Aïssatou Sylviane Thiam est comédienne, a été mannequin et vient de publier aux Editions Pascal Galodé, un livre intitulé "Un grand éclat de rire" dans lequel elle retrace les péripéties de sa vie. Au cours de son passage à Abidjan, elle a bien voulu s'entretenir avec nous. |
Après avoir fini de lire votre ouvrage, je me suis dit que vous êtes un véritable écrivain en raison de votre style. Envisagez-vous une carrière dans la littérature ?
Je ne sais pas si ça débouchera sur une carrière littéraire mais je peux dire que j'adore ça et que j'ai commencé toujours en collaboration avec Marc Tardieu mon deuxième livre qui fera partie d'une collection jeunesse et s'intitulera "Les aventures de Khady & Thomas."
"Un grand éclat de rire" est un ouvrage autobiographique. Pourquoi l'avoir écrit à mi-parcours de votre carrière ? Vous auriez-pu attendre encore quelques années, non ?
Au départ, l'idée vient de Marc Tardieu qui voulait écrire un livre avec trois portraits de femmes. Il s'est avéré qu'après notre premier entretien, il a trouvé mon parcours assez riche pour en faire un seul. Au fur et à mesure je me suis prise au "jeu" et me suis découverte des aptitudes à l'écriture. De plus, malgré mon jeune âge, j'ai déjà vécu plusieurs vies, et il me semblait important de léguer ce témoignage afin de donner un peu d'espoir aux jeunes et à ceux qui ne croient plus en leurs rêves...
Quelles conséquences a eu sur votre vie le fait d'avoir du sang sénégalais, antillais, juif et espagnol ?
On se sent au début "partout d'ailleurs" puis, à force de travail personnel, on s'approprie ses racines comme une richesse et cela devient une force. Je me sens du même coup très concernée par le monde, et peut-être que cela me donne une vision mondialiste plus élargie, plus moderne et une certaine curiosité.
A vous lire, on découvre une femme qui en veut toujours à son père, ancien ministre et ambassadeur de la Côte d'ivoire, de vous avoir abandonnée. Quelles sont vos relations à ce jour ?
Je n'ai jamais dit dans mon livre "en vouloir à mon père" et je l'ai à peine mentionné. Je ne voulais pas que ce livre soit perçu comme un règlement de comptes, il s'agissait de ma "vie" et en aucun cas de juger le choix de mes parents. Mes relations avec mon père sont quasi nulles !
La figure qui domine dans votre livre, c'est incontestablement votre mère, tôt disparue. Jusqu'à aujourd'hui, en Côte d'Ivoire, on parle de sa beauté. Vous l'avez bien connue ? Si oui, quelles leçons tirez-vous de la vie si particulière de celle qu'on appelait "la belle antillaise" ?
Tout d'abord je suis très heureuse que mes lecteurs retiennent la présence extraordinaire de cette femme dans ma vie. Ma mère avait cela de particulier: elle passait beaucoup de temps avec nous et c'est grâce à cela que j'ai pu la connaître même si elle a disparu très vite. Elle m'a légué sa joie de vivre, son goût des belles choses, son nomadisme et j'ai appris qu'elle aussi se passionnait pour le théâtre et la scène, donc...
J'ai découvert, à ma grande surprise, que vous avez joué dans de nombreux films avec des acteurs célèbres. En jetant un regard sur votre caméra, diriez-vous que c'est la chance ou le talent ?
Le talent sans le travail ne sert à rien et il est clair que dans ce métier la chance joue un grand rôle. Mais deux autres qualités me semblent indispensables : la pugnacité et l'obstination.
Quels sont les principaux facteurs pour être une bonne comédienne ?
Le travail, la générosité, la constance, la curiosité et l'observation constante du "genre humain."
Le commun des mortels pense que vous êtes à l'aise mais vous faites mention dans votre livre de difficultés financières. A quoi cela est-il dû ?
A la précarité de ces métiers. On peut avoir des carences d'emploi allant jusqu'à deux ans - et je l'ai vécu - Ces périodes sont terribles et arrivent à tout le monde. Il ne faut donc pas cracher sur les petits boulots et croire vraiment très fort en soi, car dans la disette on est tout seul.
Le livre c'est aussi votre brillant parcours dans le mannequinat, Est-ce toujours difficile pour la femme noire de percer dans ce métier ? D'après vos années d'expérience, à quelles conditions les mannequins noirs domineront le secteur ?
Le marché semble s'ouvrir au niveau de la "pub". A mon époque nous ne faisions que des défilés, donc c'est une amélioration palpable. Le problème est le refus de certains de nous voir comme une force consommatrice. Ceux qui l'ont compris -je pense à la téléphonie, les cosmétiques et l'électronique - utilisent de plus en plus de mannequins noirs. Vous savez, dans le monde dans lequel nous vivons, tout est économique.
Revenons au cinéma. "Tropiques amers" n'a-t-il pas bouleversé votre vie, si l'on s'en tient à l'impact médiatique de ce feuilleton ?
Il y a certainement eu un avant et un après "Tropiques amers", autant dans ma vie professionnelle que dans ma vie personnelle. Le personnage de Rosalie m'a profondément touchée dans ma chair et dans mon âme, m'entraînant dans la compréhension de la condition noire dans le monde et de la cupidité humaine. Et puis vu la richesse de ce personnage c'était un cadeau pour une comédienne je crois avoir prouvé à ceux qui en doutaient encore, l'étendue de mes talents d'interprète !
Comment expliquez-vous votre absence dans les films des réalisateurs africains que vous auriez pu aider par votre talent et votre image ?
C'est le gros point d'interrogation de ma carrière. Peut-être me croient-ils trop chère (rires). Je suis allée à Ouagadougou l'année dernière dans l'espoir de trouver une réponse, mais je suis rentrée bredouille. Il est possible qu'ils ne sachent pas vraiment quel emploi me donner. Je pense même sans prétention être un peu trop moderne et en avance sur eux ou sur le cinéma qu'ils proposent...
Vous êtes une parfaite sportive. Citez-nous les sports que vous pratiquez et pourquoi cette boulimie pour la pratique sportive ? Quels sports recommandez-vous aux femmes pour leur maintien physique et leur beauté ?
Le sport est, dans ma vie, comme une respiration. Je ne conçois pas ma vie sans lui. J'ai toujours eu un côté "casse-cou" et suis toujours prête pour les expériences nouvelles. Le ski alpin et nautique, l'équitation, la descente en rappel, l'escalade, le canyoning, le rafting, la voile, la boxe thaïe, la plongée sous-marine, la danse font partie de ma vie. Aujourd'hui, je vais trois fois par semaine dans ma salle de sport où je fais aussi du renforcement musculaire (musculation) et prends divers cours de gym. J'ai beaucoup d'énergie et ça me permet de canaliser le volcan et d'évacuer le stress parisien. Je conseille fortement à toutes les femmes de pratiquer une activité physique et même aux hommes d'ailleurs. Le corps est le reflet de l'âme.
"Ma vie d'adulte m'avait fait rencontrer l'homme en être lâche plus que viril, surtout avide de protection, redoutant l'intensité". Des phrases assez injustes pour les hommes même si vous écrivez aussi "qu'il est des hommes qui ne quittent pas leur femme dans l'épreuve, qui n'aiment pas que la beauté passagère en elles mais les couvrent d'un amour plus complet, plus humain". Comment doit être la femme devant l'homme ?
Ce n'est malheureusement pas à moi qu'il faut demander cela. Je n'ai toujours pas rencontré l'homme de ma vie, tout cela reste encore un grand mystère pour moi. Je suis très maladroite sur le sujet, et donc mal placée pour en parler !
Aïssatou, peut-être une femme mure pour le mariage, la vie de foyer, mère de famille ?
Oui, c'était mon souhait le plus cher, mais apparemment la vie avait d'autres plans pour moi !
Pour terminer, dans quel domaine vous retrouvera-t-on prochainement. Un autre film ? Une croisière autour du monde ? Le hasard ne joue-t-il pas trop dans votre vie ?
Je ne crois pas au hasard, je pense que les gens font des prières et ne laissent pas la place dans leur vie pour qu'elles se réalisent. Moi je laisse toujours un vide et la vie se charge de le remplir. Elle ne m'a jamais déçue. Prochainement, je serai sur le grand écran dans un film réalise par Roger Delattre et produit par Luc Basson, "Le Missionnaire", avec en vedette masculine Jean-Marie Bigard. Je vais participer en octobre au festival littéraire de l'Haÿ-les-Roses, première édition, avec des écrivains plus prestigieux les uns que les autres et des conférences à la clé. Puis je terminerai mon deuxième livre. Pour le reste je laisse un peu d'espace pour que la vie puisse me surprendre encore.
Propos recueillis
par Isaïe Biton Koulibaly
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