"Fent", "Leeb" et Grandeur de Saint-Louis La Majestueuse Extraits d'un recueil de chants de fanal (inédit) Adja Fatou Niang Siga |
De nombreuses manifestations ponctuaient la vie de la cité. Certaines propres à chacune des deux saisons qui couvrent l'année animaient davantage les quartiers. Celles qui rassemblaient le plus grand nombre de jeunes étaient les veillées pour les séances de "leeb" et de "fent".
Le "leeb" était organisé en période de grande chaleur quand les flâneurs en tenue légère déambulaient à travers les rues, en quête de fraîcheur.
Dans un décor naturel de ciel constellé et à proximité du lampadaire d'un carrefour du secteur, le "leebkat" se produisait. Ce tribun attirait par son allure, intéressait par son humour, étonnait par sa virtuosité et parfois charmait par sa poésie. Son déguisement confectionné avec du tissu satiné de couleur vive comprenait un pantalon bouffant qui trainait entre ses jambes et une tunique ouverte des deux cotés. L'ensemble, retenu à la taille par une bande toile à laquelle étaient agrafés gris-gris et grelots, scintillait de la réfraction de la lumière par les petits miroirs qui garnissaient la tunique. Cet accoutrement donnait aux troubadours un aspect étrange.
Burlesque, satirique, dénonciateur des travers de la vie courante, il était le maître du verbe. En se servant de la parole comme arme, il s'attribuait le droit à certaines faveurs de la part des habitants de la cité qui, pour la sauvegarde de leur prestige, l'acceuillaient et le comblaient.
Contrairement au "leeb", les "fent" n'avaient lieu qu'au mois de décembre, période pendant laquelle l'humidité et le froid ne favorisaient guère les veillées de plein air. Aussi, les participantes se regroupaient-elles en un lieu protégé des intempéries. Ces artistes n'avaient pas le privilège du spectacle d'un firmament étoilé diffusant une lumière tamisée qui semblait blanchir la cité; mais, elles n'en étaient pas moins inspirées pour autant. Elles se rencontraient des soirées successives dans la maison devenue le siège du Fanal à confectionner pour les fêtes de Noël et du Nouvel An. Et dans une atmosphère de tiédeur et sous l'éclairage de la flamme tremblotante de lampes à pétrole, elles apprenaient, pour les mémoriser, les poèmes dédiés au parrain du joyau et à certains membres du comité d'organisation.
Les "fent" étaient donc l'occasion pour de respectueuses et talentueuses Saint-Louisiennes du Sénégal, de confier les mémoires de leur cité à l'histoire.
A travers des vers sublimes, elles ont prouvé les prouesses et les prodiges du langage mais elles n'ont pas manqué également de maudire "lammiñ" : l'organe par lequel s'opère la transmission des sentiments de l'homme dont l'expression peut être nuisible.
En voici, quelques extraits:
I. Chant dédié au griot
Descendant d'Ali DIALLO et de Fary DER,
II et III Chants de défi
Pour ramasser du bois mort,
"Vos salutations sont pour Dieu,
C'est la prière que nous formulons,
NB:
© Adja Niang Siga
Lamine joue, oh! FALL,
Ne pense point dormir.
Lamine Coura joue
Pour que tous nous dansions,
parce que tu es digne de tes bienfaiteurs,
Petit-fils de Madièye Samba,
Originaire de Leybar.
Tu n'as point semé la zizanie,
Dans notre quartier du Nord de Saint-Louis,
En cherchant des acolytes.
Tu ne connais pas la traîtrise,
Tu ignores l'ingratitude.
Et ce n'est pas en frappant sur de vieux estagnons,
que tu as acquis l'art de battre le tam-tam.
Bravo! Bravo à toi!
Il faut aller en brousse,
Pour avoir des bûches,
Il faut se référer à l'Autorité.
On dit que les brindilles flambent;
Mais son feu, vite, s'éteint.
D'autre part, si le loup peut hurler
que dire du lion, sa majesté;
Le roi de la savane, en proie à l'harmattan.
Voyons! Celui qui a le plus profité d'un mets
N'est ce pas celui qui a pu se saisir du contenant?
(avec le contenu, bien sûr)
Vos bonnes oeuvres sont pour Dieu"
Nous sommes si jeunes.
Prenez une pincée de cendre,
Et jetez la sur les langues vénéneuses.
Quoi qu'elles disent, nous irons de l'avant.
C'est le Tout-Puissant
qui prodigue sa grâce.
Quant à vous!
Vous êtes mauvais.
Pire, vous êtes ignobles,
Vous qui osez piétiner un naja.
Mais...d'ici à la tombée du jour,
Vous courrez jusqu'à l'épuisement
Sans jamais nous atteindre.
Sens des deux derniers vers:
Quoique vous fassiez
vous ne nous égalerez jamais.
[Retour à la page d'Adja Niang Siga] |
[Page d'accueil du site "Lire les femmes"]
Editor ([email protected])
The University of Western Australia/French
Created: Thursday, 28-May-1998
https://aflit.arts.uwa.edu.au/Ineditniangsiga.html