La romancière et écrivaine burkinabé Hadiza Sanoussi vient de publier sa cinquième oeuvre littéraire, « Ciel dégagé sur Ouaga », un récit évoquant les pluies torrentielles qui se sont abattues sur la capitale du Burkina Faso le 1er septembre 2009. Ce déluge endommagea sévèrement des dizaines de milliers de maisons et fit près de 150.000 sinistrés. Hadiza Sanoussi est Chef du service informatique documentaire au ministère des enseignements secondaire et supérieur. Elle vient de soutenir un master de recherches en sciences de l'information et de la Communication à l'Institut panafricain d'études et de recherches sur les médias, l'information et la communication (IPERMIC) de Ouagadougou. |
Pourquoi le titre, "Ciel dégagé sur Ouaga"? Quel message voulez-vous faire passer à travers cette œuvre?
Le titre de l'œuvre est ironique si l'on pense à la tragédie que la population de Ouagadougou a vécu ce jour-là. Il fait référence à l'évolution d'un phénomène météorologique qui fit que pendant plusieurs heures avant le déluge, la pluie semblait rester bloquée à l'Est de la ville, donnant un ciel plutôt sans nuages au dessus de Ouaga. Elle s'est ensuite abattue sur la ville avec la violence que l'on sait. Ce qui a motivé cette œuvre, c'est l'idée de faire une photographie de la ville de Ouagadougou, avant et pendant es inondations. Si les quantités d'eau enregistrées ont été exceptionnelles, il faut aussi reconnaître que certaines pratiques des citoyens ont favorisé la catastrophe: caniveaux totalement bouchés par les ordures, installations inadaptées dans certaines zones, constructions rudimentaires. Mais j'ai également voulu faire ressortir l'esprit de solidarité spontanée qui caractérise les Africains, précisément les Burkinabés. J'ai également (et simplement) voulu laisser des traces écrites de ce phénomène exceptionnel pour les générations futures.
Comment êtes-vous arrivée à la littérature?
Le plus simplement du monde: par vocation. J'ai, depuis ma tendre enfance, rêvé d'être écrivain. Les circonstances ne m'ont pas permis de réaliser mon rêve plus tôt parce qu'il a fallu que je commence à travailler avant.
Vous en êtes à votre cinquième œuvre, après "Les deux maris" en 2001, "Devoir de cuissage" en 2005, "Et Yallah s'exila" en 2010" et "Sopam, le duc de Liptougouen" en 2012. Quel bilan faites-vous?
Positif dans l'ensemble vu que j'arrive à assouvir ma passion qu'est l'écriture. C'est vrai que sur le plan financier ce n'est pas évident mais c'est commun à beaucoup d'écrivains africains. Je tire satisfaction du fait que je peux m'exprimer par ce canal. Au début, je n'avais pas conscience du rôle que je pouvais jouer à travers le livre. De plus en plus, j'en tiens compte. J'espère servir utilement ma société.
Qu'est-ce qui vous inspire?
Les évènements de tous les jours. Du train-train quotidien aux problèmes sociopolitiques que traversent le monde en général et mon pays en particulier, les sujets de réflexion ne manquent pas. Par exemple dans "Et Yallah s'exila", je m'interroge sur la place de Dieu dans tous ces mouvements extrémistes qui prétendent le servir. Dans "Devoir de cuissage", je pose le problème de l'évolution de la société: exode rural, prostitution, extension de nos villes. Tous ces thèmes m'interpellent à des niveaux divers.
On dit souvent que les Africains lisent peu! Comment corriger ce déficit et que peut apporter la littérature au continent?
Déjà, avoir une politique qui rende le livre accessible au citoyen ordinaire, notamment en jouant sur les tarifs de douane. Beaucoup veulent lire mais n'ont simplement pas les moyens de se procurer les livres des auteurs, surtout nationaux. Ces livres reviennent relativement chers car produits pour la plupart en Europe. Ne bénéficiant pas toujours du format «Poche», leur prix de vente est tout simplement prohibitif pour le citoyen lambda. Intégrer les livres d'auteurs nationaux dans les programmes d'enseignement peut «obliger» les scolaires à les lire. Peut-être aussi, cultiver l'esprit de vedettariat autour des auteurs. Mais cette solution est à double-tranchant... Selon une assertion bien connue, le savoir est dans le livre. Cela résume ce que la littérature peut apporter au continent africain.
Quels conseils donneriez-vous à des jeunes filles africaines qui rêvent d'écrire?
Jeune fille ou garçon, africain ou asiatique, jeune ou vieux, pour écrire, il faut cultiver l'excellence, se donner le temps de s'instruire. C'est le bon travail qui paie à la longue. Et pour bien écrire, il n'y a pas de secrets, il faut commencer par bien lire.
De votre observatoire d'écrivaine, quel regard portez-vous sur les femmes africaines d'aujourd'hui? Dans quels domaines doivent-elles davantage progresser?
La femme africaine reste encore sous le poids de certaines pesanteurs qui limitent son épanouissement. Elle doit plus s'investir dans son émancipation. Les femmes doivent prendre leur destin en main. Il est illusoire de croire que les discours seuls suffiront à un épanouissement réel de la femme. Au quotidien, les actes que chaque femme pose sont capitaux. Les mères doivent répéter à leurs enfants (garçons comme filles) que le mérite d'un être humain, c'est de se valoriser soi-même en dehors de toute autre considération. Que nous soyons homme ou femme, il est de notre devoir de mériter notre place dans la société. Et lorsque l'on mérite sa place, on se libère implicitement.
D'autres projets sont-ils en cours?
Naturellement. Écrire est désormais une seconde nature. Alors, plusieurs écrits en projet.
Propos recueillis
par Tiego Tiemtoré