L'AFRIQUE ECRITE AU FEMININ Notes de lecture |
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Premier roman, premier texte de Marie NDiaye que je lis. J'ai abordé sa lecture avec un peu de méfiance. Beaucoup d'éloges après son Prix Goncourt 2009 mais cependant un bruit de fond conséquent concernant la difficulté à rentrer dans ses histoires, la lourdeur du style, l'apport d'éléments fantastiques dans le récit...
J'ai pourtant été immédiatement et totalement emportée par l'auteure dès les premières pages de son roman. Le premier récit, qui concerne Norah, est de loin mon préféré. Je le qualifierais même de petit bijou. Il s'agit d'un texte très riche, extrêmement bien écrit, complexe tout en étant accessible. Alors que je craignais l'apport d'éléments fantastiques dans le texte, c'est justement ce qui m'a vraiment séduite ici.
La première femme puissante est Norah. Elle est avocate à Paris. Elle débarque dans la maison de son père, à Dakar. Celui-ci a réussi à la faire venir sans lui donner de réelles explications. Ils ne se sont pourtant pas vus depuis très longtemps. L'homme a bien changé, a perdu de sa superbe mais affiche tout de même toujours le même mépris envers sa fille. Ce séjour au Sénégal va forcer Norah à se retourner sur son passé, sur les difficultés de sa jeunesse mais il sera aussi l'occasion pour la jeune femme de s'interroger sur sa vie actuelle, sa liaison avec son nouvel ami Jakob, sa relation avec sa fille. Tout va changer.
La deuxième femme puissante est Fanta. Nous apprenons à la connaître uniquement par l'intermédiaire de son mari Rudy, que nous suivons au cours d'une journée interminable sous une chaleur suffocante. Il va ressasser sans répit, avec obsession, les objets d'une dispute qu'il a eu avec Fanta le matin même. Ce récit m'a paru plus complexe que le précédent. L'auteure a tellement bien réussi à nous communiquer le mal-être de Rudy, sa culpabilité, "ses pensées mesquines et envieuses" que finalement nous plongeons dans une ambiance très malsaine, dans un tel malaise qu'il n'est pas aisé de s'en débarrasser. A ne pas lire dans toutes circonstances de la vie, donc.
La troisième femme puissante est Khady, Khady Demba. Nous sommes de nouveau au Sénégal. Après la mort de son mari, la jeune femme se retrouve seule et vient se réfugier dans sa belle famille qui cherche très vite à s'en débarrasser. Elle est alors forcée à quitter le pays et essaie de rejoindre la France. Elle aura le destin le plus tragique des trois femmes.
Peu de liens entre les trois récits mais beaucoup de points communs entre les personnages. Ils ressassent constamment des évènements de leur passé, leur incapacité à exprimer leur amour pour leurs proches, ils culpabilisent sans cesse. Ces femmes sont puissantes, il me semble, par leur capacité à rester silencieuse, dénuées de sentiments, à s'extraire du réel, à porter un masque, à plonger dans leurs rêves.
"Sans cesser de travailler, elle glissait dans un état de stupeur mentale qui l'empêchait de comprendre ce qui se disait autour d'elle. Elle se sentait alors presque bien. Elle avait l'impression de dormir d'un sommeil blanc, léger, dépourvu de joie comme d'angoisse" p. 253.
Un livre que j'ai donc vraiment apprécié et une romancière vers laquelle je reviendrai certainement!
AnnDeKerbu 29 août 2010
https://anndekerbu.blogspot.com/
D'autres notes de lecture Lire les femmes et les littératures africaines [email protected] Novembre 2011 https://aflit.arts.uwa.edu.au/ndiaye_anndekerbu_10.html |
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