Originaire de Boundiali en Côte d'Ivoire, Muriel Diallo est peintre, illustratrice, auteure de livres pour enfants et conteuse. Elle est l'auteure entre autres de «Le mineur et le boulanger» (Vents d'ailleurs), d' «Aïda et l'Arc en ciel» et de «La Femme arbre et le Chasseur» (L'Harmattan), du «Fils de l'aurore», et de «Hamide le petit porteur» (éditions CEDA). En 2010, Muriel Diallo a créé le personnage de Bibi qui rencontre un très grand succès parmi les enfants. Sa collection «Bibi n'aime pas...» a été primée par le Prix littéraire Saint Exupéry et sélectionnée parmi les 200 meilleurs albums jeunesse dans le monde par les bibliothécaires allemands White Ravens. |
Comment avez-vous songé à ce petit personnage Bibi, une petite fille africaine?
J'avais remarqué qu'il y avait peu d'enfants africains d'aujourd'hui représentés dans l'édition jeunesse internationale. C'est-à-dire l'enfant africain d'aujourd'hui qui vit en ville, pas celui qui vit avec les lions (Rires). En dehors des contes, dans la réalité, on n'en voit pas beaucoup. A priori, parler de cet enfant moderne des villes en Afrique n'était pas rentable. J'ai voulu travailler sur ce sujet: de là est née Bibi, une petite fille africaine vivant en ville. Arrivant en France, j'en avais un peu assez: je ne compte plus les fois où des enfants me demandaient: «Où sont les fauves?». C'est amusant mais ce sont des idées qui leur sont transmises par des livres de découverte sur l'Afrique qu'on leur lit ou qu'ils lisent.
Cette image d'épinal du petit Africain vivant dans la savane parmi les lions et les animaux sauvages perdure, même parmi les adultes...
C'est cette image que je veux changer. Avant de changer le discours des adultes, jai voulu toucher les plus petits. D'habitude on leur raconte des histoires basées sur la magie et le merveilleux, mais il n'y a pas que cela. Avec Bibi, je remets un peu le quotidien à sa place. C'était un vieux rêve d'enfant, quand j'étais petite, nous avions la collection Martine, et comme j'ai grandi en Afrique. J'avais ce rêve d'avoir un personnage Africain qui me ressemble un peu, même beaucoup. Je voulais parler des choses de chez nous avec notre humour j'avais le rêve d'écrire cette série depuis bien longtemps. Je l'ai mise en place en créant cette série.
Dans les autres albums, Bibi n'aime pas les légumes, le marché, l'école, le guérisseur, le taxi brousse, la pluie... Est-ce par humour, ou bien pour faire comme les enfants capricieux qui décrètent qu'ils n'aiment pas, sans connaître une nouvelle chose?
Je me suis beaucoup intéressée au caractère de Bibi, car moi-même j'ai été une petite fille espiègle. Je suis aussi une maman qui côtoie beaucoup d'autres mamans aujourd'hui, et le petit mot « non » pose souvent problème aux parents. On l'entend souvent chez les enfants (Rires). Au supermarché, on voit souvent des parents complètement désemparés devant le « non » des enfants.
Ils testent les parents et ils cherchent aussi à comprendre ce qui se passe autour d'eux. Au lieu de s'énerver, même s'il faut poser une limite, il faut apprendre à maîtriser la situation. Or, les parents de Bibi, arrivent à le faire en dirigeant Bibi vers l'apprentissage de ce qu'elle n'aimait pas. Et comme Bibi est curieuse de tout, ses parents arrivent à lui faire passer le message qu'elle peut essayer de faire quelque chose qu'elle « n'aime pas» au départ, et elle s'y met.
Finalement, même si Bibi n'aime pas le foot, elle s'y met avec succès. Apprendre à connaître quelque chose serait apprendre à l'aimer, pour Bibi ou pour un enfant, quel qu'il soit...
Le plus important n'est pas d'apprendre à aimer, mais d'apprendre à connaître. Je fais beaucoup d'ateliers avec des enfants de par le monde, et cette question du « non » est venue tout naturellement. On a l'impression qu'un enfant d'Afrique ne ressemble pas aux autres, mais c'est le moment d'ouvrir les yeux. Bibi pourrait être chinoise, c'est un enfant du monde, elle est universelle, mais avec sa chaleur son humour.
Vous avez enseigné à l'école des arts plastiques, vous avez été une petite fille et vous êtes maman aujourd'hui. Toutes ces expériences vous ont-elles inspirées pour la série des Bibis?
Oui. Et je discute beaucoup avec les gens que je rencontre. L'année passée, j'étais dans une école et j'étais à cours d'idée pour continuer la série de Bibi. Les enfants m'ont dit: «Pourquoi pas le foot? Les filles n'aiment pas le foot, pourquoi elles n'aimeraient pas ça?», Ça m'a étonnée, mais j'ai vu qu'en France, c'était la même chose. Echanger avec les enfants m'apporte énormément.
Bibi trouve toujours une solution humoristique ou développe un sens de l'adaptation qui lui faisait défaut. Avez-vous conçu ces histoires pour les parents qui les lisent, ou pour montrer aux enfants que l'on peut changer un a priori sur le foot, l'école, la pluie etc...
Peut-être que oui, peut-être que non. Je ne me pose pas la question. Je ne donne pas de leçon et c'est inconscient si c'est le cas. Je m'adresse aux enfants en premier, mais les parents se retrouvent dans mes albums. Les parents sont ravis que je fasse aimer les légumes à leurs enfants, même si moi je n'aime pas ça. (Rire) Je joue un peu la comédie, je leur dis: «C'est très bon les légumes». Je ne pensais pas que Bibi allait devenir une vraie ambassadrice de l'Afrique et que les parents allaient venir vers moi et me complimenter pour ces albums. J'ai fait cette série avec mon âme. Quand les enfants m'accueillent en criant « Maman Bibi », je suis en larmes. Je vais de surprises en surprises.
Vous illustrez et êtes auteure d'albums et de livres pour la jeunesse. Vous exposez également à différents endroits. Quels sont vos projets immédiats, tant artistiques qu'éditoriaux?
Je vais me remettre à la peinture, ça me manque. Je veux prendre le temps de faire évoluer un projet et je souhaite me ressourcer. J'ai envie de voir autre chose, même si Bibi n'aime pas faire ses devoirs, les enfants ne veulent pas que j'arrête, mais j'ai envie de faire une autre série. Je ferais bien une série d'animations avec Bibi, car des enfants m'ont demandé des poupées de Bibi.
Propos recueillis
par Pascale Athuil
Muriel Diallo. "Bibi N'aime pas le foot". Editions Les Classiques Ivoiriens, Diffusion L'oiseau indigo 2015, 24 p.
Série Bibi sur: https://classiquesivoiriens.com et sur https://www.loiseauindigo.fr
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