Sabine Nkolo Atangana travaille dans le monde de la finance. L'écriture est son jardin secret depuis l'enfance, elle est aussi un baume pour son cœur. En 2007, suite à la mort de Serge Etogo Atangana, son frère aîné tant aimé, la jeune femme a pris son stylo. Le résultat ne s'est pas fait attendre : le livre "Etogson le miroir de ma vie" vient d'être édité. Entretien. |
Combien de livres avez-vous écrits ?
J'écris depuis que je suis toute petite. C'est mon premier livre, je l'ai commencé en 2007, à l'époque où mon frère était vivant, Je lui écrivais des mots, des pensées... Pour moi Serge était le pilier de la famille.
Parlez-nous de votre famille...
Mon père était fonctionnaire à la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (RNCFC) privatisée en 1999 pour devenir la Camrail. Maman était secrétaire, mais elle a préféré s'occuper de ses sept enfants: trois garçons et quatre filles. Serge fut le premier et moi la deuxième. Nos parents n'étaient pas riches. En Afrique, aller à l'école coûte cher, mais pour réussir il faut faire des études. En tant qu'aîné Serge nous guidait. Et même quand il était petit garçon, il savait ce qu'il fallait faire.
Vous saviez ce que vous vouliez faire ?
J'ai quitté le Cameroun à 19 ans, après mon bac. C'était mon rêve. Je pensais que ma vie n'était pas là-bas. En grandissant, j'ai pris conscience de la misère et je suis partie. J'étais comme un enfant du village qui voulait vivre en ville. En 2000, j'ai choisi d'aller à Karkov, la première capitale de l'Ukraine, réputée pour ses universités. Durant quatre ans j'ai étudié la gestion d'entreprise. Je parle le russe couramment. Je suis trilingue, un plus pour moi. En stage à Londres, j'en ai profité pour visiter Paris un week-end. J'étais ravie si bien que j'ai choisi de travailler en France, dans les assurances en 2003, puis dans la banque.
Et votre frère, où en était-il ?
Serge a eu son diplôme de médecine et a réussi le concours pour entrer comme médecin à l'Ecole militaire. Le président de la République l'a nommé capitaine et l'a affecté à l'hôpital militaire de Yaoundé en tant que chef du service du Sida: le rêve de Serge depuis son enfance ! En 2007, Serge m'avait annoncé qu'il viendrait en France en mission pour le Sida, car l'hôpital de Yaoundé et celui de Montpellier sont partenaires. A l'aéroport de Roissy, il se disait fatigué mais il est quand même allé à Montpellier. Inquiète, je lui ai téléphoné pour le rejoindre. Il était si mal que ses collègues ont fait des analyses. Et ils ont diagnostiqué un cancer du foie.
Comment avez-vous réagi ?
Pour moi, c'était une erreur. Dans ma famille, mon frère était connu pour son excellente santé. Je me suis trouvée dans un tourbillon d'angoisse, de peur, d'attente de résultats. J'ai demandé qu'on refasse ses analyses, mais il a refusé. Pour obtenir des médicaments, il a fallu appeler le gouvernement camerounais. Serge s'est fait traiter tout de suite : sa mission avant tout ! Je voulais qu'il reste en France, mais il a préféré rentrer au Cameroun. Pour les médecins de l'hôpital militaire de Yaoundé, Serge avait une forte nature car il a tenu plus de trois mois. C'était en juin 2007. Il est mort le 1er novembre, le lendemain de son anniversaire.
Que représente ce livre pour vous ?
Une thérapie. J'ai exprimé ma douleur, mon désespoir, ma colère. Cela m'a aidée à accepter, à être en paix avec mon frère et avec moi-même. C'est aussi un hommage à la nouvelle génération, au nouveau visage du continent. En Afrique, il y a des gens comme mon frère avec d'énormes capacités, alors que d'autres sont terrassés par la fatalité.
Comment votre famille a-t-elle accueilli votre ouvrage ?
Ma mère l'a lu, mais mon père ne l'a pas supporté. Mes parents d'Afrique ont aimé mon hommage à Serge. Son exemple peut aider.
Propos recueillis
par Monique Chabot