a naissance dans l'Annam de l'époque fut un événement dans la petite bourgade occupée par l'Armée française. Les enfants issus d'unions d'africains et d'asiatiques n'étaient pas encore chose courante et tout le monde était curieux de voir l'être différent qui venait de naître. J'étais un objet de curiosité comme tous ceux de mon espèce. Comme je l'ai dit dans la note biographique de l'Ecureuil et le Cochon (Hurtubise), être différent n'était pas chose aisée, surtout à cette époque-là. Rentrée en Afrique, j'ai grandi "bercée par les comptines annamites rythmées par les tams-tams africains". J'ai beaucoup pleuré à cause de ma couleur café au lait, ou plutôt thé au café, c'était selon l'humeur des uns et des autres. Je voulais être noire comme mon père et jaune comme ma mère. Toutes ces souffrances étaient causées par l'ignorance, l'intolérance. En prenant de l'âge, je me suis rendue compte de ma vraie richesse: en moi se mêlaient deux civilisations, deux mondes. Cela faisait de moi un être exceptionnel. Ce fut, pour moi, le début d'un rêve: un monde sans frontières, un monde où toutes les races se mêleraient.
Aujourd'hui, je me sens fille d'Afrique, fille d'Asie, fille du monde. Je me sens partout chez moi et je jouis d'un optimisme à toute épreuve. C'est cet optimisme, cette joie de vivre, malgré les aléas de la vie que je veux faire partager aux enfants du monde entier. Ils sont le monde, parce qu'ils sont les enfants.
Micheline Coulibaly
Mexico, Octobre 1996