Faire de la littérature orale africaine une littérature écrite: Virginie Mouanda fait partie de ces auteurs d'Afrique qui ont décidé de puiser dans leurs racines pour écrire des textes qui régaleront petits et grands. Elle a deux pays en héritage: le Congo et le Cabinda, et elle les met à l'honneur dans ses écrits. |
Virginie Mouanda, vous avez écrit des romans pour adultes mais vous vous spécialisez aussi dans la littérature pour la jeunesse: qu'est-ce qui a provoqué cet engouement pour les jeunes lecteurs?
Ecrire des romans pour adultes, c'était d'abord la nécessité de témoigner d'un fait, celui du sort des réfugiés qui fuyaient la guerre du Cabinda. C'était un peu le hasard. Je ne pensais pas qu'un jour j'écrirais. Mais étant donné la détresse que je rencontrais en allant visiter les centres de réfugiés, ce qui réveillait immanquablement mes propres souvenirs d'enfance, j'ai eu besoin de faire savoir au monde l'existence de ce peuple qu'on avait abandonné dans la forêt au milieu de la guérilla. D'où Au soleil noir du Cabinda et Mémoire d'une colline. Pour la jeunesse, c'est un peu différent. La littérature orale est un genre très accessible qui permet d'échanger plus facilement. Donc, c'est dans le même esprit: faire découvrir les us et coutumes du pays d'où je viens.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le roman Au soleil noir du Cabinda, un titre qui interpelle?
C'est le titre qu'avait proposé mon éditeur Salvator Lombardo de Transbordeurs. Un homme formidable, complètement dévoué et passionné par son métier. Malheureusement les lois du marché étouffent souvent les passions. Sinon le livre a été un point déterminant dans ma vie et mon engagement dans la société. J'ai dû prendre fait et cause de la situation des réfugiés Cabindais, jusqu'à mon implication dans le jeu politique d'où je suis sortie, heureusement, indemne.
Vous êtes conteuse: quel accueil vous est réservé dans les écoles que vous visitez? Est-ce que le fait que ce soit des «contes de la savane», c'est-à-dire des contes qui évoquent l'Afrique, contribue à susciter l'intérêt du public?
En effet, et Michel Ocelot nous a beaucoup aidés dans ce sens. Kirikou a contribué à la vulgarisation du conte africain. Je suis souvent interpellée par les enfants qui pensent que je suis la maman de Kirikou ou même que je viens de la savane du pays du film Le roi lion... De toute façon, c'est dans la rencontre que l'on apprend à se connaître. Lors de mes spectacles, je parle un peu de moi, de mon village, de mon pays. Les gens me posent des questions sur mon parcours. Ils ont envie de me connaître au-delà des histoires que je raconte.
Vous êtes originaire du Congo, mais aussi du Cabinda est ce que le nom de «Kibinde» qui apparaît sur la couverture de votre livre est un pseudonyme inventé pour rappeler cette part cabindaise de votre personnalité?
Kibinde, c'est mon premier nom. Je porte le nom de ma grand mère paternelle. Je suis née au moment où les pères étaient désormais obligés de donner leur nom à l'enfant qui vient de naître. Une génération avant, on m'aurait appelée Kibinde ki Mouande. Justement c'est mon côté Yombé du Congo. Selon la coutume, je ne devrais pas porter le nom de mon père. Mais les Blancs nous ont imposé leur tradition, on a pris, et puis voilà!
Vous abordez différents thèmes dans votre recueil «Contes merveilleux et contes drôles de la savane»: la médisance, le mariage, le couple, l'égoïsme, la cupidité... Ces thèmes ne parlent-ils pas plus aux adultes qu'aux enfants?
Ce n'est pas faux, ce que vous dites. Mais la personnalité de l'adulte se forme dès l'enfance. Les enfants ont suffisamment d'intelligence pour comprendre les choses. Le livre en lui-même n'est pas fait directement pour les enfants. C'est une lecture à partager en famille. J'invite les parents à le lire aux enfants.
Vous avez participé à la foire de la Saint-Mathieu à Houdan, dans les Yvelines, qui s'est tenue du 27 au 28 septembre 2014, et le Congo était le pays à l'honneur durant ce week end qui a fait découvrir la culture congolaise au public. Quelles sont vos impressions?
C'est une expérience qui m'a beaucoup plu.C'est bien la première fois que je rencontre mes frères et sœurs de plume et de patrie, tous réunis pour échanger sur nos parcours, nos vies etc. En fait, sans pouvoir l'exprimer, nous avons plus ou moins besoin de nous retrouver, je pense que c'est très utile pour notre évolution.
Parlez-nous de vos futurs projets littéraires.
Des projets, il y en a tellement... Un manuscrit de nouvelles traîne dans mon tiroir et je vais peut être en faire un roman pour pouvoir l'éditer plus facilement... Si projet il y a dans l'immédiat, c'est celui-là. Donc avis aux éditeurs, si éditeurs il y a... ou même aux mécènes... A part ça, plus sérieusement, on va bientôt sortir un album CD de contes, tirés du recueil. C'est un travail que je fais avec un ami, Will Maës, musicien conteur, avec qui on a réuni des amis, tous des comédiens et musiciens talentueux, qui ont prêté leur voix pour jouer les personnages dans le disque. Il sort bientôt, un beau bijou, un concentré de drôleries, d'humour et de délires hilarants.
Est-il possible de vous inviter à conter dans un établissement scolaire ou une association?
Je ne fais que ça! Transporter ma hotte pleine d'histoires pour petits et grands, et grands enfants que nous sommes tous, pour raconter l'Afrique d'hier et d'aujourd'hui, pour ouvrir l'esprit et faire place à l'imaginaire, rire et repartir heureux!
Propos recueillis
par Liss Kihindou