Après « Patience d'une femme », « Misère humaine » et « Dialogue imaginaire et imagé avec un fœtus », l'écrivaine congolaise Eveline Mankou revient avec « L'Instinct de survie », paru en novembre 2012. Dans ce quatrième roman, Mady treize ans, violée par son cousin, accouche d'un enfant albinos et s'enfuit de son village pour protéger son fils d'une mort certaine et elle-même d'un bannissement inéluctable. Éveline Mankou, qui travaille dans l'administration quand elle n'écrit pas, vit aujourd'hui entre la France et l'Angleterre. Elle nous parle de son métier et de son nouvel ouvrage. |
Pourquoi l'écriture?
Ce que je ne peux pas dire, je l'écris. C'est mon moyen de communication, c'est aussi ma thérapie.
D'où tirez-vous votre inspiration?
De mes voyages, mes souvenirs, mes origines, mon quotidien. Tout est source d'inspiration.
Dans votre livre, vous abordez le sort réservé aux albinos en Afrique. Pourquoi ce thème?
Simplement parce qu'ils sont marginalisés, craints, et même tués dans certains pays en Afrique, notamment au Burundi et en Tanzanie. Quand j'étais petite, au Congo, les adultes nous disaient de ne pas les approcher. Nous en avions peur mais sans savoir pourquoi. Quand j'en croisais un dans la rue, je me signais et changeais de trottoir. Récemment, sur internet, j'ai vu des vidéos et lu des articles d'une grande violence et face à l'indifférence générale je me suis dit que je ne pouvais pas fermer les yeux. Il fallait que j'en parle au travers d'un livre.
Vous avez affirmé que l'écriture pouvait libérer l'Africain de «sa façon exagérée de vivre le monde ». Qu'avez-vous voulu dire?
J'ai voulu évoquer un des plus grands paradoxes de l'Afrique: vous pouvez être à Brazzaville et vivre avec tout le confort d'une ville moderne européenne, et aller juste à quelques kilomètres et vous retrouver dans une Afrique de traditions anciennes et peu adaptées à la réalité. L'écriture est un moyen de communication, un outil aussi pour libérer l'homme de l'ignorance. Les vérités sont souvent cachées dans les livres. Il y a quelques années, une vidéo, qui circulait sur Internet, disait que les Noirs resteraient esclaves tant qu'ils ne liraient pas. Je pense effectivement que lire permet d'accéder au savoir et que c'est une des clés de l'émancipation.
Vous démontez les superstitions et la sorcellerie, à la base des crimes perpétrés contre les albinos ou les femmes, et pourtant votre livre en est truffé. N'avez-vous pas peur de montrer une Afrique arriérée qui répond aux fantasmes de sauvagerie de l'Africain?
L'Afrique a ses traditions et ses coutumes, c'est d'ailleurs ce qui fait aussi sa richesse. Seulement, elle doit les adapter à la réalité. Le monde change et évolue, l'homme et l'Africain avec.
"L'instinct de survie" et vos trois ouvrages précédents, sont-ils disponibles en RDC?
Mes nouvelles sont uniquement distribuées en France, à la Fnac ou en ligne sur Amazon et d'autres sites de vente.
Des projets?
Je suis sur un nouveau livre Danseur de l'ombre, qui paraîtra en 2013.
Propos recueillis
par Kadidiatou Bah
L'instinct de survie, éditions jets d'encre, Paris, 2012, 114 pages, 14,50 euros.