Agée de 26 ans, la Sénégalaise Sokhna Diarra Bousso Ndao publie son premier roman « Magenta ». Paru sous la forme d'une trilogie, ce livre raconte l'histoire de Nourou, un jeune de bonne famille . Sokhna Diarra a répondu aux questions d'Amina. |
Vous avez sorti la trilogie "Magenta" en avril dernier. Votre livre parle du jeune Nourou issu d'une bonne famille. A travers cette histoire, quels thèmes abordez-vous ?
La vacuité et la déliquescence d'une jeunesse dorée. Avec l'objet de leur désir, tous les personnages dans Magenta veulent obtenir un rapport de contrôle, quitte à passer par la manipulation. On remarque que Nourou cherche à s'élever.
Pour vous, cela veut-il dire que la jeunesse dorée sénégalaise est perdue ?
Je ne sais pas si elle est totalement perdue car Nourou est un personnage très positif au début. Mais petit à petit, il tombe dans un gouffre émotionnel à cause de ses fréquentations. L'argent est une toile de fond mais ce n'est qu'un paysage. Lorsque l'on creuse, on se rend compte que Nourou est plus que « le fils de...» dans ses doutes, dans sa manière de voir les événements et dans sa relation avec Garmy. En général, l'argent et la puissance, ça vient, ça va. Ça ne sert à rien de se vanter d'être le fils de quelqu'un; il faut être quelqu'un. Il faut essayer de faire mieux que ses parents. Et surtout ne pas répliquer les erreurs de ses aînés.
Pourquoi ce titre "Magenta" ?
C'est la couleur favorite de Nourou. Le magenta n'est pas une couleur comme le blanc et le noir. Il n'a pas de radiance pure. Dans la symbolique des couleurs, le magenta représente, d'un point de vue positif, la dévotion, l'affection, les relations en symbiose, la délicatesse et l'empathie. D'un point totalement négatif, cette couleur symbolise aussi le manque d'unité de l'être. Elle montre donc bien la dualité des personnages. Ils ne sont pas tout bons ou tout mauvais. Ce sont des anges déchus qui aspirent à autre chose. A travers ce roman, j'ai pensé faire une allégorie qui, comme l'albatros de Baudelaire, évoque l'homme coincé sur Terre et aspirant à l'infini.
Vous avez choisi de faire une trilogie...
Mon bouquin était beaucoup trop volumineux lorsque je l'ai présenté à mon éditeur (L'Harmattan). S'agissant de mon premier roman, on va dire que personne n'allait mettre vingt-cinq à trente euros sur un bouquin de 250 à 500 pages de quelqu'un qui n'est absolument pas connu.
Y a-t-il un lien entre votre histoire personnelle et celle de votre protagoniste Nourou ?
Un écrivain ne peut pas dire qu'il ne s'est pas inspiré des personnes qu'il a rencontrées. Oui c'est de la fiction, mais toute fiction a un début de réalité.
Vous souhaitez garder l'anonymat sur la profession de vos parents. Pourquoi ?
C'est simple, je compte les préserver. Je n'ai pas été élevée pour prendre un microphone. Je ne veux pas que ma vie actuelle soit transformée à un point que je ne me reconnaisse plus. Si vous vous donnez les moyens de devenir une personne publique, ne regrettez pas après d'être une personne trop publique. J'aimerais que la partie de ma vie qui touche à ma famille reste privée. C'est un choix.
Comment est née votre passion pour l'écriture ?
J'apprécie les grands auteurs comme Baudelaire. Il m'ont donné envie de lire. Ecrire a été un exutoire. C'était avant tout pour m'amuser et me faire plaisir. Certains m'ont dit que ce que j'écrivais était bien. Ils m'ont poussé à aller voir quelques maisons d'édition, mais ce n'était pas mon objectif premier. Mes proches m'ont beaucoup soutenue. Ma mère m'a insufflé sa passion de la lecture. Et après avoir lu certains auteurs, on a peut être des choses à dire.
La réaction de votre famille a donc été très positive...
Ils n'ont pas pensé que c'était un pari perdu d'avance. Comme toute famille, il y a eu un soutien du début à la fin: un soutien moral et intellectuel.
Etes-vous satisfaite de l'accueil qu'a reçu votre bouquin ?
Oui, je suis très satisfaite. Tout est une surprise. Avoir le livre entre les mains et se dire que l'on a fait quelque chose est une bonne surprise. Après, rencontrer tous les jours des personnes différentes qui n'ont pas entendu parler de vous et qui souhaitent vous connaître, c'est aussi enrichissant.
Vous définissez-vous comme une artiste engagée ?
Non... Cela serait trop pédant de me définir ainsi. Pour moi, des artistes engagés sont Albert Camus, Aimé Césaire ou encore Léopold Sédar Senghor.
Quels auteurs africains vous inspirent ?
Je n'ai pas de modèles précis mais au Sénégal, j'apprécie le style de Sokhna Benga. Je trouve qu'elle arrive à vous captiver. C'est de la recherche. Son bouquin La Ballade du Sabador, c'est juste du génie.
Quels sont vos projets ?
Je vais essayer de voir avec mon emploi du temps. Il faut essayer de mener de front mon travail et ma carrière d'écrivaine. Je ne connais pas le milieu de l'édition, c'est une surprise; mais il y a aussi des impératifs à respecter. Il y aura une prochaine signature à Dakar dont j'ignore encore la date exacte. Il y a d'autres bouquins qui vont suivre. Magenta ne sera pas le dernier. Mais pour l'instant, je veux laisser à mon bouquin actuel le temps de mûrir.
Propos recueillis
par Olivia Mongin