Marie-Simone SERI Click here for English translation |
D'origine ivoirienne et née au Burkina Faso en 1954, Marie-Simone Séri a grandi dans ces deux pays avant de se rendre en France où elle vit depuis 1969 et exerce le métier d'infirmière. Son autobiographie est un hommage à sa fille Gisèle, morte à l'âge de seize ans, à la veille de passer son bac.
Ouvrage publié
Mon enfant mon cri ma vie. Vincennes: Editions Menaibuc, 1997. (94p.). ISBN: 2-911372-02-6. Autobiographie. [Préface d'Alain Mabanckou].
Je suis née le 28 octobre 1954 au Burkina Faso, l'ancienne Haute-Volta. Mes parents étaient d'origine ivoirienne et appartenaient à l''ethnie bete. Ils étaient pauvres. J'étais l'aînée d'une famille de dix enfants qu'il fallait protéger, aimer, éduquer. J'évoluais, heureuse, simplement, humainement heureuse au sein de cette famille nombreuse. Je l'aimais. De ma prime enfance, je ne garde qu'un souvenir flou. Les images qui resurgissent en moi sont vagues. Raconte-t-on le bonheur? En 1960, j'avais donc six ans. La Côte-d'Ivoire venait d'obtenir son indépendance au même moment que nombre d'autres territoires d'Afrique. Notre famille se retrouva alors en ses terres d'origine. La situation y était alors très difficile. Nous vivions dans l'inconfort, la précarité, la pauvreté. Ce n'est pas ici le lieu de revenir sur l'épouvantable situation de ce pays : elle était connue de tous. Nous devions faire face ; dix enfants, toute une famille brusquement confrontée à une misère encore plus grande, s'il se peut... Mon père obtint néanmoins un emploi dans une entreprise de transports en commun. Pour nous rendre à l'école, mes camarades et moi devions parcourir plus de cinq kilomètres à pied sous un soleil torride, insupportable. Dix kilomètres à pied par jour, à l'aller et au retour, voilà qui peut surprendre aujourd'hui les enfants que leur mère emmène le plus souvent en voiture jusqu'à la porte de l'école. |
Madame, écoutez-moi. Vous êtes peut-être une mère, vous aussi, et vous pouvez comprendre. Ecoutez-moi. Je parle, je bouge, je travaille et il advient que l'on m'entende rire. Pourtant, je ne suis qu'un long cri silencieux. Je hurle en silence et l'on ne m'entend pas. En moi coule, ininterrompu, le flot destructeur de mes larmes cachées. Pour survivre malgré la peine, pour continuer à paraître vivre, pour les miens et aussi pour moi, il me faut ici crier ma douleur. J'essaierai de le faire simplement, avec mes mots à moi, qui tenteront d'exprimer, si peu, si mal, mais avec une sincérité totale, comme si j'étais devant un juge, la souffrance causée par le drame qui m'a broyée. Parce que vivre, c'est partager afin de ne jamais, un seul jour, oublier ceux que nous avons aimés. Je ne désire pas écrire un livre semblable à ceux que nous lisons pour nous distraire, pour nous instruire, mais seulement le récit de mes angoisses, de mes difficultés de femme, de mère. Je désire évoquer le jour terrible avec naturel, discrétion, pudeur. Evoquer la mémoire de ma fille avec l'immense amour qu'avant même sa naissance je lui avais porté. Je désire dans ce roman transcrire mon Vécu en ses joies, en ses peines, peut-être en ses mystères... Je désire m'exprimer. Evoquer mes joies. Evoquer mes jours. Evoquer mes nuits. Evoquer ma vie. (Prologue, p.15) |
Editor ([email protected])
The University of Western Australia/French
Created: 12 July 2000
Archived: 17 December 2012
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