Ma chère Susan,

Qu'est-il advenu de toi en ce 6 mars 2009 ? Qu'est-il advenu de tes souffrances de femme qui s'est longtemps battue pour les siens ?

Qu'est-il brusquement advenu de tous les espoirs suscités par la prestation de serment de ton époux Morgan ? Après tant d'années de lutte inféconde.

Ma chère Susan, qu'elle a du être ta surprise lorsque brutalement votre voiture a quitté la route et que subitement tu as du laisser Morgan sur le bas côté, lorsque tout s'est arrêté pour toi sur cette terre aimée de ton pays ?

Très chère Susan, immense a du être ta peine de laisser ton époux ; plus immense encore celle de quitter sans au revoir, dans le bel âge, vos six enfants violemment déchirés par tant d'injustice ?

Susan, il est aisé d'imaginer ta détresse de passer si vite d'ici à là-bas. Qu'as-tu demandé au Seigneur, dès que tu as tout compris ?

On peut imaginer que tu te sois agenouillée pour le remercier d'avoir eu une vie bien remplie, d'avoir eu Morgan et vos enfants et d'avoir gagné au combat.

On peut imaginer que tu es maintenant apaisée dans cet univers lumineux de vérité et que de là-bas, tu regardes le monde d'ici avec un cœur de pardon et de bénédictions.

On peut imaginer que de là-bas, tu n'as que bénédictions pour les tiens, pour ton beau pays le Zimbabwe, pour ceux qui t'ont été proches, ceux que tu as combattus et ceux qui t'ont combattue.

On peut imaginer, chère Susan, que de là-bas, ou finalement nous irons tous, tu te demandes pourquoi les hommes ne transcendent pas leur ego, car la vie devrait pouvoir être belle ici et là-bas.

Chère Susan, tu es partie, mais rien n'est perdu. Tu as juste fini de jouer ta belle partition. Tu n'es plus, mais tout ce que tu as fait demeure et continuera à éclairer le chemin de ceux qui sont restés.

Repose en paix.

Une sœur que tu n'as pas connue.

Fatoumata Kane, mars 2009