Diplomate en poste à l'ambassade du Tchad à Abuja au Nigéria, Mme Marie Christine Koundja est connue au Tchad comme écrivaine. Après son roman intitulé « Al Istifakh ou l'idylle de mes amis » qui a connu le succès, elle publie un deuxième roman intitulé « Kam Ndjaha, la dévoreuse ». Elle nous en parle. |
Votre deuxième roman s'intitule « Kam-Ndjaha, la dévoreuse », pourquoi avoir choisi ce titre?
En sara kaba, ma langue natale, « kam ndjaha » ça veut dire littéralement « les yeux blancs »; c'est ainsi qu'on désigne un homme ou une femme infidèle. On dit qu'il ou qu'elle a des yeux blancs. Quant au titre en français, « la dévoreuse », je pense que avez découvert sa raison d'être à travers la lecture.
Pouvez vous nous résumer votre livre?
Résumer le livre serait difficile car il soulève plusieurs thèmes à la fois: l'infidélité, la trahison, l'amitié, le manque de considération de la femme, la maltraitance des enfants, la scolarisation des filles, l'héritage après la mort du mari, le sida, la pauvreté, la baisse de niveau, le favoritisme, etc. Pour évoquer ces divers sujets, je suis partie de l'histoire d'une femme infidèle et traîtresse qui va mal finir.
Votre personnage principal, Marianne, est une femme de caractère. Elle est l'opposé de la femme peinte au quotidien comme facile, matérialiste, vulnérable. Que voulez-vous dire à travers elle?
Je voudrais, à travers mon personnage principal, dire que ce ne sont pas toutes les femmes qui sont faciles et matérialistes comme le pensent les hommes. Surtout les hommes riches qui croient qu'ils peuvent acheter l'amour d'une femme avec leur argent.
Voulez-vous dire à travers Marianne que toute femme peut trouver un mari si elle se respecte?
Une femme doit se respecter. Ce n'est pas seulement pour avoir un mari, mais elle doit se considérer au même titre que toute personne digne de respect.
Et Julie, l'infidèle, tous les hommes succombent à ses manœuvres, pourquoi cela?
Pour Julie, c'est à chaque lecteur de voir cela à sa façon. Moi, je pense que c'est une personne rusée. Elle utilise tous les moyens pour faire tomber les hommes dans son filet. Il faut aussi relever que c'est une traîtresse. Elle ne cherche que les maris de ses cousines et de ses amies. C'est une malade. Et c'est une histoire vraie.
Voulez-vous dire à travers la femme d'affaires qui est toujours en voyage que son ménage est menacé par ses absences répétitives?
Aujourd'hui, les choses ont évolué. La femme n'est plus celle qui attend tout de son mari. Il y a un certain libéralisme, et tes femmes ont diverses activités pour être auto-suffisantes. Beaucoup voyagent pour les affaires. On apprécie que les femmes cherchent à vivre avec leurs propres moyens, mais il y a aussi des inconvénients. Les absences souvent prolongées et répétées sont un problème sérieux dans le foyer. Non seulement pour le mari, mais également pour les enfants. Surtout pour leur éducation. Et c'est aujourd'hui à la mode chez nous. Le comble, c'est de laisser une petite sœur à la maison, ou de dire aux amies de surveiller les enfants et leur papa. Dans le cas de Mandé, ces absences ont poussé son mari, pourtant sérieux et fidèle, à créer l'inceste, avec toutes les conséquences que nous connaissons. Alors, attention les femmes. N'attachez pas une chèvre près du loup, et ne faites pas confiance à toutes les amies. Car c'est aussi une histoire vécue.
Vous avez présenté votre livre en collaboration avec la Librairie La Source de N'Djaména. Comment le public l'a-t-il accueilli?
La présentation s'est bien passée. Le public était là, sauf que les gens n'avaient pas encore lu le livre pour poser des questions qui s'y rapportent. Donc j'ai expliqué le contenu au public et le directeur de la librairie La Source a souligné l'importance de l'œuvre en relevant certaines questions que j'ai omises.
Vos livres se vendent ils bien?
Oui, surtout le premier. Parce qu'il est à la portée de tous. « Kam Ndjaha » est trop cher 18 euros, prix de l'éditeur. Mais avec le directeur de la librairie La Source, nous avons convenu de le vendre à 6.000 FCFA afin que les Tchadiens le lisent. On écrit pour sensibiliser, éveiller les consciences. Pour cela, il faut que le livre soit accessible à tous. On espère qu'à ce prix, ça va aller.
Certaines personnes disent que les problèmes quotidiens les préoccupent tellement qu'elles n'ont pas le temps de lire, qu'en dites-vous?
Je crois que c'est une question d'habitude. Si on est un lecteur, on peut lire n'importe où, n'importe comment et n'importe quand. Il suffit d'avoir la volonté pour trouver un petit peu de temps et lire. On dit que la musique adoucit les meurs, c'est la même chose pour la lecture. D'ailleurs la lecture apporte une grande connaissance. Elle instruit, elle fait voyager tout en restant chez soi. Elle permet d'explorer les cultures du monde. Et surtout, elle peut distraire et égayer la vie.
Est-il difficile pour une femme d'écrire dans notre contexte africain notamment tchadien?
On peut dire que c'est difficile d'écrire, n'importe où. Et particulièrement au Tchad, compte tenu de notre culture. Il faut assister aux mariages, aux baptêmes, aux décès, etc. Nous avons beaucoup de cérémonies auxquelles il faut absolument participer pour répondre aux exigences de notre société. Cela prend tout le temps de la femme tchadienne, sans oublier l'entretien de sa maison. Mais quand on veut, on peut.
Propos recueillis
par Aline Taroum