"Rebelle"
Après avoir écrit plusieurs ouvrages de littérature enfantine qui lui ont valu de nombreux prix littéraires dont le Prix de lExcellence de la République de Côte-dIvoire pour la Culture (Édition 97), Fatou Keita, professeur danglais à lUniversité dAbidjan vient de publier son premier roman "Rebelle", relatif à lexcision et publié aux Nouvelles Éditions Ivoiriennes. Fatou Keita vient dêtre appelée pour siéger au jury du Prix UNESCO de littérature pour enfants et adolescents au service de la tolérance. |
Vous venez de publier votre premier roman. Est-ce la fin de lécriture pour les enfants?
Pas du tourt. La littérature pour enfants est vraiment mon domaine de prédilection. Je my trouve pleinement dans mon élément et jai encore de nombreux projets dans ce domaine. Cela dit, je pense aussi continuer dans le roman car cela semble également me réussir.
Quelles sont les contraintes de lécriture dun roman et dun livre pour les enfants?
Il faut de la rigueur dans lécriture, pour lun comme pour lautre. Il faut pouvoir capter et retenir lattention du lecteur, faire en sorte quil nait plus envie de lâcher le livre une fois quil la commencé. Dans les livres pour enfants, il faut vraiment savoir se mettre dans la peau des enfants pour capter ce qui peut les faire rire ou les faire pleurer.
Pour nos lecteurs qui nont pas encore lu "Rebelle", pourriez-vous le résumer?
"Rebelle" raconte lhistoire dune femme africaine, Malimouna. Toute petite, elle va échapper à lexcision, mais ce secret sera découvert lorsquà 14 ans, elle sera donnée en mariage à un vieil homme. Elle ne trouve alors dautre ressource que de se sauver de son village pour se retrouver à Salouma, la capitale. Commence alors pour elle une vie qui ne sera pas de tout repos. Elle travaille comme domestique chez des expatriés à Salouma puis à Paris. Confrontée à maintes difficultés, elle prendra son destin en main, faisant des ménages pour subvenir à ses besoins et payer ses cours pour sinstruire. Prenant conscience, au contact de son amie Fanta, la Malienne, des problèmes des femmes immigrées, elle se jure dapprendre un métier qui lui permettra daider les femmes. Elle connaîtra son premier amour avec le Français Philippe, avec qui elle retourne à Salouma. Leur liaison sachève au bout de quelque temps et Malimouna recontre alors Karim quelle pense être lhomme de sa vie... Je marrêterai-là car il faut quand-même que les lecteurs découvrent ce roman par eux-mêmes.
Pourquoi êtes-vous intéressée par les problèmes de lexcision?
Je me sens interpellée en tant que femme, en tant que mère et en tant quéducatrice. Des millions de femmes sont multilées inutilement, il faut que cela cesse le plus rapidement possible. Cest une violation flagrante des Droits de la femme. Les dangers de lexcision, je crois que tout le monde les connaît à présent. Il sagit dun problème de santé publique.
Quelles sont les raisons avancées par la tradition pour imposer lexcision?
Dune façon générale, ceux qui la pratiquent ne savent pas vraiment pourquoi ils le font. Cest une coutume dont ils ont hérité et quils perpétuent parce que, leur a-t-on dit, elle permet à la femme dêtre une vraie femme, fidèle et soumise à son mari. Une femme capable de maîtriser ses pulsions.
Dans votre roman, on assiste à une tentative de mariage forcé. Ce mariage existe-t-il encore dans la société moderne?
Les mariages forcés sont encore légion chez nous. Il ne faut pas perdre de vue que les citadins ne constituent pas lessentiel de la population en Côte-dIvoire. Je ne vois aucun avantage à forcer quelquun, quil soit un homme ou une femme, à se marier à une personne dont il ne veut pas.
Comment exqliquez-vous lacharnement des hommes à posséder les femmes, comme M. Bireau dans "Rebelle"?
Je ne voudrais certainement pas généraliser, car il y a heureusement, des hommes très corrects. Je dirai tout simplement que ceux qui se comportent ainsi croient quils peuvent tout se permettre lorsquils sont en face dune femme.
Votre personnage, Malimouna, croit retrouver ses racines avec Karim qui a la même langue et la même religion quelle. Est-ce des raisons suffisantes pour aimer et faire sa vie avec un homme?
Ce ne sont absolument pas les seules raisons qui la poussent vers cet homme. Elle laime, tout simplement et le fait quil soit de chez elle la réconforte après sa liaison avec Philippe le Français, dont elle nappréciait pas vraiment le milieu.
Malimouna est très active dans lAssociation dAide à la Femme en Difficulté (AAFD). Pour vous, quelles sont les difficultés que rencontrent les femmes de la ville et du village?
Je pense que ces difficultés sont très simples à résumer : la femme, que ce soit à la ville ou au village, a tout simplement trop de travail. Cest souvent une bête de somme qui na pas de temps pour elle-même. Mais le pire, cest quon ne lui reconnaît pas ce travail et quon la traite trop souvent comme un citoyen de second ordre.
"Si ton mari nest pas heureux à la maison, cest que cest toi qui ne le satisfait plus!". Cette phrase est courante.
Cest là un résumé bien simpliste. Dans la relation Karim-Malimouna, le changement dattitude de Karim vient tout simplement du fait quil entretient une autre liaison ailleurs. Ce qui est, vous me laccorderez, un comportement assez classique. Les femmes intellectuelles ont toujours des problèmes dans leur foyer. Je crois quil ne faut pas exagérer. Le vrai problème en fait vient du fait que certains hommes sont très complexés lorsquils se trouvent en face dune femme qui a du répondant. Je pense que les femmes ont, dune façon générale, le même genre de problèmes, mais je vous accorde que la femme de la ville, à limage de Malimouna, acceptera certainement moins facilement que la villageoise, les infidélités et les abus de son homme.
La femme afraicaine moderne a-t-elle un défaut ou des défauts à "soigner" ou à "guérir"?
Tout le monde peut saméliorer, lhomme comme la femme. Les femmes africaines modernes doivent veiller, puisque cest essentiellement elles qui éduquent, à nes pas perpétrer une inégalité dont elles sont les premières victimes et que leurs filles subiront à leur tour, si elles ny prennent garde.