Clémentine Caumaueth est l'auteur du « Jeu de la Vie ». Un roman que toute femme africaine doit lire. Née en Côte d'Ivoire, l'auteur a fait ses études secondaires et universitaires en France et en Angleterre. Rentrée au pays, elle a travaillé pendant une vingtaine d'années à Reuters Ltd. Parfaitement bilingue « anglais et français », elle consacre beaucoup de temps à des recherches sur la spiritualité et à l'écriture. |
Que diriez-vous pour résumer votre roman ?
Une femme découvre, après plus d'une décennie de vie conjugale, que son mari entretient un second foyer. L'histoire de Marlène est l'histoire de toute femme mariée en Afrique. Mais contrairement à ce que nous avons l'habitude de voir, cette femme décide de se battre. Elle va mener un véritable combat contre la situation que veulent lui imposer son mari et la société dans laquelle elle vit. C'est la révolte d'une Africaine contre les brimades et manquements de notre société.
Comment avez-vous eu l'idée ?
J'en avais assez d'entendre autour de moi la fameuse phrase: « On va faire comment ». J'ai écrit ce livre afin de montrer à mes soeurs africaines qu'elles doivent apprendre à se battre quand les problèmes surgissent dans leur ménage, au lieu d'accepter d'être des victimes. Elles doivent comprendre que le mariage n'est pas une fin en soi. Qu'il est préférable de vivre seule que de subir les humeurs d'un homme. Aux jeunes filles, je dirais: « En Afrique, sous le voile de la mariée, il coule beaucoup de larmes ».
Les hommes sont-ils des comédiens en général ?
Il n'y a pas que les hommes qui le sont. Nous vivons dans un monde où on nous apprend à jouer la comédie. La femme la joue aussi, mais elle se retrouve souvent à jouer le rôle de la victime. C'est là le drame.
Comment un homme peut-il mener une double vie pendant des années et même avoir des enfants sans que sa femme le sache ?
Comme Marlène, il y a tellement de femmes qui font confiance à leur mari et à qui ce genre de choses arrive; beaucoup plus souvent qu'on ne le pense. J'ai écrit ce livre pour dire aux femmes de se réveiller. Elles dorment si profondément que les choses se passent sous leurs yeux mais elles ne voient rien.
Les femmes mariées doivent-elles mettre de l'argent de côté à l'insu de leur mari, comme votre personnage ?
Je crois qu'il ne faut pas se voiler la face. La fin d'un mariage peut arriver à n'importe quel moment dans la vie d'un couple. La femme africaine doit apprendre à se prendre en charge et surtout à faire des économies. Car quand on a un peu d'argent, il est plus facile de partir quand on n'en peut plus.
N'est-il pas grave de ne pas être sincère dans les liens du mariage ?
Tout, dans cet univers, est en perpétuelle mutation. Un couple après dix ans de mariage n'est plus le même. Il doit s'adapter à de nouvelles réalités. Quand il n'y arrive pas, les problèmes surgissent et fragilisent la relation. Le mariage peut voler en éclats et la femme doit être prête quand cela arrive. Elle doit être financièrement indépendante. La question n'est pas d'être sincère ou pas mais d'être réaliste.
Le mariage en communauté de biens est-il une erreur ?
Les hommes africains n'acceptent pas de partager les biens. Ils veulent les garder pour eux. Le plus souvent, les documents afférents aux biens de la famille sont en possession du mari. Une fois le divorce prononcé, il est difficile d'avoir accès à ces documents. Il vous faut prendre un avocat pour rentrer en possession de votre part. Je connais une dame qui attend toujours sa part de biens bien qu'elle soit divorcée depuis plus de dix ans. De plus, beaucoup de nos mères divorcées n'ont pu récupérer leur part qu'après la mort de leur ex-conjoint.
Pourtant, en page 16, vous écrivez: « Mieux vaut être avec un mari aussi mauvais soit-il que de se retrouver toute seule, sans homme ».
Beaucoup de femmes africaines n'aspirent qu'à une seule chose: le mariage. Il faut se trouver un homme à tout prix, et on choisit souvent un homme avec lequel on n'a aucune affinité. Elles vivent l'enfer dans leur foyer, mais préfèrent cette vie infernale à la vie de célibataire.
Est-il facile de détecter le mensonge d'un homme ?
Une femme qui connaît bien son mari peut détecter les mensonges de ce dernier. Un homme qui connaît bien sa femme sait comment lui cacher la vérité.
Pour sortir de leur stress les femmes doivent-elles pratiquer le sport comme vous semblez le suggérer ?
Pas forcément. Cependant, le sport nous aide à évacuer le stress que nous avons en nous.
« Les femmes d'ici visaient coûte que coûte des hommes, et souvent, ce sont les maris des autres qu'elles convoitent: Les hommes « déjà prêts », c'est-à-dire, ceux qui ont de l'argent »...
Un homme qui n'a pas d'argent n'attire pas autant que celui qui en a. La misère grandissante dans nos sociétés africaines pousse nos jeunes filles à la prostitution.
Que doit faire un homme pour éviter de tomber dans le piège des femmes ?
Il doit apprendre à se connaître. Il doit savoir que ce que nous appelons "l'amour" n'est qu'un sentiment créé par l'habitude. De plus, ce vide qu'il ressent en lui, est le résultat du manque d'harmonie entre ses énergies masculines et féminines. Regardez autour de vous. Les femmes vont à l'église pour oublier leurs soucis conjugaux. Elles ont besoin de parler à quelqu'un qui peut les aider. Et les hommes de Dieu sont les seules personnes à qui elles se confient. Nous n'avons pas encore de véritable structure pouvant aider les femmes dans les moments de détresse. Il n'y a que l'église.
Croyez-vous que les couples sont aussi complices en Afrique qu'en Occident ?
En Afrique, la polygamie existe toujours et il est difficile de vivre la complicité avec un mari polygame. Contrairement aux Occidentaux, les Africains sont de grands comédiens. Quand un Blanc ne vous aime plus, il vous le dit et vous quitte. L'Africain, par contre, ne vous dira jamais la vérité.
Croyez-vous vraiment à la réincarnation dont le thème domine le livre ?
L'Afrique de nos ancêtres croyait en la réincarnation. Aujourd'hui, des médecins occidentaux soignent des maladies que leurs patients ont contractées dans une vie antérieure par l'hypnose. L'Occident redécouvre la réincarnation. Dans ce livre, j'ai voulu faire comprendre aux Africains qu'ils doivent chercher à connaître et à comprendre le monde de leurs ancêtres. L'Afrique est le berceau de l'humanité, elle a une connaissance de l'homme qui devrait nous permettre d'aller de l'avant.
Que faites-vous de vos journées ?
Je lis beaucoup, étant donné que je m'intéresse à la spiritualité africaine. Je fais aussi des recherches sur Internet. J'ai aussi d'autres occupations. Je prépare un autre livre qui parlera du mari de nuit: blolo bian en baoulé. J'ai voulu comprendre pourquoi on avait traduit blolo bian par mari de nuit, car blolo, c'est l'au-delà, le monde des ancêtres, le monde non manifesté. En fait, il y a une vérité spirituelle qui se cache derrière ce phénomène que l'on utilise pour faire peur, au lieu de chercher à canaliser l'énergie masculine chez la femme, qui est la source des difficultés. J'ai dédié mon livre à toutes les femmes africaines. Je voudrais leur dire que nous devons être fortes. Car le développement de ce continent repose sur nous. Tant que nous serons là à tendre la main et à jouer aux courtisanes, nous n'aiderons ni nos enfants ni ce continent. Nous devons nous battre aussi pour plus de respect et de dignité.
Propos recueillis
par Isaïe Biton Koulibaly
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