Le monde littéraire béninois est à l'honneur grâce à Hortense Mayaba. Romancière à la plume avisée, elle vient de publier « L'Engrenage ». Dans cet ouvrage, l'écrivain a réalisé un savant dosage entre la réalité et la fiction, entraînant le lecteur à revisiter parfois un passé parsemé d'événements politiques poignants. Dans un style sobre, Hortense Mayaba a fait de L'Engrenage; une œuvre qu'on parcourt avec délectation. |
Comment êtes-vous venue à la littérature ?
A un moment donné de ma vie, j'ai senti qu'il fallait partager avec les lecteurs mon enfance, mes aventures, mes problèmes, mon espérance... C'est ce que j'ai tenté de faire à travers la publication de deux romans: L'Univers infernal et L'Engrenage. J'ai également écrit pour la jeunesse et réalisé des illustrations. L'Engrenage, c'est l'histoire des pays africains, y compris le mien, le Bénin, dont l'évolution est parsemée de coups d'état militaires, de révolutions, de dictatures, etc. Les peuples ont dû se battre pour arracher la démocratie. J'ai donné ce titre parce que les militaires au pouvoir, face à la fronde sociale, furent obligés de convoquer une conférence nationale, « les rampes de la sagesse», pour instaurer la démocratie.
Mais le nouveau régime s'est adonné à des détournements de fonds publics semblables à ceux reprochés à l'ex-président Michée. Il s'en est pris également aux symboles divins, derniers recours face à l'immoralité...
Au départ, ce nouveau régime avait de nobles aspirations: sauver le peuple de la misère, instaurer la liberté, la justice sociale, l'égalité. Mais face à la réalité du pouvoir, il n'a pas pu résister aux délices de la politique. Le JGM (Jeune Gouvernement Militaire) et son chef, le « Grand camarade », ont choisi la doctrine du marxisme-léninisme, avec la révolution comme socle. Et comme ils rejetaient le divin, ils ne pouvaient que s'attaquer aux symboles religieux en transformant cathédrales, mosquées et autres lieux de culte en mairies ou en « maisons du peuple ».
Quel rôle les femmes ont-elles joué ?
Les femmes ont décidé de prendre part au combat, de supporter leurs maris en se rendant une nuit toutes nues à la présidence. Dans nos us et coutumes, la nudité de la femme est une puissance, une arme. Si les femmes sortent nues, c'est un mauvais présage. Estimant avoir été trompées par le « timonier national », elles sont entrées dans une grande colère. Pour les apaiser, il s'est mis à genoux devant leur nudité et les a suppliées. Mais ce n'était qu'une ruse, car par la suite il a instauré la répression, les arrestations et l'emprisonnement des opposants.
Balafa fut doublement affectée. « En plus de la pauvreté, la sécheresse s'y était mêlée. C'est une épidémie de peste charbonneuse qui venait corser cette détresse humaine ». Pourquoi avoir tendu ce piège métaphysique à cette localité ?
J'ai aussi voulu décrire la part du destin dans ce roman. Dans la réalité, Dieu le créateur façonne parfois la destinée humaine négativement. Si nous sommes croyants, face à l'ampleur de nos problèmes, nous nous en remettons à sa volonté. C'est pourquoi Gata, atteint de la maladie « les pieds d'enfer », n'a pu être sauvé ni par l'herboriste Bambè Moussou ni par le jeune médecin Bouma, revenu d'Europe.
Des projets ?
J'ai fini d'écrire un roman policier, Etrange témoin, et j'en ai trois autres qui sont complètement achevés et qui n'attendent que d'être édités.
Propos recueillis
par Jocelyn Kotso Nathaniels
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