"Fais danser la poussière" paru aux éditions Plon en 2006, est un roman autobiographique de Marie Dô, danseuse et chorégraphe. Il s'agit de l'histoire d'une vie à travers les rêves et les (dés)espoirs d'une jeune femme déterminée à vivre sa passion pour la danse. En participant à l'adaptation télévisée de son livre, cette danseuse chorégraphe a vécu une fabuleuse aventure. "Fais danser la poussière", le 9 février sur France 2, à 20h 35. |
Pourquoi avez-vous voulu adapter "Fais danser la poussière" à la télévision?
Pour que cette histoire touche tout le monde, et notamment les jeunes et les moins jeunes qui se sentent mal dans leur peau ou qui sont en mal d'identité. La télévision est le vecteur le plus approprié pour y parvenir.
Cette histoire est vraiment la vôtre?
Oui. Elevée par sa mère bretonne, Maya, petite métisse, part à la recherche de son histoire. A travers ses rencontres, ses expériences et malgré ce monde sans indulgence, sans complaisance ni générosité à son égard, elle parvient à se hisser au sommet de son art: la danse. Le plus grand chorégraphe du moment l'emmène à New York...
Comment voyez-vous ce film ?
France Zobda, la productrice, a perçu le thème de la diversité, ce qui n'est pas mon propos essentiel. Certes, j'ai du sang russe, africain et breton mais je ne veux pas de communautarisme. Dans ce film, le vrai propos n'est pas la place qu'on vous donne mais celle que vous choisissez d'avoir. La pratique d'un art est un facteur merveilleux de résilience. Maya personnifie la résilience. Elle aurait du mourir vu ce qui lui est arrivé, mais son histoire l'a rendue forte et joyeuse.
Maya trouve son identité grâce à l'art...
C'est pourquoi ce film peut être un divertissement et pas seulement une prise de tête sur le racisme. D'ailleurs, il ne rendra pas les gens moins racistes! Quand j'étais petite, je me disais: "Pourquoi on ne m'aime pas comme je suis ?" Maintenant, je pose sans cesse la même question : "Pourquoi je ne peux pas être comme j'ai envie d'être ?" Je refuse tout ce qui m'enferme.
Au-delà de Maya, c'est aussi l'histoire de la danse.
Du classique au moderne, "Fais danser la poussière" montre la danse dans ce qu'elle a de plus beau : le travail, l'authenticité et la reconnaissance. Les danseurs sont très forts mais aussi très fragiles.
Avez-vous participé au tournage?
Je n'ai cédé mes droits qu'à deux conditions: être coscénariste et chorégraphe. Je me suis aperçue à quel point il fallait que je le sois : on parle d'une vie mais surtout du milieu de la danse qu'on ne connaît pas. Je suis une danseuse, j'ai travaillé dans de grandes compagnies et j'étais très ambitieuse sur ce projet.
Filmer votre histoire n'a pas dû être anodin pour vous...
Je ne soupçonnais pas que cela provoquerait une telle violence. Il s'agissait de ma vie, mais chacun voulait se l'approprier à sa façon. Parfois c'était dur de devoir revivre des moments intimes, ma mère et d'autres membres de ma famille ne sont plus là. A la fin, j'ai eu un gros coup de mou, je pleurais, j'étais épuisée et on a dû me "récupérer".
Sur la longueur du film, il a fallu trois Maya.
Ambre, Maya de six ans, qui a le même caractère. Nastasia, Maya de neuf à douze ans, qui partage la même détermination que moi quand je dansais en classique, et Tatiana, Maya de quinze à vingt-cinq ans qui est plus proche de moi physiquement: elle a un aspect guerrier, mais elle est très douce et disciplinée à l'intérieur, tout l'inverse de moi.
Quelles ont été vos relations avec le réalisateur ?
Christian Faure est arrivé assez vite dans l'écriture. Nous nous sommes bien entendus. Il a beaucoup axé l'histoire sur la danse - un choix intelligent - et on a obtenu un résultat qu'on ne voit pas souvent en France. Christian est passionné, aussi exigeant et caractériel que moi. Les étincelles ont été artistiques entre nous, mais de là est née une superbe harmonie. Il ne connaissait rien à la danse et il en est tombé amoureux.
La partie danse était gigantesque. Comment vous y êtes-vous prise?
J'ai reçu 200 danseurs et j'en ai sélectionné 50. Ils étaient tous connus, issus de compagnies prestigieuses comme le Conservatoire national ou le Royal Ballet de Londres et certains de la compagnie d'Alvin Ailey, la compagnie que Maya a intégrée à New York. Quand je n'étais pas sur le plateau, je me trouvais au studio pour répéter avec les danseurs, et lorsque j'étais sur le tournage, je gérais les chorégraphies. Il ne fallait pas que j'intervienne sur le travail de Christian Faure qui avait besoin de liberté et, quant à mon boulot, il ne devait pas s'en mêler. J'ai créé une quinzaine de ballets. Ce fut un travail énorme pour un film qui retrace le parcours d'une danseuse des années 70 aux années 90, mais je me suis vraiment régalée!
Qu'est-ce qui vous a incitée à écrire un roman autobiographique?
Ma mère voulait écrire un livre sur sa vie, je lui avais promis de le faire avant qu'elle ne meure. Il m'a fallu sept ans pour l'écrire car j'ai commencé par sa biographie, puis celle de ma grand-mère que je n'ai pas connue pour arriver à la mienne. J'ai tenu ma promesse à ces femmes qui n'ont pas eu la parole. Je ne pensais pas que ce livre deviendrait un film.
Tatiana Seguin est la Maya adulte du film. Etes-vous contente de votre choix?
Je suis médium. Tatiana est de première qualité. Je loue son honnêteté artistique. Elle est vraiment originale avec son côté sauvage et elle n'a pas confiance dans les femmes. Au début des répétitions, je voulais qu'elle aille au-delà de ce qu'elle pouvait faire. Je lui ai fait travailler l'inconfort et le déséquilibre. Il fallait ça pour réussir le duo Roméo et Juliette et aussi sa prestation de Joséphine Baker.
Suite à cette aventure, êtes-vous toujours la même?
Je suis la même. Je déteste l'injustice, l'incompétence et l'imposture. J'aime les gens. J'ai un capital d'amour extensible, mais il ne faut pas m'ennuyer.
Propos recueillis
par Monique Chabot
© Christophe Russeil