Le dimanche 24 septembre a été le dernier jour du Salon du Livre de Besançon, "Les mots Doubs". Plus de trois cents écrivains étaient là pour un public très nombreux. De son stand, Diaryatou Bah a présenté son titre "On m'a volé mon enfance". Très sollicitée, la seule écrivaine noire de ce salon nous a accordé cet entretien. |
Pourquoi ce livre et ce titre ?
Je l'ai écrit afin de pouvoir passer un message, me libérer de ce que j'ai vécu et des difficultés que j'ai traversées : Nous sommes en Guinée Conakry. Mon père a quatre femmes (ma mère est la quatrième) et trente-deux enfants. Ma mère, ne pouvant m'élever me confie à ma grand-mère dès l'âge de deux ans. Une grand-mère très pauvre mais qui m'a laissé en héritage une grande richesse : le partage. Elle partageait ce qu'elle avait et c'est elle qui m'a élevée jusqu'à l'âge de dix ans. Elle a eu une mort tragique.
Votre premier vol vous l'avez subi à l'âge de huit ans ! On vous a volé quelque chose de très intime...
Oui, à huit ans, c'était l'excision. Sans rien m'expliquer, on m'a enlevé quelque chose. Je ne savais pas quoi et j'ai eu très mal. C'est comme ça, on ne pose pas de question; il fallait être "propre".
Qui vous a volé votre enfance ?
C'est tout un système. Une lourde tradition: on m'a mariée à quatorze ans à un homme de plus de quarante-cinq ans. Mon père, à travers ce mariage, voyait l'opportunité d'envoyer mon frère poursuivre ses études en Europe. Je suis devenue une monnaie d'échange. Quant à ma mère, en me demandant d'accepter ce mariage, elle y voyait une libération de l'esclavage par rapport à ses trois co-épouses et sa misère. Puis c'est mon mari qui me vole mes quatorze ans réels en me vieillissant de dix ans sur mon passeport afin de me faire voyager pour la Hollande en tant que majeure. Tout ceci a entraîné une cascade de mensonges. Je suis devenue une esclave sexuelle, livrée à la maltraitance et aux brimades gratuites d'un mari violent. Cela m'a valu la perte de trois bébés.
Vous étiez donc mariée à un marabout, frappée, violée (à répétition)... Quatre ans de cauchemar de la Hollande à la France ! Qu'est-ce qui vous a donné le courage de vous en sortir ?
Je voulais, en allant jusqu'au bout, trouver la liberté. Je savais qu'il y avait en France cette liberté. Beaucoup de gens et beaucoup d'associations m'ont aidée. J'ai compris aussi qu'en France on a des droits et des devoirs : le droit de vivre libre et dans la dignité, mais aussi le devoir de s'intégrer. J'ai appris le français, j'ai suivi une formation d'auxiliaire de vie. J'aurai vingt et un ans en octobre et j'ai créé une association "Espoir et combat de femmes". Le but est d'aider des femmes africaines dans leur intégration, leur dignité et la connaissance de leurs droits. C'est un combat que je me propose de continuer en Guinée et en Afrique pour des enfants à qui on a volé leur enfance.
Propos recueillis
par François Z. Effa
"On m'a volé mon enfance" aux Editions Carrières de Diaryatou Bah
Contact: Association "L'Espoir et combat de femmes"