Après avoir publié plusieurs recueils de poésie, la poétesse Ozoua Soyinka se lance dans l'aventure romanesque. Elle publie aux éditions Nestor « Une Nuit à l'Opéra » son premier roman, qui montre comment une fille d'origine africaine, de condition très modeste, peut réussir dans un milieu a priori réservé aux familles aisées et surtout de type européen. |
De la poésie au roman, qu'est ce qui vous a fait sauter le pas?
L'envie d'explorer d'autres genres littéraires, l'inspiration étant illimitée. Je me laisse guider, conduire et c'est avec beaucoup de plaisir et de sérénité que je me suis lancée dans le domaine romanesque.
L'héroïne de votre roman, Bintou, dont les parents sont originaires du Mali, gagne à la tombola une place à l'Opéra. La famille s'organise pour y aller tous ensemble et là, Bintou a une révélation: elle sera danseuse étoile, chose impensable au départ mais qui finalement se réalise car, dites vous plusieurs fois dans le roman: « les désirs peuvent devenir réalité si on y croit vraiment ». Pensez-vous que la "pensée positive" peut changer la vie des immigrés en France?
Oui, j'en suis certaine. La pensée positive est un don universel, tout comme l'amour. Elle est donnée à toute femme et à tout homme. Il faut savoir qu'elle existe afin de s'exercer chaque jour à penser positivement. C'est tout un programme! Nous faisons le contraire en ayant des pensées négatives. Elles se réalisent et nous ne sommes pas conscients que c'est le résultat de ce que nous avons lancé. Le père de Bintou était éboueur et son épouse, femme de ménage, des métiers où l'on aime bien voir les Noirs à l'œuvre car on estime que ces tâches ingrates correspondent à l'image qu'on se fait d'eux en France. Mais on voit, en suivant le parcours des parents de Bintou, que ce n'est pas une fatalité puisqu'ils évoluent professionnellement. Abdoulaye reprend ses études de droit et obtient sa licence alors que sa femme suit des cours d'alphabétisation, puis une formation d'infirmière. La réalité est là. Rokia et Abdoulaye ont des enfants et, en parents responsables, ils ont dû accepter des métiers peu attrayants pour subvenir aux besoins du foyer. Il faut aussi payer les factures. Mais quand la situation d'Abdoulaye s'améliore, il décide de reprendre ses études, ce qui lui permet d'améliorer son existence. Il incite aussi sa femme à être responsable en l'invitant à apprendre à lire et à écrire. Et savoir lire et écrire lui donne une ouverture sur le monde. Tout est possible à celui qui veut décoller de sa chaise, à celui qui veut sortir de son quotidien, choisir de braver l'avenir. Oui, en France, on aime bien cloisonner: les métiers ingrats pour les immigrés et notamment les Noirs. Mais on n'est pas non plus attaché, ligoté! Il revient à chacun de prendre sa destinée en main pour changer de situation, même si cela n'est pas facile.
Pourtant ce n'est pas toujours le manque de qualification qui fait que les Noirs en France se tournent vers des métiers comme éboueur, vigile, femme de ménage... Beaucoup de diplômés Noirs en France n'ont pas d'autre choix car ils ne sont pas recrutés dans leur domaine de qualification. Que dites-vous à ce propos?
Chacun a le choix. Nous avons le choix. Dire que l'on n'a pas le choix est un discours défaitiste et incite à ne rien faire. Arrêtons de pleurer sur nous! Prenons notre vie en main et changeons! Beaucoup de personnes ont changé leur vie, car elles ont pris conscience que ce qu'elles vivaient ne leur convenait pas.
Peut-on dire que vous avez voulu tordre le cou aux préjugés dans ce roman?
C'est tout à fait ça. J'ai voulu montrer que l'Art est ouvert à tout le monde, que l'opéra est ouvert à ceux qui en ont la passion et qui veulent vivre de cette passion. Nul ne peut prétendre qu'une activité donnée est réservée à une catégorie d'individus donnée. Il faut que les choses changent et c'est par l'écriture d' « Une nuit à l'opéra » que j'apporte ma pierre à l'édifice.
Un dernier mot?
Vivez votre propre vie, pas celle des autres.
Propos recueillis
par Liss Kihindou