Jeanne de Cavally (épouse Goba) vient de sortir son deuxième livre pour enfants et sur les enfants. Après les turbulences de « Papi », elle entre de plein pied dans l'humain oppressé. L'humain dans « Le Réveillon de Boubacar » est sous les traits d'un couple et l'oppressé sous ceux de Boubacar, un Jeune garçon qui n'a plus rien et personne au monde. |
Jeanne de Cavally est votre nom d'écrivain. Pourquoi écrire sous un pseudonyme?
Bien des écrivains écrivent sous un pseudonyme. Jeanne est mon prénom vrai. Cavally, tout comme le fleuve du même nom. J'ai passé mon enfance tout près de tabou. Une enfance heureuse tout près du Libéria. En souvenir du fleuve qui avait tenu tant de place dans mon enfance, j'ai décidé d'écrire sous le pseudonyme de Jeanne de Cavally. En souvenir du temps passé.
Pourquoi écrire sur et pour les enfants dans une société où il y a tant à dire sur les grandes personnes. A moins qu'elles soient de peu d'intérêt pour vous ?
Enseignante, il m'a été donné de constater qu'il n'y avait pas de littérature enfantine propre à l'Afrique. Les enfants africains n'ont pas assez de livres de lecture. La plupart du temps on leur met en mains des livres de lecture dit de très grande valeur, qui ne les intéressent pas beaucoup. On leur y parle de la France, des pays d'Europe, etc... Je me suis dit : « Mais, pourquoi n'écrirai-je pas, un jour, sur des sujets africains pour des enfants africains. Avec, en arrière plan, le souci de fixer sur les valeurs du terroir. Je suis convaincue que quand l'enfant connaît bien l'histoire de son pays, il est attiré par ses valeurs ; qu'il n'a pas besoin d'aller ailleurs, par attirance pour l'ailleurs. Il y a bien sûr le bon apprentissage de la lecture qui doit être possible entre 7 et 11 ans. A 7 ans, un enfant, dans certaines familles, sait lire.
Quelles sont vos sources d'inspiration?
Il y a chez moi deux sources d'inspiration. L'une motivée par les soucis de mère et l'autre par ma condition d'enseignante.
Le réveillon de Boubacar, qu'est-ce que c'est et quelle signification particulière cela a-t-il?
Boubacar est un petit orphelin qui, avec sa grande sur va à la ville. Celle-ci se met en ménage. A la suite des mauvais traitements de son ami elle est hospitalisée puis meurt. Boubacar dans la nuit, déambule dans les rues de la capitale, le cur gros avec une sensation d'hostilité de toute part. Il ne sait où aller et personne ne s'occupe de lui. A trois heures du matin il finit dans une villa de Cocody où les lumières d'un réveillon l'ont attiré. Un chien qui aboie furieusement, le maître de maison sort, le fait coucher, interroge l'enfant qui raconte son histoire. On donne à manger à Boubacar, on le couche et à son chevet le couple décide de faire enterrer sa sur Faty et de mettre Boubacar dans un orphelinat.
Pourquoi cette histoire et ce curieux nom de Boubacar pour une fête de Noël?
Tout est parti d'une vision. Un jour de réveillon. Des parents et amis, nous étions en train de nous réjouir et avions, dans plusieurs voitures, décidé de faire des visites à d'autres parents et amis. Pendant un trajet, mon regard est tombé sur un petit enfant qui, tout seul rasait les murs. Je me suis demandée comment se faisait-il qu'au milieu de l'allégresse générale ce petit garçon qui m'avait l'air tout malheureux était dehors. Il m'est venu à l'idée d'écrire quelque chose sur ces petits enfants qui les jours de réjouissance générale portaient tant de tristesse en eux. Qui sont sans attache, abandonnés à eux-mêmes et qui parfois, n'ont plus ni père ni mère. Cette histoire aurait pu se situer au cur de n'importe quelle autre fête. Le 25 décembre parce que Noël c'est avant tout la fête des enfants. Le nom de Boubacar pour une histoire de Noël, c'est voulu. Boubacar est un nom musulman. Pour moi, il n'y a pas de distinctions confessionnelles pour Noël, jour où tous les enfants doivent être heureux. Le livre est une invite aux parents et enfants aisés à qui je demande de penser à ceux qui ne croulent pas sous les cadeaux et à qui il faudrait donner un peu de joie afin que Noël devienne la fête de tous les enfants du monde, sans distinction. Riches et pauvres. La signification particulière est le message adressé aux familles aisées et dans l'ensemble à toutes les familles le pouvant un tant soit peu. Noël, je le répète, est pour moi la fête des enfants. Une fête pour laquelle il faut les gâter.
Les gâter ?
Oui. Les gâter ne prête pas tellement à conséquence. Je vous ai dit écrire sous le pseudonyme de Cavally en souvenir de Tabou où j'ai passé mon enfance pendant laquelle j'ai été outrageusement gâtée. Qu'est-ce que cela a empêché en moi ?
Propos recueillis
par A. Dabo