une prestigieuse école d'ingénieur à Paris, puis direction les Nations-Unies à New York, et enfin un poste à la Banque mondiale à Washington DC... Rien ne destinait Mialy Andriamananjara à l'écriture. Sa dernière nouvelle, "Promised Land" est sortie en février 2008. |
Parlez-nous de "Promised Land".
"Promised Land" est une nouvelle en anglais publiée dans "Dreams, miracles and Jazz", une anthologie de nouveaux écrivains africains éditée chez Picador Africa. Certains de ces écrivains ont gagné le prix africain anglophone le plus prestigieux : le Prix Caine. Je suis fière d'être publiée et contente aussi que Madagascar soit représentée. Cela permet aux auteurs malgaches de sortir du cocon francophone.
Vos thèmes de prédilection ?
Le vécu quotidien des immigrés, les questions d'identité et d'adaptation. "Promised Land" est l'histoire d'une famille malagasy qui, depuis trente ans, se raccroche à l'espoir de retourner un jour à Madagascar. S'ensuit un décalage entre la réalité et leurs souvenirs. Pour moi, écrire est mon cordon ombilical avec Madagascar, un moyen de me rattacher à la personne que j'étais et à ma famille, ma langue et ma culture.
Une autre de vos nouvelles, "Fresh off the boat" a été publiée en 2006. Pourquoi des nouvelles et pas des romans ?
Un emploi du temps chargé et mon tempérament ne me permettent d'écrire que des nouvelles courtes et intenses. J'écris souvent d'un jet, lors de nuits d'insomnie. "Fresh off the boat" a été écrit ainsi et n'a nécessité que très peu de réécriture.
Sur Internet vous avez pris part au développement de l'ONG Foko depuis 2007. Quelles sont ses activités ?
Foko est une toute petite entité de quatre blogueurs, rejointe par
des activistes sur le terrain. En six mois, nous avons pu organiser des ateliers
de formation aux blogs sur deux provinces et nous anticipons l'ouverture
d'autres ateliers sur une troisième province. Ces ateliers veulent
donner la parole aux Malagasy de la rue dans un pays où traditionnellement
seuls les puissants, les vieux, les riches et les "bien nés" sont
écoutés.
C'est une prise de conscience du pouvoir du simple citoyen pour informer le
monde, raconter son histoire et son opinion, laisser une marque dans la
conversation globale, et donc un renforcement de soi, une échappatoire
dans la dure réalité quotidienne.
Bloguer est aussi une fenêtre sur le monde pour ce simple citoyen : une
acceptation des opinions différentes des siennes.
Le blogueur participant à nos ateliers s'émerveille de voir qu'il peut
laisser un billet le matin, le voir mentionné en anglais sur Global
Voices online le lendemain, et ensuite réaliser qu'il est traduit en
hindi, bangladeshi, chinois, japonais durant la semaine qui vient. Nous avons
organisé les premiers concours de blogs malagasy cette année et
avons reçu beaucoup d'encouragements qui laissent augurer de très
bonnes choses pour la prochaine édition.
Nous avons couvert le cyclone Ivan, grâce à un blogueur
formé par nos soins et qui a transmis les vidéos et photos non
disponibles dans les médias traditionnels.
Le 8 mars a eu lieu une lecture des "Monologues du vagin" en langue malagasy.
La traduction malagasy de ce manifeste féministe d'Eve Ensler est aussi
disponible en podcast et en e-book. Les bénéfices sont
reversés à une association oeuvrant contre la violence conjugale
à Madagascar.
A ce sujet qu'en est-il ?
J'ai entrepris des recherches sur la condition féminine malgache et en particulier sur la violence conjugale. C'est une question assez mal comprise. Lorsqu'on parle de droit des femmes, beaucoup pensent que c'est une considération occidentale et que cela ne s'applique pas aux femmes malgaches, que nous sommes une société matriarcale, que nos trois derniers souverains étaient des souveraines, etc. Cela occulte plusieurs difficultés. Une Malgache peut difficilement accéder à la propriété foncière. Il n'existe pas de lois contre la violence conjugale, la société est souvent complice et culpabilise la femme battue. Il faut renforcer la protection des femmes. Souvent, la femme violentée est prisonnière économique de son mari et n'a aucune échappatoire. Renforcer le statut économique de la femme serait le premier pas vers l'arrêt des violences centre les femmes.
Touvez-vous le temps pour d'autres hobbies ?
Si je ne fais pas trois mille choses à la fois, j'ai l'impression de gaspiller mon temps. Il est difficile de tout gérer, surtout avec deux enfants en bas âge et mon mari qui voyage à l'étranger chaque mois. J'ai la chance d'avoir un mari compréhensif qui garde les enfants quand mes doigts me démangent d'écrire. J'aime jouer du piano classique et prendre des photos et, depuis peu, je m'essaie à la décoration d'intérieur, un peu par nécessité d'ailleurs car les bricoleurs se font payer très cher dans ma ville, et j'habite une vieille maison où il y a toujours quelque chose à réparer.
Propos recueillis
par Vola Ralambo