Fille de feu Joseph Kasa-Vubu, le père de l'indépendance de la RDC, Justine M'Poyo, affiche un parcours remarquable. La fibre patriotique et nationaliste vibre en cette sexagénaire dont l'engagement pour une Afrique vraiment libre n'est plus à démontrer. |
Présidente de la fondation Président Joseph Kasa-Vubu, quel souvenir gardez-vous du père de l'indépendance de la RDC ?
C'était un homme d'une exigence, d'une combativité et d'une rigueur exceptionnelles. Il avait une vision pour son pays et il est allé jusqu'au bout de celle-ci. Il a commencé son combat à un moment où aucun parti politique n'existait au Congo belge. Il avait attendu 1944 pour être élu président national du mouvement culturel ABACO, qu'il transforma plus tard en parti et en 1946, il avait prononcé son premier discours politique intitulé « le droit du premier occupant » qui n'eut pas d'impact politique.
Votre père a été le grand oublié de l'histoire politique de la RDC. Que comptez-vous faire pour réhabiliter sa mémoire ?
Comme le père de la nation congolaise était un homme de cohésion et d'unité nationale, je pense que toute réhabilitation doit aussi passer par le consensus et l'unité. Présidente du parti Mouvement des démocrates, j'essaie de réhabiliter sa mémoire à travers sa fondation. Elle œuvre en faveur des femmes et de la réinsertion des jeunes désœuvrés.
Cinquante ans après son indépendance, la RDC n'a pas vraiment amorcé son développement et le pays est souvent considérée comme "un scandale géologique".
La responsabilité de ce constat nous incombe. Nous n'avons peut-être pas été suffisamment audacieux et courageux pour assumer cette indépendance. Pourtant avec toutes les richesses que le pays possède, on ne devrait plus y parler de pauvreté extrême. Les différents conflits armés ont, entre autres, contribué au recul de son développement.
Les pays africains situés au sud du Sahara sont logés à la même enseigne. Leur développement laisse encore à désirer.
A partir de 1964, les dictatures ont balayé successivement toutes les démocraties sur le continent, et nos pays ont été plongés dans l'obscurantisme. Au-delà de l'accession de nos pays à la souveraineté nationale, l'ancien colonisateur a continué de nous exploiter sur le plan économique. Les dictatures ont justifié le néocolonialisme qui a ouvert la brèche à la mondialisation, une autre menace de recolonisation. Les élites africaines ont trahi la mémoire des pères de l'indépendance. Aujourd'hui la corruption a remplacé la bonne gouvernance.
La question du genre est-elle une préoccupation en RDC ?
La problématique de la présence des femmes dans la sphère décisionnelle reste encore d'actualité. Toutes les décisions prises aux Nations Unies relatives à cette problématique n'ont jamais connu de succès. On ne doit pas faire de la parité une obsession, mais il faut encourager les femmes à s'affirmer, notamment celles du secteur informel qui demeurent le pilier de cette organisation. Très actives, ces femmes œuvrent en marge de l'état moderne. Il faut structurer cette activité pour que les femmes soient de véritables opératrices économiques.
Propos recueillis
par Jocelyn Kotso Nathaniels
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