Compte-rendu publié par Boukary Daou dans Le Républicain 240 du 16 avril 1997.
Dans cette pièce, sa toute première dans le théâtre, Aïcha Fofana incite le lecteur à la réflexion. Une scène en trois actes dans lesquels elle peint une situation hautement symbolique, fortement politique et peut- être connue ou vécue par ce peuple. Mise en scène Victoria Diawara.
La pièce s'ouvre sur un communiqué radio- diffusé annonçant la nécessité de grands changements pour un autre type de société. Cette nécessité est apportée par le vent qui vient de souffler, précise le communiqué. Ces changements font allusion à tout un projet de société pour un peuple car portant sur ce que nous vivons, ce que nous voulons et comment nous y prendre. La voie toute trouvée est celle de l'assainissement du pays pour lequel une société dénommée Kokadjè est créée par arrêté ministériel. Le slogan y afférant est, vive la societé kokadjè, fer de lance de l'opération kokadjè pour un pays propre, pour un environnement sain!.
Deux balayeurs de la rue (voirie) en constituent les premiers personnages qui y apparaissent.
Le premier balayeur professe volontiers le kokadjè dont il devient adepte dévoué. Il espère récolter un jour le fruit de son dévouement pour cette cause définie par les autorités.
Le deuxième balayeur est sceptique, incrédule face à cette profession de foi. Point ne sert à quelque chose de prôner le kokadjè qui ne représente qu'un discours autant qu'en apporte le vent. Il conteste et désavoue cette politique. Nettoyer les caniveaux ou en construire de nouveaux ne changera rien, c'est dans la tête des gens que ça doit d'abord changer. Pour lui les types de société comme kokadjè aggravent les problèmes de la société au lieu d'en résoudre. En plus le nombre des chômeurs va croissant. Mais, précise le premier balayeur, le grand nettoyage ne concerne pas la rue, il s'agit plutôt de ceux d'en haut, ceux qui occupent de grands postes. Le deuxième balayeur conserve son scepticisme et critique les grands discours des partis politiques, des associations et des organismes non suivis d'effet.
Face à cette léthargie qui s'empare du sommet et les grands discours sans effet, l'alternative semble être la rue et dont deuxième balayeur évoque la générosité. Elle reçoit tout et tout le monde: enfants ratés, hommes gagnés par le désespoir, mendiants, les fous. Mais on y vole et on meurt également, replique le premier balayeur. Ainsi donc s'engage une discussion. Tandis que le premier balayeur dénonce et critique la rue et ses insanités, ses insalubrités qui méritent de larges coups de balai, le deuxième balayeur continue à faire l'apologie de sa générosité. On trouve tout dans la rue, même ce miroir qu'il a ramassé dans une poubelle. Les rues, si tu savais tout ce qu'elles contiennent. Peut- être qu'un jour on en verra la valeur, soutient le deuxième balayeur.
Son interlocuteur ne présage rien de bon dans cette hypothétique situation où on verrait une valeur dans un petit miroir ramassé dans la poubelle. Il souhaite plutôt qu'elle n'arrive pas sinon en plus des rats et des mouches tu risques d'avoir d'autres concurrents plus féroces. L'homme qui découvre le gain caché alors qu'il l'ignorait auparavant est bien souvent des plus féroces. Le premier balayeur en sait donc des choses des ambitions du second. Et c'est le lieu de peindre la situation de misère effroyable que l'on vit dans les quartiers. Ce miroir représente donc la recherche d'une image prometteuse, un avenir meilleur, une alternative à la condition de misère. Comment s'y prendre cependant? L'obstination à résoudre cette équation traduit bien une ambition. Se traduira- t- elle par la rechereche d'une admiration de soi par les siens?
Le morceau de miroir se revèle trop petit pour deux visages. Il est juste fait pour moi, attends prochainement si je trouve un miroir plus grand on recommencera la démonstration, dit le second balayeur qui visiblement est animé d'ambition. Une ambition hautement politique et visant de façon inconsciente le pouvoir.
Son itinéraire peu défini se confond dans une autre entreprise bien consciente et organisée par des hommes en uniforme, un projet de coup d'Etat. Le président de la République déjà écarté (en lieu sûr) les comploteurs s'en prenaient alors au deuxième balayeur érigé en bouc émissaire. En raison de ses contestations de l'ordre établi et de ses rèves pour un changement. Un joli coup, en effet. Le chef des comploteurs s'adressant à lui, donc tu fais partie de ceux qui veulent enlever notre président, nous sommes au courant et nous allons déjouer votre complot. Le dessein était de l'écarter pour prendre le pouvoir. Mais dépassé par le concours des circonstances les porteurs d'uniforme de crainte d'être découverts dans leurs motivations réelles seront contraints de coopérer avec le balayeur qui du coup disposera du pouvoir des droits. Il se maintiendra président de la République.
Le public sera toujours condamné à assister à ce type de tragédie sur d'autres scènes à travers le monde. Pourquoi pas sur la scène polique, dans les processus démocratiques au Mali, en Afrique et ailleurs?
Boukary Daou
Editor ([email protected])
The University of Western Australia/French
Last updated: Wednesday, 16-Jul-1997.
https://www.arts.uwa.edu.au/AFLIT/Fofanacompterendu.html