Lutter contre le gaspillage dans la vie quotidienne et réduire la pollution qu'il provoque, tel est le propos de la Camerounaise Félicité Tcheuméni dans son livre « Recyclez tous vos déchets et économisez ». Après des études en comptabilité et gestion des entreprises la jeune femme est confrontée au chômage et elle enchaîne les petits boulots. Rien d'insurmontable pour cette trentenaire qui, née dans une famille modeste et nombreuse, cultive la débrouillardise depuis sa plus tendre enfance. Dans ce livre pratique, paru aux éditions Edilivre et Mon petit éditeur en 2013, l'auteur explique comment redonner une nouvelle vie aux vêtements et aux objets, comment accommoder les restes de nourriture... Pour Félicité Tcheuméni, économiser est à la portée de chacun d'entre nous. Alors si vous êtes dépensier, ascendant panier percé, ce livre est pour vous. |
Pourquoi avoir écrit un livre sur le recyclage des vêtements et des déchets? Est-ce vraiment cette fuite d'eau dans votre salle de bains qui vous a fait prendre conscience de la rapidité et de la facilité du gaspillage?
Je vivais déjà seule à cette époque-là, et quand on vit seule, on commence à voir les choses autrement: on a plus de charges, on doit payer les factures, on se rappelle alors des conseils des parents qu'on a quelques fois négligés. Cette anecdote fait partie des nombreuses difficultés que j'ai rencontrées dans ma vie et qui m'ont amenée à écrire. J'ai choisi ce sujet car beaucoup de personnes sont des « paniers percés » au quotidien, et très souvent sans s'en rendre compte.
À qui s'adresse votre livre?
A tout le monde car tout le monde a connu un jour ou l'autre des difficultés financières, surtout dans les pays en développement comme le Cameroun. Toutefois, il existe toujours un moyen pour y remédier. Mon ouvrage est un livre pratique, savoir faire quoi. Ce livre a pour but de retrouver et de développer les gestes oubliés de nos grands-mères chez les jeunes; d'apprendre à limiter le gaspillage. Les autres sources qui m'ont permis d'écrire ce livre sont la Bible et certains numéros du magazine Top Santé.
Il semble que votre mère ait été un exemple en matière de recyclage...
Elle nous a élevés seule. Elle s'est battue pour qu'on aille à l'école. Elle a mis dix enfants au monde dont je suis la neuvième (sans compter les neveux et les cousines venant habiter à la maison). Maman se battait comme elle pouvait pour nous nourrir en faisant du commerce et elle n'avait pas assez d'argent pour nous offrir le grand luxe (habillement chic, loisirs...). Nous n'avions droit qu'au nécessaire (nourriture et instruction de l'école), ce qui fait que pour faire durer un vêtement ou ne pas être dépourvu de vêtements, nous devions les réparer nous-mêmes. Je portais constamment des vêtements raccommodés par mes soins. Ma mère a été un exemple du recyclage. C'est chez elle que j'ai vu comment recycler les boîtes de conserve, les vieux habits et les sacs en plastique. Elle ne cessait de nous dire: ne gaspillez pas votre argent de poche, terminez toujours vos plats et ne jetez pas les restes.
Parler de recyclage des déchets c'est aussi parler de pollution et d'écologie. Quel est l'état des lieux au Cameroun et en Afrique de façon plus générale?
L'effet de serre est très actuel en Afrique. Et depuis environ sept à neuf ans, nous vivons des changements climatiques. C'est déplorable et cela joue sur la productivité des agriculteurs. J'en ai déjà été victime en cultivant du soja qui n'a rien produit car j'attendais les pluies à ce moment-là. Elles sont arrivées quelques semaines plus tard, ce qui a fait mourir tous mes plants. Actuellement au Cameroun, l'état fait pression pour éliminer les emballages en plastique. II favorise le plastique biodégradable dans les marchés, car si rien n'est fait nous serons bientôt débordés par trop de déchets, 90 % d'entre eux étant en plastique. Il est difficile de marcher dans la rue sans voir des déchets traîner par terre. Ceci dit, leur seul point positif est de procurer de l'argent aux petits ramasseurs et revendeurs de bouteilles en plastique et en verre. Beaucoup de vendeurs d'huile rouge, de pétrole ou d'arachides caramélisées se servent de bouteilles recyclées.
Dans le livre, vous mentionnez le peu d'intérêt de vos compatriotes pour les méthodes alternatives de production d'énergie. A quoi cela est-il dû selon vous?
Dans les médias, on parle beaucoup d'énergie solaire qui est encore très chère parce qu'elle vient d'ailleurs et que nous n'en produisons pas sur place. Un continent ensoleillé comme l'Afrique pourrait faire beaucoup pour l'écologie. Dans l'enseignement supérieur, certaines filières spécialisées en énergie ont été créées ici au Cameroun, mais les étudiants ne s'y sont pas trop intéressés. Peut-être à cause du coût élevé de ces formations. Mais il y a aussi des petites formations de trois jours à Yaoundé, pour la production de l'énergie à partir du gaz venant des WC. Elles sont, je crois, accessibles à tous. J'entendais certaines personnes dire que c'est avec de la sorcellerie que l'on crée ce genre de chose dans notre pays.
En plus d'écrire, vous êtes aussi gestionnaire d'un chantier de construction pour un particulier. En quoi consiste votre travail?
Je gère les stocks du magasin du chantier en question. Et je suis caissière pour les imprévus et les petits besoins du genre achat de petit matériel ou de matériaux, main d'œuvre directe. Le chantier m'a appris qu'on peut réutiliser les décombres de démolitions pour fabriquer des choses très intéressantes, récupérer la terre des déblais pour fabriquer des blocs de terre, réutiliser les restes comme les papiers de ciment et se faire un peu d'argent... Ces derniers sont prisés par les vendeurs de viande et les boutiquiers qui les utilisent. En plus, ces papiers sont biodégradables.
S'il fallait choisir trois conseils ou astuces du livre...
Apprendre un ou plusieurs métiers manuels, faire soi-même des petites réparations domestiques et apprendre aux jeunes et à nos enfants à en faire de même.
Vous parlez aussi de recyclage en cuisine, autrement dit l'art d'accommoder les restes... c'est cela qui vous a donné envie d'écrire un livre de cuisine?
L'inspiration de « La cuisine de chez nous Cuisine traditionnelle du Cameroun » (paru chez Edilivre en 2014, ndlr), je la puise à 90 % dans mon vécu quotidien, mon expérience. C'est intéressant de savoir que la tige des légumes augmente la sauce non? Ou que l'on peut extraire de l'huile vierge d'une pâte d'arachides pour cuire une omelette? Ou que les premières feuilles très vertes du chou blanc, que nous jetons souvent, sont bourrées de vitamines et riches en sels minéraux. Dans toutes les familles nombreuses, la question du gaspillage vient toujours sur la table.
Le mot de la fin?
Mettez tout simplement ce livre en pratique. Il vous grandira et vous rendra fière de l'avoir fait.
Propos recueillis
par Kadidiatou Bah
Félicité Tcheuméni. "Recyclez tous vos déchets et économisez", Édition Edilivre et Mon petit éditeur, 2013, 140 pages. En vente sur Amazon et disponible en version numérique.