Mariama Samba Baldé Française d'origine sénégalo guinéenne, Mariama Samba Baldé a une formation littéraire et cinématographique. Avant de soutenir une thèse de doctorat en littérature française et francophone, sur les représentations du dictateur d'Afrique noire, elle a joué dans plusieurs longs métrages. Son premier livre Boubou hors clichés est une réponse au racisme par la poésie, la photographie autour du boubou et le devoir de transmission par le savoir. Entretien. |
En réponse au racisme ambiant, pourquoi avoir choisi une approche par un recueil de textes et de photographie?
Les ministres Christiane Taubira, en France et Cécile Kyenge, en Italie, font les frais des esprits qui ont une vision raciale des professions et des fonctions. Sur le terrain politique ou sportif, des hommes et des femmes noirs sont de plus en plus sujets à des injures racistes et des moqueries qui les placent en dehors de la race humaine. On assiste à un ancrage du racisme embarquant enfants et adultes, personnalités politiques et hommes du peuple. Bananes et cris de singe sont devenus des moyens pour tenter de disqualifier les Noirs qui ont une ambition jugée audacieuse ou une compétence jugée extravagante. "Boubou hors clichés" présente une série de portraits. Conçu comme un documentaire qui entraîne le lecteur dans des expériences différentes. Il était facile pour moi de prendre ma plume et de répondre par un article injurieux pour montrer ma colère mais ce n'est pas la bonne méthode. Le savoir doit être une arme face à l'injustice. En tant que mère, je veux transmettre les valeurs que sont le savoir en réponse aux propos déshumanisants.
Et pourquoi la symbolique du boubou?
J'avais commencé mon corpus autour du boubou lorsqu'à cette la période du dérapage raciste d'un député français qui, voyant Ségolène Royal en boubou, avait déclaré que cela lui rappelait sa femme de ménage et que cette tenue ne reflétait pas l'image "d'une femme politique d'envergure". Ses propos m'ont permis de me servir du boubou pour créer une distance esthétique. Le boubou n'est pas réductible à un simple vêtement. A travers, ce livre, on découvre le lien que nous avons avec ce vêtement. La place du boubou dans notre culture africaine. Le boubou évoque beaucoup de choses très positives. Le boubou témoigne d'une façon d'être au monde.
La problématique concerne t elle également les femmes politiques africaines?
La question est différente, en Afrique, on a l'habitude de voir les femmes politiques revêtir leurs boubous et au contraire, le boubou confère charisme et beauté. Il faut voir dans mon propos, la transmission qui se fait lorsque nous revêtons notre boubou, le souvenir, l'histoire de l'évolution de la société. Ce livre met le doigt sur l'évolution sociologique de notre société, en tant qu'immigrée en Europe, et comment nous sommes perçues en boubou ou en jeans. Dans ce recueil, on trouve des personnalités publiques et des personnes comme vous et moi qui ont accepté de poser en boubou et en sont très fières.
Vous avez décidé de créer votre maison d'édition Paroles Tissées, "Boubou hors clichés" est le premier recueil, pouvez vous nous en dire plus?
Paroles Tissées Editions est née de la volonté d'avoir un monde avec plus d'écoute et d'entente. Je l'ai baptisé en m'inspirant du symbole dogon de la source de la parole, le métier à tisser. Destinée à la déconstruction des clichés, Paroles Tissées éditions conçoit ses productions comme des questionnements.
Propos recueillis
par Karine Oriot
"Boubou hors clichés". Éditions Paroles Tissées. Plus d'informations sur www.vibramonde.com