Julienne Zanga, Alima et le prince de l'océan, Paris, Dapper jeunesse, 2001, 88p.
Par le Dr Cécile DOLISANE-EBOSSE
Spécialiste des littératures africaines et antillaises et
Socio-anthropologue
Université de TOULOUSE-LE MIRAIL
(Février 2003)
Julienne Zanga, écrivain camerounaise vient d'enrichir la jeune littérature enfantine africaine avec Alima et le prince de l'océan dont le fil structurateur est le triomphe de l'amour en tant que facteur unificateur des peuples. Alima, la petite orpheline effectue un voyage réel et initiatique de la savane (le village de Rhuma) vers la Côte (le village de pêcheurs) pour enfin disparaître dans l'océan avec Shango, le prince charmant grâce à l'union sacrée, au mariage.
D'entrée de jeu, la narratrice dévoile les us et coutumes des peuples de la savane, leur symbiose avec la nature environnante ainsi que leur philosophie de vie. La sagesse ancestrale de ces peuples est mise en exergue au travers de leurs "funérailles ", leur conception de la mort : "elle n'est pas que tristesse. La mort est une nouvelle vie [...] " (p14), le respect scrupuleux des traditions et leur attachement aux puissances cosmogoniques. De la sorte, il s'est établi entre Alima "la petite reine ", et son ami Bombo, un minuscule serpent noir une certaine complicité, un vrai pacte tacite (p.7).
En outre, elle nous relate le départ de la jeune héroïne vers Malobé, sa famille maternelle qui avait banni sa défunte mère pour s'être mariée à un étranger (l'homme de la savane). Aussi les habitudes des peuples de Rhuma sont-elles radicalement opposées à ceux de Malobé ( la grande forêt qui longe l'océan) : " Alima là où l'on va, les coutumes sont différentes. Les jeunes filles ne vont plus les seins nues" lui apprend sa tante (p.27). Ceux-ci croient fermement aux forces protectrices de l'eau : " les mamiwatas ". Pour ce faire, Nanga, la même tante de l'héroïne se déploie à décrire ce monde merveilleux où tout est somptueux. Dans une pure spéculation, le lecteur se laisse peu à peu emporter par ses envolées lyriques sur la morphologie de ces êtres étranges ; laquelle morphologie provoque chez la petite Alima, fascination et appréhension. Toutefois, cette société de l'Océan est hantée par des esprits malfaisants "Abemot et la traîtrise de Muto qui est lui terrien" et pétrie d'interdits et de superstitions : " les cauris ", le talisman " et "l'oiseau- totem " (73).
L'intrigue est pleine de rebondissements. Les joies et peines s'alternent dans cette écriture entrecoupée de chants mélancoliques et de vers lyriques. Ce qui prouve que nous sommes dans un conte de fée où prose et poésie ; fiction et réalité se mêlent, agrémenté d'une ambiance pittoresque et bucolique par la luxuriance des paysages le tout baignant dans un monde surnaturel : " le monde des esprits " (p.15).
Dans cette romance, le mariage d'Alima, une terrienne avec Shango, le prince l'océan est par métaphore la symbiose entre la terre et la mer. Elle traduit symboliquement réconciliation, cette pointe de complétude et de fusion "terre- mère " puisque dans sa démarche initiatique et purificatrice, la future reine s'imprègne "des génies de l'eau " par le biais de la danse rituelle : " la danse de l'océan ". Mais, en arrière- fond, l'auteur atteste que cet amour que l'humanité requiert pour sa communion peut être entravé par de vices tels que : la perfidie, la traîtrise et l'intrigue des hommes. Quoiqu'il en soit, la justice et l'amour triomphent, d'où la réalisation "de l'antique prophétie " : ce mariage contre- nature qui incarne l'espoir. Car "L'amour est partout. [...] " L'amour est mystère" (p 87-88).
Finalement, au- delà de la détente et de l'évasion que dégage cette prose poétique, celle-ci possède de manière sous-jacente, une véritable littérature anthropologique : " Alima soit gentille envers ton prochain, qu'il soit Homme, Animal ou Plante. Respecte tout être vivant [...] " (p.16). Elle peut être appréhendée sous un prisme ethno- culturelle et sociologique. Nous regrettons tout de même que cette fable à visée didactique connotant une subtile philosophie de tolérance et d'harmonie intérieure soit si brève.
Editor ([email protected])
The University of Western Australia/French
Created: 7 March 2003
https://www.arts.uwa.edu.au/AFLIT/ZangaCompteRendu.html