Née d'une mère française et d'un père burkinabé, Catherine Zoungrana est une femme active. Mère de famille, elle exerce le métier de responsable de communication. A côté de ça, elle a mené à terme l'un de ses plus grands projets, le roman de sa vie...Elle est loin de cette petite fille dont elle parle dans son livre, celle qui a été abandonnée par sa mère à la naissance, puis confiée à une famille d'accueil - dont elle sera séparée entre cinq et dix ans à la demande de son père qui est au Burkina Faso. A l'occasion de la publication "Nassara la fille au teint clair" nous avons rencontré une femme épanouie, ayant beaucoup de choses à partager avec les gens qui l'entourent. |
Parlez-nous de votre livre...
"Nassara" était mon surnom, littéralement il signifie "la fille délavée". Il s'agit donc d'une autobiographie mais j'ai changé les noms. Je raconte ma petite enfance entre le Burkina Faso et la France, mes joies et mes peines. C'est un témoignage sur ce que j'ai ressenti, partagée entre deux cultures. Je relate mon expérience propre, mais je pense aussi pouvoir toucher d'autres personnes qui ont la même histoire. Mon livre est un cri du cœur en reconnaissance à mes parents adoptifs, mon père surtout qui ne l'a pas lu car il est mort avant.
Pourquoi écrire une biographie plutôt qu'un roman? Est-ce à des fins thérapeutiques ?
Effectivement, j'avais besoin d'écrire mon histoire, ce fut une
vraie thérapie. J'ai voulu laisser une trace à mes enfants. J'ai
souffert en l'écrivant parce que je me suis complètement
plongée dans mon enfance en revivant les bons mais aussi les mauvais
moments. Une partie traite aussi de l'adoption, et il faut dire que cela tombe
à pic, car si la loi sur l'immigration dont on parle actuellement avait
alors existé, je ne serais pas là aujourd'hui.
J'ai mis quinze ans à écrire cet ouvrage. Le décès
de mon père adoptif, à qui je dédie d'ailleurs ce livre,
m'a motivée. C'est à ce moment-là que j'ai
décidé de l'envoyer aux maisons d'édition. C'est difficile
d'exprimer les blocages de l'enfance qu'il nous faut tôt ou tard
exorciser. L'enfant a parfois du mal à comprendre certaines choses comme
le thème de l'abandon que j'aborde (ndlr: Catherine Zoungrana fut abandonnée par
sa mère à la naissance); le recul permet de voir les choses sous
un angle différent.
Ce fut facile de trouver une maison d'édition ?
Je n'ai envoyé mon livre qu'à six ou sept maisons d'édition, j'ai eu deux ou trois réponses négatives et deux réponses positives...
Que gardez-vous de votre enfance au Burkina Faso ?
La vie en brousse, avec ma grand-mère quand elle m'emmenait au champ ou au marché ... Mon éducation s'est faite à la fois là-bas et ici. Je garde un excellent souvenir de la vie au village avec mes grands-parents, qui contrastait avec la vie malheureuse que j'avais chez mon père, où ma belle-mère m'avait prise en grippe. Mon père était quelqu'un de positif, avec une intelligence subtile. Il s'est rendu compte de mon désarroi et a accepté de me laisser revenir en France.
Quel lien gardez-vous avec le Burkina Faso ?
J'ai une grande affection pour mon pays, où je compte amener mes enfants. Je ne pourrais malheureusement pas retourner y vivre, mais je compte bien y faire fréquemment des voyages. Je m'efforce de promouvoir l'artisanat du pays qui est très riche, et les enfants du pays me préoccupent, d'où mon implication dans l'"Association d'Eragny", la ville où je vis, et qui est jumelée avec Nioko au Burkina.
Y a-t-il une évolution dans la perception des métisses ?
Le métissage ne veut plus rien dire et les jeunes sont mal dans leur peau. Comment peuvent-ils vivre sans connaître d'où ils viennent ? Ceux qui comme moi ont pu vivre dans les deux pays, expérimenter leurs deux cultures, peuvent s'affirmer, dire qu'ils sont bel et bien des deux en toute connaissance de cause. C'est une question d'instruction. Les mères doivent sensibiliser leurs enfants sur le fait qu'ils ont une vraie richesse culturelle, mais qu'ils doivent néanmoins s'adapter.
Ce livre est-il le premier d'une longue lignée ?
Oui, il y aura d'autres romans. J'ai envie d'écrire sur l'éducation. Trop de filles sont encore élevées au gré du vent, avec l'espoir de trouver un bon mari, sans véritable encadrement. L'éducation permet de s'intégrer partout, de ne pas être dans un moule, d'avoir un semblant de bagage. C'est ça la richesse culturelle pour moi. Si un enfant sait qu'il peut s'en sortir, en France ou ailleurs, de faire des choix, c'est la définition de la réussite.
Propos recueillis
par Nsimba Kanza L.
Contact: www.catherine-zoungrana.fr - www.sylviatostain.fr