Article AMINA


      Sept femmes poètes rencontrées
      par Thierry Sinda.
      Article publié dans Amina en juin 2004.

      Les Festivalières du
      1er "Printemps des poètes des Afriques et d'Ailleurs"

      Rencontres

      Du 9 au 13 mars s'est déroulé à Paris, sous le haut patronage de Jacques Rabemananjara (Grand Prix de la Francophonie de l'Académie Française), le 1er "Printemps des poètes des Afriques et d'Ailleurs". Une initiative que l'on doit à Thierry Sinda, notre collaborateur pour la rubrique Cinéma et poète (auteur de "Voyage en Afrique à la recherche de mon Moi enivré" aux Editions Atlantica). La manifestation a réuni une vingtaine de poètes de divers horizons géographiques et près de 200 personnes ont pris part à ce festival poétique qui, de l'avis général, fut un véritable succès ! A cette occasion, AMINA a rencontré quelques "festivalières".


      Article AMINAHouria
      Poétesse malgache-comorienne

      Lors du "Printemps des poètes des Afriques et d'Ailleurs", Saïd Kharidah alias Houria a fait partie des poétesses qui ont pris part à la soirée d'hommage à Jacques Rabemananjara. "J'étais très émue car Rabemananjara est quelqu'un que l'on vénère à Madagascar. J'ai appris ses textes au lycée et ça m'a fait chaud au cœur de lire des poèmes qui lui étaient dédiés de son vivant. Ainsi, il sait maintenant que la relève est assurée. Nous sommes, comme il l'a dit dans son message, 'les nouveaux chevaliers de la poésie du monde noir !' " Houria a écrit son premier poème en 1980, pour rendre hommage à son frère qui, cette année-là, quitta notre monde. Ce poème s'intitule "Le passager du jardin Cayla ou la fin tragique d'un frère". Houria, dont te nom de guerre signifie "liberté", est une militante panafricaniste. Elle écrit des poèmes biographiques et événementiels sur le monde noir. Son premier recueil s'intitule "Les grandes figures du monde noir en poésie". On y retrouve, entre autres, Cheikh Anta Diop, Martin Luther King, Mandela, Senghor, Mongo Beti et Jacques Rabemananjara. Ses recueils de poèmes sont auto-édités et vendus pour la modique somme de 5 euros, car ils sont destinés à la jeunesse issue de l'immigration. La grande originalité de Houria est de faire accompagner ses poèmes de dédicaces de personnalités politiques et culturelles qui lui accordent leur assentiment. Son deuxième recueil de poèmes s'intitule "Liberté. Démocratie, Droit de l'homme". Elle prépare actuellement un troisième recueil de poèmes sur les luttes des femmes.

      Article AMINAEvelyne Pèlerin Ngo Maa
      Conteuse et poétesse camerounaise

      Evelyne Pèlerin Ngo Maa est à l'origine, en France, du concept du "Marché africain". Il a vu le jour à Rouen, il y a pratiquement, maintenant, dix ans. Evelyne Pèlerin Ngo Maa est aussi bien conteuse que poétesse. Si elle n'écrit de la poésie que depuis 1998, elle dit avoir néanmoins toujours "vécu en état de poésie". Ce qui veut dire qu'elle ne vivait pas de manière standard mais trouvait de la beauté dans la substance même de la vie. Selon la conteuse et poétesse, il faut une certaine maturité pour écrire car, comme l'affirme le proverbe basa : "On ne raconte pas en voyageant parce que l'on n'a encore rien vu". Comme vous pouvez le deviner, la poésie de Evelyne Pèlerin Ngo Maa se nourrit plus des racines de la vie que de l'expérience des autres poètes. Pour elle, la poésie "c'est comme un arbre, les poèmes sont les feuilles, les fleurs et les fruits, qui ne pourraient pas être, sans ce que l'on ne voit pas, c'est-à-dire les racines et la sève." Et ce n'est pas une boutade car chez les Basa (du sud Cameroun), la parole est art suprême. Chez les femmes, on l'appelle Djomol (parole du quotidien) et chez les hommes Hilung (épopée). Pour Evelyne Pèlerin Ngo Maa, la poésie, c'est "des vers du rythme et une musicalité propre à la personne qui écrit". Pendant le 1er Printemps des poètes des Afriques et d'Ailleurs, Evelyne Pèlerin Ngo Maa a fait de fructueuses rencontres et a été enchantée de découvrir l'œuvre poétique de Jacques Rabemananjara. Ayant jusqu'alors essentiellement publié en revue, elle a maintenant un recueil de poèmes en quête d'éditeurs.
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      Article AMINA Maggy de Coster
      Poétesse haïtienne

      Maggy de Coster a été marquée dans son adolescence par les Fables de La Fontaine qui peignaient à merveille les travers des hommes. C'est ainsi que vont commencer les balbutiements poétiques de cette brillante élève qui dévorait les livres. "J'avais à peu près 14 ans la poésie était pour moi un refuge qui me permettait de fuir les problèmes liés à l'adolescence". C'est alors que la jeune Maggy va se lier d'amitié avec d'autres jeunes poètes en herbe. Leur rencontre débouchera sur une petite revue poétique d'écoliers, qu'ils baptisent "La Jeune muse". Lorsqu'elle quittera Jérémie, sa ville natale, pour Port-au-Prince, la poésie, elle, ne la quittera pas. Elle fréquentera un club littéraire animé par Christophe Charles, un grand poète haïtien, prof de philosophie et de lettres. "Christophe Charles, c'était l'ami des jeunes, notre guide littéraire, notre grand frère. Il avait environ dix ans de plus que nous." En 1979, Maggy est lauréate d'un Prix de poésie remis par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Deux ans plus tard, le promoteur des jeunes poètes, Christophe Charles, lui fait faire le grand saut poétique en éditant son premier recueil "Nuit d'assaut" (éditions Choucoune, Port-au-Prince, 1981). Depuis, Maggy de Coster a publié cinq recueils de poèmes et reçu d'autres distinctions honorifiques. Elle anime également la revue semestrielle "Le Manoir des poètes", une jeune revue poético-culturelle et littéraire. Pour Maggy de Coster, "Le Printemps des poètes, des Afriques et d'Ailleurs" est une excellente initiative, un grand bond — à continuer ! — parce que cela nous permet de nous rassembler."
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      Article AMINA Lima Fabien
      Poétesse guyano-martiniquaise

      Le hasard de la vie a fait que Lima Fabien soit née au Sénégal. Puis, elle est arrivée à Metz, où elle a passé son enfance et son adolescence. C'est probablement la raison pour laquelle la poétesse se dit "citoyenne du monde", "... n'importe où, dans le monde, où il y a des gens, des sensibilités avec lesquelles on peut partager." Comme vous l'aurez compris, Lima Fabien met en avant sa liberté d'être elle-même "avant d'être une race, une origine, une frontière." Lima écrit son premier poème à 16 ans, par besoin d'exprimer ses sentiments. Pour elle, la poésie est la rencontre entre le monde spirituel et le monde matériel. "La poésie fait des analogies, des liens et traduit des révoltes intérieures; en ce sens elle est une psychothérapie — pour le poète — ou une thérapie — pour les âmes sœurs du poète —." C'est probablement ment la raison pour laquelle Lima intitule son premier recueil "Point de vue" (Editions La Pensée universelle, Paris, 1983). Elle a alors 20 ans. Ce premier recueil, qui a été plutôt bien accueilli, lui a permis de rencontrer des auteurs et des lecteurs, aussi bien en France métropolitaine que dans les DOM. Son deuxième recueil de poèmes, "Poutchi, Pouki a ja" (Editions Silex, 2002), elle l'a écrit plus de vingt ans après le premier. Quand on lui demande pourquoi ce long silence poétique (?), elle répond: "On n'est obligé de rien ! Je n'écris pas des suites ou des feuilletons. La création est le fruit de rencontres au sens large; livres, auteurs, instants de vie !..." C'est la lecture de Léon Gontran-Damas qui a réveillé sa deuxième inspiration. Entre-temps, Lima Fabien a écrit pour la scène plusieurs pièces de théâtre.
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      Article AMINA Jhoyce Oto
      Poétesse camerounaise

      Jhoyce Oto est la fille du diplomate et écrivain camerounais James Oto. "Notre maison était un véritable salon d'art; avec mes parents, je discutais de poésie, d'architecture, d'arts plastiques et de musique", se souvient-elle... Etant donné la fonction de son père, Jhoyce a beaucoup voyagé à travers l'Europe. Néanmoins, elle se rend compte qu'elle est très attachée à son lieu de naissance : Anthony (une banlieue parisienne). C'est ainsi qu'elle affirme : "Mon rapport avec l'Afrique est le fait que je suis noire." Lorsque, adolescente, Jhoyce découvre le Cameroun et ses grands-parents maternels, elle se rend compte qu'elle est à mille lieues de leurs codes comportementaux. En revanche, elle se sent tout de suite très proche de sa famille paternelle, des liens à la fois métisses, biologiques et culturels. C'est probablement de là que vient son intérêt pour le métissage. Son premier poème, Jhoyce l'écrira à 9 ans, dans le cadre d'un atelier d'écriture en arts plastiques. "Le poème que j'avais écrit pour la circonstance portait sur l'histoire d'un bègue qui réinterprète le monde au restaurant. Pour moi, il s'agissait de faire rejaillir l'esthétique du langage, à travers un bègue. " Déjà, pour la jeune Jhoyce, l'écriture poétique était influencée par une prise de position en art et en architecture. Au cours de son adolescence, Jhoyce a écrit de nombreux manifestes sur l'esthétique et par rapport à la critique de la société. En 1984, elle écrit son premier grand poème manifeste, "Ode à l'aube à Aude". Elle le mettra en comédie musicale près de douze ans plus tard. Son deuxième grand poème manifeste s'intitule "Dans cette France en larmes où tout est dicté". Ce texte est une critique des Noirs vivant en France "qui n'investissent pas l'environnement et qui ne s'investissent pas dans l'environnement". Ces deux poèmes manifestes sont en quête d'éditeur. Pour Jhoyce Oto, le "Printemps des poètes, des Afriques et d'Ailleurs" était très riche étant donné l'étendue de l'âge et des origines des festivaliers. De plus, fait rarissime dans ce type de rassemblements, les poètes ont pu assumer librement leur inspiration, sans le moindre dirigisme.
      Contact: jhoceoto@yahoofr

      Article AMINA Marie-France Dupari-Danaho
      Poétesse guyanaise

      Marie-France Dupari-Danaho est au nombre des poétesses précoces puisqu'elle écrit depuis l'adolescence. Dans sa jeunesse, elle fait la connaissance du poète noir-américain John Frost, qui lui prodigue de précieux conseils pour façonner sa poésie: "Ecoute, ma fille, tes textes sont de la substance poétique à l'état brut. Il faut que tu travailles ta stylistique, et tu verras fleurir l'harmonie dans ta poésie." Ces conseils, Marie-France Dupari-Danaho les a mis en application. Elle s'est mise à "sculpter" ses poèmes comme son père sculptait le bois et les métaux précieux. En effet, dans sa famille paternelle, on est ébéniste depuis plusieurs générations. C'est probablement la raison pour laquelle son père, qui a vu en elle un "artisan des mots", a pris en charge le financement de son premier livre. C'est ainsi qu'elle publie, en 1982, pour son 22e anniversaire, son recueil de poèmes "Ecume profonde" (Editions La Pensée universelle). Peu avant elle avait publié le poème "Moi, petite fille de la Caraïbe", dans la rubrique "Jeunes Talents" du journal "France- Antilles". Un concours de circonstances lui fera rencontrer à la même époque le poète guyanais Raoul-Philippe Danaho qui, douze ans plus tard, deviendra son époux : "Je connaissais ses œuvres, avant de le rencontrer. J'ai fait sa connaissance au moment où, sous l'impulsion de Robert Cornevin, il préparait une 'Anthologie de la poésie antillo-guyanaise'. On s'est plu et on a eu une longue amitié sincère et poétique, qui s'est transformée en amour, à la mort de sa première épouse, la poétesse et mannequin Liliane-Germaine Danaho, qu'il avait rencontrée en 1956, au Bal nègre de la rue Blomet!" Lors du "1er Printemps des poètes des Afriques et d'Ailleurs", la poétesse, aujourd'hui confirmée, Marie-France Dupari-Danaho s'est vu confier la charge de nous mener dans un voyage poétique en Guyane, à travers le lancement de l'anthologie "Traversée de la poésie guyanaise" (éditions Anne-C., Cayenne, mars 2004). "Je suis contente d'avoir pu faire, en plein cœur de Paris, la promotion de la culture guyanaise, puisque celle-ci est, en métropole, beaucoup moins connue que celle des Antilles", affirme-t-elle, avant de conclure : "Les différentes identités représentées lors du festival n'entachaient en rien les identités réelles. C'est, à mon avis, l'une des grandes forces de ce grand rassemblement poétique."
      Contact: Académie du Métissage - BP 112 - 94600 Champigny.

      Article AMINAMariam Abdou
      Comédienne malgacho-comorienne

      Mariam quitte Madagascar pour la France alors qu'elle a à peine 7 ans. Nous sommes alors en 1976 et son père, qui était navigateur, décide de s'installer au Port de Marseille. "Mon père disait que c'était mieux pour nous, que c'était plus sûr côté études ... ", nous confie-t-elle avec émotion. Dès son adolescence, Mariam est possédée par le démon du théâtre. C'est donc tout naturellement que, en 1989, elle passe un Bac option théâtre. Ensuite, elle monte à Paris pour suivre le fameux Cours Simon. A sa sortie du Cours Simon, elle constate qu'il est extrêmement difficile d'être une comédienne noire en France. Dans les années 90, elle va faire la connaissance de Benjamin Jules-Rosette, le fondateur du "Théâtre noir". Grâce à cette initiative, qui consistait à monter des pièces de dramaturges du monde noir jouées par des acteurs noirs, Mariam a pu donner libre cours à sa passion. Avec Benjamin Jules-Rosette, Mariam a également fait des récitals de poésie, notamment en lisant les poètes Senghor et Césaire, Mariam Abdou a alors pris conscience qu'elle est une comédienne noire malgache et qu'il y avait des auteurs malgaches. C'est dans cet esprit qu'elle découvre l'œuvre du poète et dramaturge Jacques Rabemananjara : "Depuis que j'ai lu et relu, il y a à peine un an, l'œuvre complète de Jacques Rabemananjara. Je me suis dit qu'un jour, j'en ferais un récital poétique." Comme tout finit un jour par arriver à qui sait attendre, la comédienne Mariam Abdou a pu lire les textes de Rabemananjara, lors de la journée d'hommage qui lui fut consacrée pendant le "Printemps des poètes des Afriques et d'Ailleurs". C'est donc avec beaucoup d'émotion et d'authenticité qu'elle a déclamé, sur toutes les gammes, seule ou en duo avec le comédien algérien Moa Abaïo, l'œuvre multidimensionnelle de Jacques Rabemananjara : "Piam, une amie malgache qui était dans la salle, m'a dit qu'en m'écoutant tout le pays lui est remonté à la surface et qu'elle en a eu la chair de poule et les larmes aux yeux !" Forte de cette expérience pleine d'émotions et de bonheur, la comédienne Mariam Abdou projette à long terme de monter un grand spectacle théâtral avec les textes de Jacques Rabemananjara. Mais, pour l'heure, elle est à la rechercha d'un agent efficace pour gérer sa carrière artistique.

      Propos recueillis
      parThierry Sinda


      Sinda, Thierry "Les Festivalières du 1er printemps des poètes des Afriques et d'Ailleurs" Amina 410 (juin 2004), (suppl. "Femmes créoles"), pp. XLII-XLIII.

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      Editor ([email protected])
      The University of Western Australia/French
      Created: Juillet 2004
      Archived: 12 October 2016
      https://aflit.arts.uwa.edu.au/AMINAfestivalieres2004.html