Et La femme se re-créa Extrait d'un roman inédit de Maguy Kabamba 1997 |
J'avançais à petits pas dans cette rue bouillante de Toronto sans écouter mes pas et sans même y faire attention. Après une centaine de mètres, j'aperçus un beau parc et je ne pus résister à son charme. Je décidai de m'y installer pendant quelques minutes. Je m'adossai à un arbre parce que j'étais lasse. J'éprouvai un besoin ardent de faire couler ces larmes que j'avais dans l'âme, que j'avais étouffées pendant longtemps et que des fois, un petit rien faisait jaillir. Je pris place sur un banc solitaire où j'allongeai mes jambes. Dans ma tête, des pensées se mirent à défiler.
Ce qui s'était passé le matin-même ne pouvait pas me quitter...
© Maguy kabamba
Le soir précédent, Paluku, mon mari de six ans maintenant, avait été catégorique: il n'irait plus jamais consulter un médecin sur un problème qui dévastait notre foyer - l'infertilité.
C'était grâce aux supplications de notre témoin de mariage et à mes pleurs qu'il avait consenti à se rendre chez un médecin qui, après examen, lui avait révélé qu'il souffrait d'hypospermie. Le volume des spermatozoïdes émis au cours d'une éjaculation étant insuffisant, il devait subir un traitement pour le faire remonter au volume normal. Paluku avait pâli en écoutant les résultats du test et, sans un mot, il s'était levé, avait claqué la porte du cabinet et s'en était allé.
Je ne saurais décrire mon embarras; j'avais balbutié quelques mots d'excuse au médecin et avais couru à sa poursuite. Arrivée à ses côtés, il m'avait repoussée et intimé l'ordre de ne pas le suivre. Nous avions donc fait route séparément et lorsque j' étais arrivée à la maison, il n'y était pas.
Cette nuit-là, il était rentré à la maison vers deux heures du matin, ivre-mort. Je l'avais entendu tituber dans le salon et, après quelques minutes, le silence avait envahi la pièce. J'étais sortie de la chambre sur la pointe des pieds et j'avais remarqué qu'il était affalé sur le divan et ronflait déjà. J'étais rentrée dans ma chambre et j'avais essayé de dormir.
Qu'il fût rentré en état d'ébriété ne m'avait nullement surprise étant donné qu'il pratiquait quotidiennement la soûlographie au point d'en faire un rite. J'étais tout simplement tenaillée par la peur, le chagrin et je ne savais pas que faire de ma propre vie. Le matin à mon réveil, je me rendis à la cuisine pour apprêter le petit déjeuner et remarquai que mon mari n'était plus sur le divan où il avait passé la nuit. Je rentrai dans ma chambre pour faire le lit et laissai le Quaker mijoter à petit feu étant donné qu'il n'aimait pas manger de la nourriture froide.
Comme mon interview pour le poste de femme de ménage était prévu pour 11h30, je décidai de commencer à m'apprêter. J'étais sur le point de me rendre dans la salle de bains lorsque la porte de ma chambre s'ouvrit brusquement. Mon mari, debout, me fixait d'un regard cruel. Il enleva son anorak et sa chemise qu'il jeta sur le lit. Il fit descendre lentement son pantalon en souriant cruellement et j'eus le temps de constater qu'il était sorti sans slip.
Il s'avança lentement vers moi en jouant avec son pénis. Arrivé à mes côtés, déjà tout excité, il prit une petite règle et mesura son sexe.
- 20 cm, fit-il comme s'il parlait à lui-même.
Il pirouetta sur son talon, s'adressa à moi en ces termes :
- Tu m'as entendu? 20 cm. Il mesure 20 cm lorsqu'il est prêt à t'enfoncer. Touche-le.
Comme je ne bougeais pas, il cria :
- Touche-le, idiote!
Je fis ce qui m'était demandé.
- Vois-tu comme il est dur? continua-t-il en le caressant. Combien fort et puissant il peut devenir? Cependant, toi et tes médecins essayez de me faire croire que je suis incapable de procréer. Ton toubib n'a donné qu'une opinion médicale et non un fait. Imbécile!
Vous êtes tous des imbéciles!...
Il me saisit brutalement, me jeta sur le lit. J'essayai de me défendre. Il saisit mon menton violemment. Ses yeux me fixèrent avec une cruauté indescriptible. Un avertissement tacite!. Je fermai les yeux et serrai les dents. Il écarta mes jambes et me pénétra. Le coït dura cinq secondes. Il poussa un cri sauvage, éjacula et se tint sur moi. Son poids m'écrasait. Je respirais à peine. Il se releva promptement, cracha sur mon visage et me gifla.
- J'espère que plus jamais, tu ne me demanderas d'aller consulter les blouses blanches. Tu vois, ton intérieur est imbibé de mon sperme. Si on n'a pas d'enfants, c'est de ta faute. Et si tu essaies de m'incriminer encore une fois pour ce problème, je te paie immédiatement le billet pour le Zaïre. Tu m'entends?
Je ne répondis pas. Il cria :
- M'entends-tu, imbécile?
- Oui, finis-je par dire en tremblant.
Il sortit de moi, s'écroula à mes côtés et quelques instants plus tard, il se mit à ronfler. J'étais toujours paralysée bien que tiraillée par la colère, la trouille et la révolte. Mon coeur battait la chamade. Je réussis à me tourner pour lui jeter un regard. Devais-je profiter de la profondeur apparente de son sommeil pour aller prendre un couteau de cuisine et lui arracher ce morceau de chair qui était devenu la source de tous mes malheurs? Ou devais-je lui sauter au cou et l'étrangler?
Non, il était bien plus fort que moi qui étais si frêle et si fragile. Paluku était grand de taille, bien bâti, très attrayant et faisait rêver les femmes de sept à quatre-vingt-dix ans qu'il croisait sur son passage. Athlétique, la bagarre ne lui avait jamais fait peur. Charismatique, il allait toujours droit au but. Sportif, il avait des épaules d'athlète, de belles cuisses assorties, un beau nez épaté, une belle moustache et son teint était d'un beau noir d'ébène. Malheureusement, comme ma mère avait l'habitude de le dire, Dieu ne donne pas tout. Et dans ce cas, Dieu n'avait octroyé à Paluku qu'un cerveau guère plus grand que celui d'une poule!
Pas très brillant! C'était par chance qu'il avait décroché son diplôme d'Etat et c'était par hasard que ses études supérieures en sciences sociales avaient été couronnées par une licence. Il ne lisait presque jamais. Il critiquait à tort et à travers tout ce qui lui passait par le nez. Alors, pourquoi, l'avais-je épousé?