"Ce que femme désire" est le titre de votre nouveau livre. Vous l'avez écrit avec Eliza Varga, et d'emblée vous annoncez la couleur. Pourquoi le choix d'un tel thème ?
Lorsque nous avons décidé d'écrire ensemble, nous avons
souhaité le faire autour d'un thème qui nous interpelle... cette
thématique du désir s'est littéralement imposée
à nous.
Il est vrai que le désir féminin est un thème
récurrent de la littérature et que l'idée en
elle-même n'avait rien d'originale, mais nous avions pensé pouvoir
construire un livre à la fois féminin et ludique, et surtout sans
parti-pris. C'est la raison pour laquelle nous sommes allées à
la rencontre de femmes mais aussi d'hommes qui ont gentiment accepté de
nous dévoiler leur jardin secret.
Khadi Sy Bizet, vous menez une double vie : médecin le jour, écrivain la nuit, pourquoi ce besoin effréné d'écrire ?
(Rires)... Oui il est bien vrai que je mène une double vie professionnelle, et j'adore ça! La médecine esthétique m'apporte beaucoup de bonheur, mais après vingt ans de pratique, j'ai besoin d'une autre nourriture intellectuelle, et c'est dans l'écriture que j'ai trouvé ce nouveau point d'équilibre... la seule difficulté pour moi, c'est d'arriver à concilier les deux.
Comment vous êtes-vous rencontrées ? Qu'est ce qui vous a décidé à écrire ensemble ? Qui en a eu l'initiative? Combien de temps avez-vous mis pour mûrir l'idée ? Et enfin, quelle méthode de travail avez-vous utilisée ?
Notre rencontre n'est pas le fruit du hasard (rires). Nous avions vraiment le
sentiment que nous ne pouvions pas passer l'une à côté de
l'autre... que nous avions quelque chose à vivre ensemble. Cela dit,
nous nous sommes rencontrées à un congrès de
médecine esthétique. De cette rencontre est née une
amitié, de cette amitié est née ce livre.
L'idée de cet ouvrage nous est venue tellement naturellement qu'il est
difficile aujourd'hui de dire qui de nous deux en a eu l'initiative.
Nous partageons la même passion pour l'écriture, nous avons donc
eu envie de mêler nos plumes...
Cet ouvrage est un essai et comme tous les essais, il nous a fallu
réunir une montagne de documents sur le thème du désir,
les ingurgiter, puis les digérer. Cela nous a pris quelques mois.
Ensuite nous sommes allées à la rencontre des femmes, les avons
mises en confiance pour qu'elles nous ouvrent les portes de leur intimité.
La conception de ce livre nous a pris une bonne année!
Nous avons travaillé de façon très originale: nous lisions
chacune dans notre coin les documents qui nous semblaient utiles au
rédactionnel, les résumions sur des petites fiches... puis on se
retrouvait tout un après midi, pour mettre en texte notre travail...
nous avons construit ce livre ensemble, mixé nos écritures... Il
nous a fallu beaucoup de synergie, et aussi d'humilité... ça ne
nous a posé aucun problème!
Vous êtes médecin. Vos connaissances médicales vous ont-elles aidée à toucher du doigt la problématique du désir féminin ?
Plus que mes connaissances médicales, c'est surtout mon mode d'exercice qui m'a été d'une grande utilité. J'ai la chance d'avoir une activité où je reçois des femmes (et des hommes) qui me confient leur beauté, mais pas que cela... Elles n'hésitent pas à me livrer une part d'elles-mêmes en toute confiance. J'ai beaucoup de respect pour mes patientes car à leur contact j'ai moi aussi appris à cerner mes propres problèmes, elles m'ont permis de réfléchir sur le sens de la vie. Nous nous sommes servies de certains témoignages de ces patientes amies, et je voudrais justement en profiter pour leur rendre hommage.
Le désir féminin est la charpente du livre, pour en parler vous n'avez pas hésité à vous dévoiler... n'est-ce pas courageux de votre part ? N'avez-vous pas eu peur de paraître impudique ?
Parler de soi n'est jamais une chose simple, surtout lorsqu'il s'agit de son
intimité. Nous avons tous nos jardins secrets, ces choses qui nous sont
très personnelles et que nous ne souhaitons pas éventer.
Mais notre ouvrage est en réalité une tribune libre, où
nous avons donné la parole à tous ceux et celles qui ont
souhaité s'exprimer... en leur promettant de mêler nos histoires
aux leurs.
Il faut aussi ajouter ceci, il y a toujours une part de l'auteur dans un
ouvrage. Disons que nous avons pris le parti d'annoncer la couleur !
Les pratiques libertines comme l'échangisme sont à la mode et vous ne les abordez pas vraiment, tout juste si vous les évoquez, pourquoi ? Ces pratiques peuvent-elles faire évoluer un couple ? Les femmes s'adonnent-elles plus à ces pratiques, que les hommes ? Le libertinage est un trait de caractère masculin, a-t-il tendance à toucher également les femmes ?
Ces questions sont difficiles pour nous, car justement notre ouvrage n'est pas un catalogue de recettes sur les pratiques sexuelles féminines, mais plus un sujet de réflexion sur la thématique du désir féminin en général. Nous n'avions pas la prétention d'apporter à nos lectrices des solutions toutes faites, mais plutôt de leur raconter le désir féminin, son histoire, ses rebondissements... Pour nous le désir est une aventure individuelle, il porte les empreintes de notre patrimoine familial et culturel, aussi à chacune ses désirs !
En quoi les tabous sexuels nous protègent-ils ?
Freud nous apprend que : "La frustration sexuelle, née de la nécessité de limiter la sexualité, est à l'origine du langage, de l'intelligence, de la magie, de l'art et de la structuration de la société "... Pour reprendre ce concept freudien, on peut supposer que les "tabous" sexuels notamment religieux ont été instaurés dans un souci de légiférer l'instinct primaire... ajoutons au détriment de la femme !
Comment les femmes vivent-elles le désir au moment de la ménopause ?
C'est un moment que nous redoutons toutes... disons que cela doit-être plus facile lorsque l'on se sent aimé... l'autre est vital, viscéral même à ce moment là, pour que cette étape se passe bien. Mais ce qui est frappant de nos jours, c'est d'entendre des femmes de plus de cinquante ans dire qu'elles sont plus épanouies dans leur vie en général et leur sexualité en particulier... Question non seulement de progrès scientifique, mais d'époque aussi !
Qu'est-ce que la frigidité ? Comment peut-on la dépasser ?
C'est une question qu'il vaudrait mieux poser à des spécialistes de la sexologie (rires). Cela dit, dans notre ouvrage nous n'avons pas voulu taire ce que nous avons appelé "le désir en berne"... Nous n'avons pas voulu que toutes celles que la vie a brisé se sentent laissées pour compte. Mais il s'agit d'une telle souffrance, que nous avons préféré laisser les témoignages s'exprimer à notre place. La seule chose que nous pouvons dire, c'est qu'il ne faut surtout pas se laisser enfermer dans sa blessure, et rester à l'affut d'une main tendue. On peut guérir de ses blessures, qu'elles soient physiques ou psychologiques...
L'orgasme est-il l'objectif absolu du rapport sexuel ?
On espère du moins toujours l'atteindre mais cela dépend tellement de la relation, le contexte, le partenaire aussi. Disons que nous les femmes, nous ne vivons pas dans l'objectif de la performance. La tendresse nous importe tout autant...
L'amour contribue-t-il à rendre plus amoureux ?
Nous ne savons pas s'il contribue réellement, mais il nous semble que lorsque l'on est amoureux, on a envie de se donner plus souvent et surtout d'offrir le plus joli de soi.
Peut-on parler de désir sans amour ?
Voilà une question difficile tellement c'est selon... Pour notre part, notre désir sexuel de l'autre est en réalité le prolongement de nos ressentis, nos émotions, nous avons besoin d'aimer et de nous sentir aimées pour nous offrir. Mais, tout le monde ne partagera pas cette opinion.
Propos recueillis
par Assiatou Bah Diallo