Née le 22 août 1978 à Brazzaville d'un père officier supérieur de l'armée et d'une mère comptable, Alix Trinida YOKA est la quatrième d'une famille de cinq enfants. Elle a vécu cinq ans à Casablanca (Maroc) où elle a obtenu un Bac français ES a ISCAE. Rentrée au Congo, elle travaille un an à la banque COFIPA avant de rejoindre l'OMS. Mariée et mère de deux garçons elle vit à Yaoundé. Elle se consacre entièrement à l'écriture, sa véritable passion, et a écrit son premier roman "Serment de pierre". Interview. |
Notre dernière rencontre remonte à l'année 2005. Qu'avez-vous fait depuis ?
J'ai travaillé pour l'Organisation mondiale de la santé, au bureau régional pour l'Afrique jusqu'en juin 2006, date à laquelle j'ai décidé de rejoindre mon époux à Yaoundé, où il travaille. Cela m'a permis de me consacrer entièrement à l'écriture et à ma famille.
Comment est né "Serment de pierre" ?
J'ai lu dès mon plus jeune âge. J'ai commencé par les
bandes dessinées ... Mon père lisait énormément (il
le fait toujours d'ailleurs) et, à l'époque, dans les
années 90, il m'emmenait tous les samedis à la "Librairie Raoul"
à Brazzaville. Il s'achetait son "Canard enchaîné" et un
roman, et il me demandait de choisir ce que je voulais. Pour moi c'était le
bonheur absolu.
A l'adolescence, je me suis intéressée aux romans à l'eau
de rose et plus tard à des auteurs comme Stephen King, Agatha Christie,
Amadou Hampatê Bâ, Henri Lopes ... Je caressais le rêve de
devenir écrivain. Puis en 2005, j'ai écrit une première
nouvelle intitulée "Serment de pierre", que j'ai fait lire à une
amie. Elle l'a beaucoup appréciée et m'a encouragée
à en faire un roman. Depuis, j'écris.
Quelle est votre principale source d'inspiration ?
Ma vision du monde, les divers voyages effectués, les lieux visités ... mais surtout, du fait que j'ai plusieurs sujets qui me trottent dans la tête, j'essaie de les matérialiser en en faisant des thèmes d'écriture. L'acte d'écrire est vital pour moi, il me permet d'exprimer mes pensées et de traduire mes émotions à travers mes personnages.
Le serment est une affirmation solennelle de quelqu'un en vue d'attester la vérité d'un fait, la sincérité d'une parole ... le votre est de pierre. Qu'avez-vous voulu exprimer avec "Serment de pierre" ?
A travers ce titre, j'ai voulu traduire la complexité de l'engagement que l'héroïne devra assumer pour le restant de ses jours. En effet, la jeune femme va rencontrer l'amour sur son chemin, mais cet amour, en plus de la stabilité financière qu'il lui apporte, va lui léguer en d'héritage un serment dur comme la pierre et très difficile à honorer. Je ne veux pas en dire plus, l'idéal serait que les lectrices lisent le livre et se forgent leur propre opinion.
Parlez-nous de Samira Bâli. Comment est né ce personnage ?
Le personnage de Samira Bâli est né de mon imagination nourrie par la dure réalité de la vie de certaines femmes de chez nous qui, malgré leurs potentiels, sont prises au piège de la précarité du fait de leurs modestes origines sociales. A travers ce personnage, j'ai voulu représenter ces Africaines dont la vie est ponctuée de diverses tribulations et qui essaient tant bien que mal de s'en sortir.
Pour quel lectorat écrivez-vous ? Des Africains ? Des Européens ?
J'écris d'abord pour les hommes avec un grand "H", sans distinction de race, de nationalité ou d'appartenance religieuse. C'est un langage universel qui me permet de sensibiliser le lecteur (quel qu'il soit) sur la complexité des relations entre des personnes issues de classes sociales différentes. Mais je voudrais également que ce même lecteur en tire une leçon de courage et surtout d'espoir en l'avenir quoi qu'il arrive! L'idée est de vivre sa vie sans subir son destin, il s'agit d'être positif et actif plutôt que pessimiste et passif.
Votre ouvrage s'achève sur une note pessimiste. Est-ce un choix personnel ou une démarche littéraire?
J'ai voulu avant tout écrire une histoire réaliste. En l'occurrence, mon héroïne passe de la pauvreté au confort matériel mais devra désormais composer avec la solitude : apprendre à élever seule ses deux enfants. Vu sous cet angle, je dirai que c'est un choix personnel. Mais vu d'un autre angle, il pourrait s'agir d'une démarche littéraire car j'ai voulu me démarquer de tous les autres romans qui finissent par "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". J'ai voulu me rapprocher de la réalité. Et dans la réalité, le bonheur est rarement parfait.
Avez-vous d'autres projets littéraires en cours ?
A court terme, je suis en train de finaliser un recueil de nouvelles que j'ai commencé l'an dernier. A moyen terme, j'écris mon deuxième roman qui s'intitule "Sel de mes larmes". J'ai d'autres projets en cours, notamment des histoires pour enfants, mais je n'en dirai pas plus pour le moment.
Si votre éditeur vous avait demandé de changer le titre de votre livre, quel autre titre auriez-vous choisi ?
Franchement, je n'avais pas d'autre titre en tête. Mais si j'avais dû en changer, il se serait rapporté au thème du destin qui est sans conteste de chemin directeur de l'ouvrage.
Quand vous n'écrivez pas, que faites-vous ?
La lecture m'occupe. Je lis un roman par semaine, je suis abonnée au Centre Culturel Français de Yaoundé. Mes auteurs préférés sont africains, européens, anglais et américains (traduits en français). Je suis des cours par correspondance via Internet, j'apprécie également les voyages et la décoration d'intérieur ... Bref, j'ai un emploi du temps bien rempli et je ne m'en plains pas car tout cela est tellement enrichissant !
Pouvez-vous vous décrire en trois mots ?
Je dirais exigeante vis-à-vis de moi-même, déterminée, il est difficile de me faire changer d'avis; et curieuse, j'ai une envie insatiable de connaissances et de découvertes.
Parlons un peu du Cameroun, est-ce un pays facile à vivre ?
Le Cameroun est un grand et beau pays. Les Camerounais sont accueillants et il y fait bon vivre à mon humble avis ; mais tout dépend de la capacité d'adaptation de chacun de nous. De mon point de vue, je ne me suis pas sentie dépaysée car on trouve presque tout à Yaoundé. Au niveau de la gastronomie, on retrouve les mêmes denrées alimentaires et souvent les mêmes recettes culinaires qu'au Congo Brazzaville. Je me suis donc vite adaptée.
Si vous retournez au Congo, quelles seront vos appréciations sur le Cameroun après votre séjour ?
Mes principales appréciations sur ce pays sont l'abondance de la production agricole. En effet, le Cameroun est un pays qui a atteint l'auto-suffisance alimentaire et qui exporte aussi une partie de sa production aux pays voisins. C'est une très bonne chose ! Ajouté à cela l'existence d'un vaste réseau routier qui m'a permis de visiter l'arrière-pays mais également les stations balnéaires réputées que sont Kribi et Limbé, où j'ai passé des moments agréables en famille.
Auriez-vous un message à faire passer aux femmes en général et aux Africaines en particulier ?
Je voudrais dire à toutes ces femmes qu'elles devraient apprendre à se faire plaisir et à s'épanouir d'abord par elles-mêmes. C'est primordial ! Le bonheur ne leur sera jamais offert sur un plateau d'argent par quelqu'un d'autre, que ce soit l'époux ou le compagnon... le véritable bonheur, on se le procure. Il ne tient donc qu'aux femmes elles-mêmes d'être heureuses.
Propos recueillis
par Nicole Mballa-Mikolo